Quand un célèbre théoricien militaire allemand combattait dans l’armée russe contre Napoléon

Russia Beyond (Photos : Boris Sakic (CC BY-SA 4.0); Domaine public)
Carl von Clausewitz a traversé au sein de l’armée russe toute la guerre de 1812 contre Napoléon. Sans cette précieuse expérience, son célèbre traité De la guerre n'aurait peut-être jamais vu le jour.

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« La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens » est une formule célèbre de l'éminent théoricien et historien militaire Carl von Clausewitz. Le célèbre Allemand a consacré toute sa vie à l'étude de la nature et de l'essence de la guerre, ainsi qu’au développement de l'art militaire à différentes époques historiques.

L'œuvre principale de von Clausewitz est bien sûr le traité De la guerre, qui n'a rien à envier au légendaire Art de la guerre de Sun Tzu. Le théoricien militaire a également un livre distinct consacré à la campagne militaire de Napoléon en Russie en 1812, à laquelle il a participé directement.

Carl von Clausewitz

Au service de la Prusse

Von Clausewitz a commencé à combattre contre les Français presque dès l'enfance. En 1793, à l'âge de douze ans, il participe, en tant que porte-drapeau du régiment du prince Ferdinand de Brunswick, à la prise de la ville de Mayence.

Les années suivantes furent ponctuées d’épreuves pour la Prusse natale de Clausewitz. Face au génie militaire de Bonaparte, le royaume subit une série de lourdes défaites et perd une grande partie de ses territoires. Pour couronner le tout, les Prussiens sont contraints en 1812 de conclure une alliance avec les Français.

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Carl, qui à cette époque était devenu major, ne pouvait plus supporter cette dernière humiliation. Lui et quelques officiers patriotes ont émigré et se sont rapidement retrouvés dans l'Empire russe, littéralement à la veille de l'invasion de la Grande armée de Napoléon.

Sur les champs de bataille

Bataille de Borodino

Après le déclenchement des hostilités, von Clausewitz rêvait d'entrer dans la Légion russo-allemande, formée d'Allemands ayant fui leur patrie occupée par les Français et déterminés à la libérer avec l'aide de l'armée de l'empereur Alexandre Ier.

Cependant, un éminent commandant prussien, le colonel August Neidhart von Gneisenau, a recommandé von Clausewitz au tsar en tant que théoricien militaire majeur. En conséquence, l'autocrate nomma ce dernier au poste d'adjudant auprès du général Karl von Pfuel.

Avec l'armée russe, von Clausewitz a traversé toute la longue et difficile retraite de la frontière ouest jusqu’à Moscou. Après Pfuel, il est détaché auprès du comte Piotr Palen, puis sert au quartier général des généraux Fiodor Ouvarov et Piotr Wittgenstein.

Il a voyagé pour faire des rapports à l'empereur, effectué une inspection des fortifications défensives et était également présent sur les champs de bataille. Cependant, il ne pouvait pas directement participer aux hostilités proprement dites à cause de son ignorance de la langue russe.

« Les rapports arrivent en russe, il y a une discussion croisée sur ces rapports, les ordres sont donnés en russe et, ainsi, la direction de toute la bataille se déroule sous les yeux d'un officier étranger, qui ne peut pas comprendre un traitre mot de tout ce qui a été dit, écrit von Clausewitz dans son ouvrage La Campagne de 1812 en Russie. En un clin d’œil, vous perdez votre compréhension de la connexion générale des événements, et si un étranger n'est pas un personnage important, alors il perd toute occasion de faire ses preuves ».

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Toutes les décisions militaires du commandement ne lui semblaient pas justes, cependant, ne pouvant prendre part aux discussions des officiers, il ne faisait parfois qu'assister impuissant à la dégradation du cours de la bataille. « Vous vous sentez ici comme un sourd-muet, qui voit les autres commettre les actes les plus fous, mais ne peut pas les empêcher », a déploré Carl dans une lettre à von Gneisenau. 

Une expérience précieuse

Dans les rangs de l'armée russe, von Clausewitz a traversé toute la guerre de 1812 jusqu'à l'expulsion de ce qui restait de la Grande armée de l'Empire, avant de participer à des batailles en Europe. Devenu colonel de l'armée russe, il a reçu un sabre honorifique et l'Ordre de Saint-Georges du 4e degré des mains d'Alexandre Ier. En 1814, l'officier retourna servir en Prusse, qui à cette époque était de nouveau opposée à la France.

Von Clausewitz a regretté plus d'une fois que, lorsqu’il était détaché au quartier général, il n’ait pas pu combattre au cœur de la bataille en tant qu'officier subalterne. Cependant, c'est grâce à cela que Carl a pu étudier et analyser attentivement le déroulement des batailles et la campagne militaire elle-même. Ayant reçu un matériel illimité à utiliser pour créer son traité fondamental De la guerre, il a finalement pu s’imposer en tant que théoricien militaire majeur.

En 1812

C'est en Russie que sont nées ou se sont cristallisées ses idées sur les avantages de la forme de guerre défensive sur la forme offensive, sur l'imperfection des plans stratégiques, même les plus idéaux, sur le rôle du hasard dans la guerre, sur l'importance de facteurs tels que la fermeté, le courage et le moral de l'armée, du commandant et du peuple.

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Carl von Clausewitz a passé assez peu de temps dans l'Empire russe, mais il a pu en faire une description assez précise, qui s'est finalement révélée prophétique : « La Russie n'est pas un pays qu’on peut réellement conquérir, c'est-à-dire  occuper ; du moins cela ne peut être fait ni par les forces des États européens modernes, ni par les 500 000 personnes que Bonaparte a amenées pour cela. Un tel pays ne peut être vaincu que par sa propre faiblesse et ses conflits internes. Atteindre ces points faibles de la vie politique n'est possible que par un choc qui pénétrerait jusqu'au cœur du pays ». 

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