Le sport sous Joseph Staline

Histoire
ALEXANDRA GOUZEVA
Dans un contexte de promotion massive du sport et d’un mode de vie sain, le pays était pratiquement coupé de toutes les grandes compétitions internationales. Si les athlètes sont alors devenus des héros nationaux, beaucoup d’entre eux n'ont pas échappé aux répressions...

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Dès les premières années de son existence, le gouvernement soviétique a promu le sport de masse et le développement de la culture physique. Des travailleurs, des soldats et des paysans forts et en bonne santé étaient nécessaires pour construire le jeune pays, c'est pourquoi le système étatique enseignait le sport aux citoyens dès leur plus jeune âge. De nombreuses affiches sur ce thème de différentes années ont survécu. « Un esprit sain dans un corps sain » est un des slogans restés célèbres dans tout le pays.

Dans les années 1930, la promotion du sport a probablement atteint son apogée - Staline, la haute direction du parti et des invités d’honneur étrangers regardaient des défilés sportifs grandioses depuis la tribune du mausolée, sur la place Rouge. C'étaient des processions à grande échelle avec des numéros d’acrobatie et de force, des drapeaux soviétiques et d'immenses portraits de Staline. Et il était déjà difficile de comprendre ce qui prédominait en eux - le sport ou la politique. L'un des plus grands défilés a eu lieu en 1945 et était dédié à la victoire à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 25 000 athlètes issus de 16 Républiques ont pris part à la procession.

Associations sportives officielles et bénévoles

Le sport dans le pays s'est développé grâce à des associations sportives bénévoles : presque chaque ferme collective (kolkhoze), établissement d'enseignement et entreprise avait ses propres équipes. Les associations bénévoles et les syndicats ont activement recruté de nouveaux membres. Par exemple, si seulement 53 000 habitants des zones rurales fréquentaient des clubs sportifs en 1928, en 1935, leur nombre dépassait un demi-million.

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La plus grande association sportive bénévole du pays était le Spartak, fondé en 1935 parmi les syndicats de la Coopération industrielle. Deux ans après sa création, elle comptait déjà plus de 120 000 athlètes. Plus tard, l’association a réuni des travailleurs des domaines du commerce, des industries légères et alimentaires, de l'aviation civile, des transports motorisés, de l'éducation, de la culture, de la santé et de nombreux autres domaines. Au milieu des années 1950, plus de 450 000 personnes en étaient membres.

En outre, un grand nombre d’associations sportives étaient officielles ou ministérielles : par exemple, le Dynamo, qui existe toujours, est l’association du ministère de l'Intérieur (sous Staline - le Commissariat du peuple aux affaires intérieures du NKVD), et le CSKA est le club central de l'armée. Des terrains de sport, des stades et des piscines ont été construits pour eux. Le plus grand stade du pays à cette époque, d’une capacité de 25 000 spectateurs, a été construit en 1928 pour le Dynamo.

Les forces aériennes avaient également leurs propres équipes, par exemple, dans le district militaire de Moscou après la guerre, l'armée de l'air était supervisée par le fils de Staline, Vassili. Il a lui aussi développé activement le sport et créé des équipes de football, de hockey et de basket-ball auprès de l'armée de l'air du district de Moscou.

Staline aimait le football - un match a été organisé pour lui en 1936 sur la place Rouge ; à cette fin, on a posé un tapis de 9 000 mètres carrés sur les pavés. (En savoir plus ici). Il y avait des légendes sur le football sous Staline : l'une d'elles dit que pendant la mi-temps du match olympique de 1952, alors que l'équipe soviétique perdait contre la Yougoslavie, Staline lui-même a donné un coup de fil et martelé que les footballeurs soviétiques n'étaient pas autorisés à perdre face aux « fascistes de la clique de Tito ! ». La frayeur créée par ces menaces a conduit à un match nul.

