Staline en 1937
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Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer qu’un président, quel que soit son pays, prenne un pseudonyme comme une star du show-business et relègue son vrai nom aux oubliettes. Pourtant, il y a moins d’un siècle, c’était la norme en URSS. Et les politiciens de haut rang n’étaient pas les seuls à le faire. Des scientifiques, des acteurs, des réalisateurs et des écrivains ont changé de nom. Le critère idéal pour un nouveau « pseudonyme » était son origine russe.
Georgi Ivanov et sa combinaison
Svilen1970, Scroch (CC BY-SA 4.0)Avant l’arrivée au pouvoir des bolcheviks, changer de nom de famille était une tâche compliquée et presque impossible. Les seules exceptions étaient pour la noblesse dans des circonstances particulières ou pour les étrangers adoptant le christianisme orthodoxe : dans ce cas, ils pouvaient changer leur nom pour en choisir un russe.
Les noms de famille étaient le plus souvent formés selon plusieurs règles : à partir de noms de baptême (par exemple Denissov à partir du prénom Denis), de surnoms (Toutchkov à partir du mot « toutchny » signifiant « obèse », « Kozlov » à partir de « koziol », désignant le « bouc »), de professions (Maslennikov, du métier de huilier, Klioutchnikov, de celui d’économe, Svetchnikov, pour le cirier), ou de noms géographiques et topographiques. Cependant, l’ère soviétique a commencé avec l’effondrement de l’ordre coutumier, et l’un de ses premiers décrets a été la permission de changer de nom de famille. Quelques années plus tard, en 1924, il a également été autorisé de changer de prénom.
La procédure n’était pas compliquée, et de nombreuses personnes se sont précipitées pour en profiter. Pour ceux qui travaillaient dans le domaine public et étaient célèbres, c’était même parfois nécessaire. Ainsi, en 1979, le premier cosmonaute bulgare Georgi Kakalov s’est vu refuser l’entrée en orbite jusqu’à ce qu’il change son nom de famille (en russe, comme en français, son nom évoquait des associations inconvenantes). Il a donc fini par s’envoler sous le nom de Georgi Ivanov.
Cependant, les porteurs de noms de famille blessants et indécents n’ont pas été les seuls à entreprendre cette procédure.
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Joseph Staline en 1902
Domaine publicLa personne la plus célèbre qui a changé son nom de famille non russe est probablement Joseph Staline. Le Géorgien Joseph Djougachvili avait plus de 30 pseudonymes, sous lesquels il était connu dans les milieux révolutionnaires jusqu’en 1911. À l’époque, il était le plus souvent appelé simplement Koba, un nom très symbolique pour la Géorgie. Koba est en effet l’équivalent géorgien du nom du roi perse Kavadh Ier, qui a conquis la Géorgie orientale à la fin du Ve siècle et a fait de Tbilissi sa capitale pendant 1 500 ans. De tels parallèles historiques en imposaient certainement à Djougachvili.
Néanmoins, le pseudonyme de Koba n’était pratique et compréhensible que dans le Caucase, alors que les ambitions du révolutionnaire géorgien commençaient à s’étendre bien au-delà de la région. Son influence atteignait le niveau national et les liens avec les branches russes du mouvement se multipliaient. Un nouvel environnement culturel et linguistique nécessitait donc un nom différent – un nom à consonance russe. Il a alors signé son premier pseudonyme, Staline, en janvier 1913, pour « Le marxisme et la question nationale », qui sera finalement retenu. La première association qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque Staline est l’acier (« stal » en russe), ce qui était également extrêmement approprié.
Cependant, le secrétaire général soviétique Iouri Andropov, par exemple, avait quant à lui une raison différente pour changer son nom de famille en un nom russe euphonique.
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Iouri Andropov
SputnikLes chercheurs biographes de l’élite soviétique du Parti affirment qu’Andropov, qui a dirigé l’URSS de 1982 à 1984, portait à l’origine le nom de Lieberman et l’a changé cinq fois au cours de sa vie (les informations sur ses origines sont encore classifiées). Son père Welv Lieberman était un juif polonais, tandis qu’Andropov était le nom de famille de son second beau-père.
Copie de l'acte de naissance de Iouri Andropov
Domaine publicCacher son origine ethnique en URSS était justifié par la politique de l’État. L’on comptait 128 peuples en URSS, mais la nation titulaire était les Russes, ce qui a été souligné par une ligne en gras après la fin de la Seconde Guerre mondiale – la première impulsion en ce sens a été le toast de Staline lors d’une réception au Kremlin le 24 mai 1945, lorsqu’il a souligné le rôle du peuple russe en tant que force directrice et l’a qualifié de « nation la plus remarquable parmi toutes les nations composant l’Union soviétique ».
L’ethnie en URSS (elle était même inscrite sur le passeport) avait un impact tacite sur la progression de la carrière, l’accès aux ressources sociales, éducatives et scientifiques. En bref, si l’on voulait atteindre une certaine position, un nom de famille non russe pouvait constituer un obstacle. Cela était particulièrement vrai pour les personnes d’origine juive. Les Juifs ont fait l’objet d’une méfiance particulière après la fondation de l’État d’Israël en 1948, leur attribuant une orientation pro-occidentale et un enthousiasme patriotique (aux yeux des autorités soviétiques, il s’agissait d’une preuve de déloyauté envers la patrie « soviétique »).
Ivan Issakov
Grigori Vaïl/SputnikCette lutte contre le cosmopolitisme (comme l’on appelait la campagne politique contre les tendances occidentales) a imprégné tous les domaines, de la littérature et de l’art aux sciences humaines. C’est pourquoi tant de membres de l’intelligentsia ont cherché à corriger leur situation en changeant de nom. Parmi eux, le commandant militaire soviétique et amiral de la marine Ivan Issakov (l’Arménien Hovhannes Ter-Isahakyan), l’artiste du peuple de l’URSS Faïna Ranevskaïa (Juive, dont le nom de naissance était Fanni Feldman), le lauréat du prix Lénine et acteur Innokenti Smoktounovski (né Smoktounovitch), issu d’une famille de Juifs polonais exilés en Sibérie, et bien d’autres.
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