Comment les Russes ont combattu l'Empire romain d'Orient

Oleg mène son armée jusqu'aux remparts de Tsargrad. Miniature provenant de la Chronique des Radziwiłł (début du XIIIe siècle)

Oleg mène son armée jusqu'aux remparts de Tsargrad. Miniature provenant de la Chronique des Radziwiłł (début du XIIIe siècle)

Domaine public
Les «barbares du Nord» ont facilement atteint le cœur même de l'empire – Constantinople, provoquant une véritable horreur tant au sein du simple peuple que chez les dirigeants de Byzance.

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« Cette tribu barbare a toujours nourri une haine furieuse et enragée envers l'hégémonie romaine ; à chaque fois qu'il était opportun, inventant une accusation ou une autre, elle créait un prétexte pour nous faire la guerre », c'est ainsi que l'écrivain byzantin Michel Psellos parlait des Rus’ qui, durant plusieurs siècles, ont tourmenté l'empire romain d'Orient par ses invasions.

Les Rus' au pied des remparts de Constantinople (en 860)

Les dirigeants de la Rus’ de Kiev étaient séduits par le faste et la richesse de la lointaine capitale romaine – Constantinople, qu'ils nommaient Tsargrad, c’est-à-dire la « ville tsar ». Or, les princes ne se sont pas limités à des attaques de pillage et, de temps à autre, se sont engagés avec les empereurs de Byzance dans une lutte acharnée pour la sphère d'influence sur la côte de la mer Noire.

Vue sur Constantinople durant l'époque byzantine (reconstruction)

Les campagnes russes à Byzance ont commencé dans la première moitié du IXe siècle. Les princes s’efforçaient d'attaquer aux moments les plus inopportuns pour l'empire, lorsque son armée et sa flotte étaient impliquées dans d’interminables conflits en Asie ou dans les Balkans. Des forces impressionnantes étaient généralement rassemblées pour des campagnes de grande envergure. À propos d'une campagne du prince Oleg en 907, la Chronique des temps passés relate, qu'il « a pris avec lui nombre de Varègues, et de Slaves, et de Tchoudes, et de Krivitches, et de Mériens, et de Polanes, et de Séverianes, et de Drevlianes, et de Radimitches, et de Croates, et de Doulèbes, et de Tivertses... Et avec tous ceux-ci Oleg est parti sur des chevaux et des navires ; et les navires étaient au nombre de deux mille ».

Le prince Oleg et son armée avancent vers Constantinople sur des bateaux équipés de roues

Cependant, même pour une énorme armée, prendre Constantinople, considérée comme imprenable avec ses hauts et puissants remparts, était une tâche extrêmement difficile. Comprenant parfaitement les perspectives d'un siège, les Rus’ préféraient par conséquent piller et brûler les environs de la capitale romaine. Ainsi, les annales racontent une campagne à Constantinople du prince Igor en 941 : « Et ceux qu’ils capturaient – ils en crucifiaient certains, dans d'autres, les plaçant comme des cibles, ils tiraient des flèches, tordant à en casser leurs bras en arrière, les attachaient et enfonçaient des clous de fer dans leur tête. Beaucoup de saintes églises ont été livrées au feu et... bien des richesses ont été saisies ».

Action du feu grégeois lors de l'assaut d'Igor sur Constantinople. Gravure de F. Bruni, 1839

N'ayant parfois pas les forces nécessaires pour résister aux « Scythes sauvages », les Byzantins préféraient leur offrir de l’argent pour être épargnés. Il a ainsi suffi d’une seule démonstration de force au prince Oleg pour obtenir de l'empire le paiement d'un tribut et l'octroi de privilèges commerciaux aux marchands russes. Une fois les négociations terminées, il a même cloué un bouclier aux portes de la ville en signe de victoire.

Ambassade byzantine en visite auprès d'Oleg près des remparts de Constantinople. Illustration de la Chronique illustrée d'Ivan le Terrible, moitié du XVIe siècle

Malgré un début réussi, la campagne du prince Igor en 941 s'est soldée par un échec total, et trois ans plus tard, le souverain de Kiev a commencé à préparer une nouvelle expédition d'envergure. Constantinople, cependant, n'attendant pas l'arrivée des Rus’, leur a envoyé des ambassadeurs avec des offres de riches présents. Finalement, le prince et sa droujina (garde armée) ont décidé d'annuler la campagne militaire : « Sans nous battre, nous prendrons l'or, l'argent et les pavolokas [tissus précieux, ndlr] ! Qui sait qui vaincra, nous ou eux ? Après tout, nous ne pouvons nous mettre d'accord à l'avance avec la mer ; nous ne marchons pas sur la terre ferme, et dans les profondeurs de la mer, la mort nous attend tous ».

