Pourquoi l’URSS a créé sa propre alliance militaire, le Pacte de Varsovie

Histoire
BORIS EGOROV
Après la création de l’Otan par l’Occident, l’Union soviétique a été contrainte de réfléchir à la mise en place de sa propre alliance militaire.

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Pendant la seconde moitié du XXe siècle, le Pacte de Varsovie représentait une épine dans le pied des généraux de l’Otan. Impossible d’imaginer la guerre froide sans songer immédiatement à la confrontation entre ces deux puissances politico-militaires.

Cependant, peu de gens savent que le Pacte de Varsovie, surnommé « bouclier du socialisme », a été créé bien plus tard que son rival occidental.

Union des pays socialistes

Les dirigeants de l’URSS et des « démocraties populaires », comme on appelait alors les États socialistes d’Europe centrale et de l’Est qui se trouvaient dans la sphère d’influence soviétique, ont réagi plutôt calmement à la création, en 1949, de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord par les puissances occidentales. Dans le bloc de l’Est, on pensait que les accords de défense bilatéraux que l’URSS et ses nouveaux alliés avaient conclus, ainsi que la présence des troupes soviétiques sur leur territoire, suffiraient à assurer leur sécurité.

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De plus, ayant subi de lourdes pertes lors de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS n’avait ni les capacités économiques, ni les moyens techniques de créer son propre équivalent de l’Otan. La fiabilité du personnel militaire des alliés de Moscou était en outre mise en doute : nombre d’entre eux étaient encore récemment du côté de ses ennemis.

Cependant, avec le temps, la situation économique de l’URSS s’est améliorée. Suite aux efforts de centaines de conseillers militaires soviétiques, les forces est-allemandes, tchécoslovaques, polonaises, hongroises et roumaines ont été réorganisées selon le modèle soviétique et un grand nombre de leurs officiers ont été formés dans les écoles militaires et politico-militaires soviétiques.

En 1951, Sergueï Chtemenko, chef de l'état-major des troupes soviétiques en Allemagne, évoquait déjà l’idée de créer une « union militaire de nos frères socialistes » lors d’une réunion où Staline était présent. Le Pacte de Varsovie n’a cependant vu le jour qu’après la mort du « petit père des peuples ».

C’est la conclusion, en 1954, des accords de Paris selon lesquels l’Allemagne de l’Ouest rejoindrait l’Otan et portant également sur la création de l’Union de l’Europe occidentale, union militaire des puissances d’Europe de l’Ouest, qui a véritablement lancé la mise en place de l’alliance politico-militaire socialiste. L’augmentation si soudaine de la présence de ce potentiel ennemi en Europe centrale a poussé l’URSS, la Bulgarie, la Hongrie, l’Allemagne de l’Est, la Pologne, la Roumanie, l’Albanie et la Tchécoslovaquie à conclure, à Varsovie, un pacte d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle, entérinant la création de l’union politico-militaire des pays socialistes.

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Sous la direction de Moscou

Les parties s’engageaient à se porter mutuellement assistance en cas de menace militaire, à créer un état-major allié de leurs forces armées dont les membres seraient nommés selon un accord entre les pays, et également à prendre « toute autre mesure convenue et nécessaire à renforcer leurs capacités de défense afin de garantir le travail pacifique de leurs peuples, l’inviolabilité de leurs frontières et territoires et d’assurer leur protection contre toute agression potentielle ».

En dépit de l’égalité entre les parties stipulée dans l’accord, l’Union soviétique a joué un rôle plus important que les autres dès la création de l’organisation. Tous les projets et documents importants qui étaient examinés par le comité consultatif politique, l’organe suprême de l’organisation, étaient d’abord approuvés par Moscou.

En outre, les chefs militaires des forces armées des pays membres du Pacte de Varsovie, ainsi que leurs chefs d’état-major, étaient invariablement soviétiques. Les représentants des armées étrangères occupaient, en général, le rôle d’adjoints.

Alors que les États-Unis ont scrupuleusement calculé et réparti les dépenses liées à l’Otan entre les différents États-membres, l’URSS a assumé à elle seule la quasi-totalité des dépenses de l’organisation socialiste. Si la part de l’URSS dans le financement du commandement et de l’état-major était d’environ 45%, sa part dans le financement du maintien des forces militaires et des infrastructures de l’alliance était de plus de 90%.

Contrer la contre-révolution

Les dirigeants soviétiques voyaient l’alliance politico-militaire du bloc de l’Est comme un contrepoids efficace à l’Otan. Nikita Khrouchtchev considérait d’ailleurs que le Pacte de Varsovie était « un facteur important de stabilisation en Europe ».

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Si l’organisation du Pacte de Varsovie était, pour Moscou, un instrument de politique étrangère, elle est aussi devenue un outil de gestion de crise au sein du camp socialiste.

Au cours de l’insurrection de Budapest de 1956 - connue aujourd’hui sous le nom de révolution de 1956 - les troupes soviétiques sont entrées dans le pays pour, selon l’ordre d’Ivan Koniev, commandant en chef des forces armées de l’alliance, « apporter une aide fraternelle au peuple hongrois pour défendre ses réalisations socialistes, écraser la contre-révolution et éliminer la menace de la renaissance du fascisme ». On y affirmait agir « conformément à la demande du gouvernement de la République populaire de Hongrie sur la base du Pacte de Varsovie conclu entre les pays du camp socialiste ».

Si, à Budapest, l’URSS s’est principalement appuyée sur ses propres forces (avec le soutien de l’armée populaire hongroise et des forces spéciales du pays), elle a dû faire appel à ses alliés pour réprimer le printemps de Prague, une libéralisation de la Tchécoslovaquie engagée par son gouvernement en 1968. Les troupes polonaises, bulgares, hongroises et est-allemandes sont entrées en Tchécoslovaquie aux côtés des forces soviétiques.

Le Pacte de Varsovie a expiré en 1985. Les pays membres ont décidé de le prolonger pour 20 ans le 26 avril de la même année, sans savoir qu’il ne leur en restait qu’à peine cinq. Avec le début de l’effondrement de l’URSS, la chute des régimes socialistes en Europe de l’Est et la réunification de l’Allemagne, l’existence de l’alliance n’avait plus aucun sens.

Le 1er juillet 1991, à Prague, des représentants de l’URSS, de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie et de la Tchécoslovaquie ont signé un protocole déclarant l’arrêt complet du Pacte de Varsovie. Au cours des 20 ans qui ont suivi, tous les anciens alliés de Moscou ont intégré l’Otan.

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