Les rituels funéraires païens de l’ancienne Russie

Viktor Vasnetsov
Depuis la nuit des temps, les différents peuples vivant sur le territoire russe ont pratiqué divers rites funéraires. On peut notamment citer les kourganes slaves, les tombes souterraines de l’Altaï, les enterrements hors-sol des peuples de Sibérie, mais il y en a tant d’autres...

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Quand le christianisme est arrivé en Russie, entre le Xe et le XIe siècle, il a entraîné des changements dans les traditions païennes très présentes dans le quotidien des peuples vivant sur le territoire de l’actuelle Russie, voire leur disparition. Avec le développement du pays, les chrétiens russes ont conquis et assujetti les terres à l’Est : l’Oural, puis la Sibérie.

La christianisation de ces territoires nouvellement conquis allait main dans la main avec ce processus d’élargissement à l’Est. Les rites funéraires chrétiens ont donc remplacé, avec le temps, les traditions indigènes. Les sources historiques ou archéologiques ont tout de même réussi à garder de nombreuses informations sur la manière dont ces peuples enterraient leurs morts avant que les rites chrétiens ne prennent l’ascendant sur eux. Dans cet article, nous nous penchons sur quelques-uns de ces anciens rites funéraires païens.

Les sépultures hors-sol

Une sépulture au-dessus du sol trouvée dans une forêt russe

Il semblerait que les inhumations hors-sol aient été largement pratiquées par les peuples vivant sur le territoire russe avant l’arrivée du christianisme. Les légendes folkloriques font également mention de ces rites : Baba Yaga, la sorcière maléfique, vit dans une cabane perchée sur des jambes de poulet dans la forêt. La cabane n’a ni porte ni fenêtres et Baba Yaga a une « jambe en os ». Ici, il semblerait que le conte décrive une sépulture hors-sol, une carcasse enterrée dans un cercueil en bois placé sur des pieds en bois.

Femmes mokchas en habits traditionnels, 1900

Les Mokchas, peuple mordve vivant en Russie centrale, enterraient leurs chamans de cette manière. Ensuite, la plupart de ces tombes ont été détruites lors de la christianisation, mais la pratique a perduré en Sibérie pendant plusieurs siècles, car l’État russe a mis longtemps à conquérir et contrôler la région.

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Le peuple nénètse est le groupe ethnique le plus nombreux de Sibérie. Selon leurs croyances de la vie après la mort, l’âme humaine continue de mener l’existence qu’elle avait avant son décès. Il était donc très important pour eux d’enterrer leurs morts rapidement et le corps était transporté sur un renne jusqu’au tombeau dès le lendemain de la mort.

L'ethnographe V. Vassiliev et une sépulture iakoute au-dessus du sol en Sibérie, 1905

Les cimetières nénètses étaient souvent situés en haut de collines. Une fois le corps sur place, il était placé dans le cercueil en bois avec des outils, armes et autres objets dont l’âme pourrait avoir besoin dans l’au-delà. Ils étaient tous tordus ou brisés, pour qu’ils puissent être utilisés dans la vie après la mort. Le cerf qui transportait le corps était ensuite sacrifié sur le tombeau. Il ne s’agissait pas d’un enterrement à proprement parler, puisque les Nénètses n’inhumaient pas leurs morts : le sol gelé ne leur permettant pas de creuser des tombes, les cercueils étaient donc couverts de branchages et laissés sur le sol. Les villageois ne s’occupaient ensuite plus du cercueil, et le corps se décomposait naturellement. Si un nourrisson ou un enfant mourait, son corps était placé dans un sac accroché à la branche d’un arbre, comme pour l’enterrer « dans les cieux ».

Les représentants du peuple bouriate, qui vit dans les régions environnantes du lac Baïkal, laissaient également leurs morts hors du sol. Ils vêtaient leurs proches décédés de leurs plus beaux habits, les plaçaient au sol avec des armes, des outils et des morceaux de harnais de chevaux, puis les couvraient de terre, de pierres ou de branches. Ils essayaient de les placer dans des endroits où les animaux sauvages étaient présents, afin que l’âme du défunt puisse rapidement rejoindre ses ancêtres.