Accueil par Igor des ambassadeurs russes et grecs et discussion des clauses du traité de paix

Lire aussi : Pourquoi la Russie a renoncé deux fois à prendre Constantinople 

Cela ne s'est par ailleurs pas toujours limité à des campagnes de pillage, loin s'en faut. En 968-971, la Rus’ de Kiev et l'Empire byzantin se sont livrés une guerre à grande échelle au sujet du Royaume bulgare, que les Byzantins considéraient comme dans leur sphère d’intérêts. Le prince Sviatoslav a alors soumis plusieurs dizaines de villes bulgares. « On raconte que, après avoir pris la ville de Philippopolis, il a cruellement et inhumainement fait empaler vingt mille prisonniers et, les ayant ainsi extrêmement effrayés, les a forcés à se soumettre », a écrit l'écrivain byzantin Léon le Diacre. Cependant, la chance militaire a fini par trahir le commandant, qui a été contraint de conclure la paix avec l'empire, renonçant à toutes ses conquêtes.

Le prince Sviatoslav vainquant les Byzantins, par N. Pavlovitch

Sous le fils de Sviatoslav, Vladimir, un rapprochement actif entre les deux puissances s'est ensuite amorcé. Le prince de Kiev a épousé Anna, la sœur de Basile II, a soutenu ce dernier dans sa lutte contre le chef de guerre rebelle Bardas Phokas, et a également lancé en 988 un vaste processus de christianisation de son État païen selon le rite byzantin, ce qui a permis aux patriarches de Constantinople d'étendre leur influence sur la Rus'. 

Basile II et Constantin VIII convainquent Anna de se marier à Vladimir

L'union spirituelle entre Russes et Byzantins ne signifiait pas pour autant la fin de la compétition politique. Ainsi, en 1043, le fils du prince Iaroslav le Sage, Vladimir, a entrepris une campagne à Byzance, dont le prétexte était le meurtre à Constantinople d’un marchand russe. Les excuses de l'empereur ont alors été ignorées. La campagne s'est néanmoins terminée par un désastre total : dans la bataille navale près du phare Iskrestu, à proximité de la capitale romaine, toute la flotte russe a été détruite, et la majorité des huit cents soldats faits prisonniers ont été aveuglés par les Romains.

Guerre russo-byzantine de 1043

En 1116, le prince de Kiev Vladimir II Monomaque a à son tour décidé de se lancer dans une aventure audacieuse contre Byzance. Il avait à sa disposition un imposteur qui prétendait être Léon, le fils mort depuis longtemps de l’empereur destitué Romain IV Diogène. Ayant reconnu les droits de l'escroc sur le trône byzantin, lui ayant accordé la main de sa fille Maria et lui ayant confié son armée, Monomaque a envoyé le faux Léon Diogène combattre les forces d’Alexis Ier Comnène en Bulgarie, fermement incorporée à ce moment-là à l'empire romain d’Orient.

Conseil de Vladimir Monomaque avec des boyards et des princes, dans lequel il raconte la bravoure de ses ancêtres qui ont imposé un tribut à Byzance et appelle à une campagne contre Byzance. Détails du trône de Monomaque, 1551

L'empereur régnant n'était pas le moins du monde inquiet d'une telle invasion. Il a envoyé deux tueurs à gages chez son rival, qui ont réussi à accomplir leur mission. Peu après, l'armée russe n'a pas obtenu de succès particuliers et a quitté les limites de Byzance. Le dernier grand conflit armé entre les deux États a alors pris fin. Au milieu du XIIe siècle, a finalement commencé le processus de désintégration de la Rus' de Kiev, autrefois puissante, en principautés séparées, qui ne rêvaient déjà plus de campagnes vers la lointaine Tsargrad.

Bataille entre les principautés de Novgorod et de Souzdal en 1170. Fragment d'une icone de 1460

Dans cet autre article, nous nous intéressions à ces territoires de la Russie moderne ayant fait partie de l’Empire romain.

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