URSS et Jeux Olympiques

Pendant de nombreuses années, le gouvernement soviétique a eu une relation difficile avec les Jeux olympiques. Les premiers JO après la révolution ont eu lieu en 1920, mais le Comité olympique ne reconnaissait pas encore la Russie soviétique. Les jeux de 1924 ont été boycottés par l'URSS elle-même - le parti a refusé de participer à cet événement « bourgeois ».

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Les Jeux olympiques ont été considérés comme « hostiles » en URSS jusqu'en 1952. Les athlètes soviétiques ont participé pour la première fois aux 15e Jeux d'été d’Helsinki et ont obtenu la deuxième place pour le nombre total de médailles.

En raison de divergences idéologiques, les athlètes soviétiques ne participaient pas aux championnats du monde et d'Europe. Au lieu de cela, dans les années 1920 et 1930, l'URSS a organisé des compétitions alternatives - la Spartakiade, du nom du chef romain du soulèvement des esclaves, Spartacus. Des athlètes d'autres pays possédant des organisations socialistes et ouvrières étaient également invités à ces tournois. Ainsi, lors de la Spartakiade organisée à Moscou en 1928, plus de 7 000 athlètes ont répondu présent, dont plus de 600 étrangers issus d'organisations sportives ouvrières de 17 pays, des États-Unis à l'Allemagne.

Des sports aux noms soviétiques

L'URSS n’a pas uniquement renoncé aux compétitions occidentales. Dans le cadre de sa campagne « pour combattre la servilité devant l'Occident », le gouvernement a même changé de nombreux termes sportifs pour des équivalents russes. Ainsi, de nombreux noms de coups de poing en boxe ont été remplacés - l'uppercut s'appelait exclusivement « coup d’en bas », et le crochet – « coup de côté » ; en lutte, le terme français souplesse a été renommé « jeté par flexion ».

De plus, l'URSS a commencé à inventer ses propres sports. Ainsi, dans les années 1930, les arts martiaux orientaux, le jiu-jitsu et le judo, ont été interdits en URSS. Pour les remplacer, on a proposé une « forme de lutte idéologiquement correcte » - le sambo (forme abrégée d’« autodéfense sans armes »). Dans les années 1960, ce sport a même été reconnu par la communauté internationale et inclus dans un certain nombre de tournois.

En URSS a également été créé un jeu basé sur le volleyball – si le ballon devait également être lancé entre les équipes par-dessus un filet, il n'était toutefois pas frappé, mais attrapé. C'était un jeu pour les écoliers et les pionniers (scouts soviétiques), ce qui a donné son nom : « pionnier-ball ».

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Sports et répression

Malgré la popularisation active du sport, de nombreux athlètes n'ont pas échappé à la vague de répressions massives de la fin des années 1930. Ceux qui assistaient à des tournois à l'étranger pouvaient facilement être accusés d'espionnage, et les athlètes brillants pouvaient facilement dénoncés par des rivaux envieux.

La situation est devenue absurde - par exemple, le club de ski de l'Université d'État de la culture physique, des sports, de la jeunesse et du tourisme a été déclaré « terroriste » - ses étudiants ont été arrêtés et son directeur a été fusillé.

Le détenteur du record de saut en hauteur Nikolaï Kovtoun a été arrêté en plein entraînement. Il a passé plus de 10 ans dans les camps uniquement parce que ses parents travaillaient sur le chemin de fer sino-oriental à Harbin (Chine actuelle) avant la révolution - une campagne visant à « éliminer le sabotage et le terrorisme » parmi les anciens travailleurs de ce chemin de fer et leurs familles avait été lancée dans les années 1930…

Le chef de la société sportive des syndicats du Spartak Nikolaï Starostine a également été envoyé au goulag sur dénonciation. Il existe une légende selon laquelle la vraie raison de l'emprisonnement de Starostine était la victoire de son équipe de football lors de la Coupe d'URSS en 1939. Le Spartak a alors battu le club ministériel Dynamo, ainsi que le club au nom révélateur « Stalinets ». Les histoires de répression dans le monde du sport à cette époque sont nombreuses.

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