Les maisons-caveaux de l’Altaï

Excavation d'une sépulture pazyryk. Vous pouvez voir les rondins de la « demeure » souterraine.

Dans les années 1990, des archéologues russes ont découvert de vastes sépultures sur le plateau de l’Oukok, dans la République de l’Altaï. Ces sépultures de type tumulus ou « kourgane », comme on les appelle en Russie, appartiennent à la culture pazyryk, une ancienne société scythe qui vivait sur ce territoire aux Ve et IVe siècles avant J.-C.

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La découverte archéologique la plus importante est la « Princesse de l’Altaï », une chamane tatouée enterrée avec six chevaux sacrifiés et de nombreux trésors. Il ne s’agit pourtant que de l’un des nombreux corps de l’époque retrouvés en excellent état dans les environs, car les eaux qui ont inondé les tombes puis ont gelé ont conservé leur contenu.

Schéma d'une chambre funéraire pazyryk : l'état de la sépulture lors de sa découverte (à gauche), la reconstruction de la chambre funéraire (à droite).

Les kourganes pazyryks étaient en réalité des maisons faites pour les morts. Une cabane de rondins était placée sous terre, avec une chambre à part spéciale pour y placer le corps. Entièrement habillé, celui-ci était allongé dans un cercueil en bois, puis des objets nécessaires à sa vie après la mort étaient disposés autour : chevaux, harnais, tapis, armes et même des chars. Cependant, seuls les Pazyryks nobles et riches, comme les guerriers ou les princes, étaient enterrés de telle manière.

Les kourganes slaves

Un ancien kourgane à Tioply Stan, aujourd'hui un district municipal de la ville de Moscou.

Les kourganes étaient généralement de petites collines escarpées construites au-dessus des tombes. Ce type de sépulture s’est répandu en Asie centrale et en Europe 3 000 ans avant J.-C.

« Le festin funèbre d'Oleg le Sage », par Viktor Vasnetsov, 1899. Les parents du prince sont en deuil au-dessus du kourgane fraîchement créé, tandis que les guerriers et les amis d'Oleg boivent et pleurent en dessous.

Il existe toujours un grand nombre de kourganes slaves en Russie centrale, mais ils ne contiennent plus rien : durant leur existence longue de plusieurs millénaires, ils ont tous été pillés par les chercheurs de trésors. On sait cependant aujourd’hui comment les enterrements y étaient pratiqués.

Un groupe de kourganes dans la région de Novgorod

Il était facile de les édifier en amassant de la terre sur les tombes puis en entourant ses fondations de pierres ou de rondins en bois. Le corps du défunt était paré de ses meilleurs atours, une cérémonie se déroulait, puis le corps était brûlé. Les restes étaient ensuite enterrés dans le kourgane et couverts de terre et de pierres. D’autres objets comme des armes, des objets ménagers ou encore de l’argent pouvaient être enterrés avec le corps. On ne plaçait cependant ni pierre tombale ni aucun signe quelconque au-dessus des kourganes slaves.

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Dolmens

Un dolmen dans la région de Krasnodar

Les dolmens, anciennes tombes mégalithiques, sont si vieux qu’on ne sait même pas quelle culture les a érigés. On peut cependant affirmer qu’ils ont été construits entre 3 000 et 2 000 avant J.-C. En Russie, on trouve la majorité des dolmens dans le nord du Caucase.

Construits en grès et en calcaire, les dolmens ont généralement quatre murs et un toit. Un trou est creusé dans l’un des murs, probablement pour pouvoir placer le corps dans la chambre funéraire. Des pierres étaient ensuite utilisées pour le boucher. Les dolmens pouvaient également ensuite être couverts de kourganes de terre.

On n’a retrouvé aucun kourgane ni reste de corps, du fait de l’âge des structures. On est cependant sûrs qu’ils étaient utilisés dans un but funéraire : ils étaient orientés selon la position des étoiles, et certains étaient clairement utilisés comme des caveaux familiaux tandis que d’autres l’étaient comme sanctuaires.

Dans cet autre article, nous vous présentions six fascinants monuments préhistoriques de Russie, entre dolmens et labyrinthes de pierre.

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