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L'organisation de l'armée russe des IXe-XVIe siècles étant un sujet complexe rarement abordé dans les livres d’histoire, nous avons essayé de le rendre aussi intelligible que possible afin de mieux saisir à quel point l'armée russe était distincte et particulière.
Des bogatyrs à la table du kniaz Vladimir
Andreï RiabouchkineLa forme la plus ancienne de formation militaire russe (IXe-XIe siècles) était la droujina, une bande de guerriers expérimentés présidée par un kniaz (prince). Au début, la droujina était une communauté très soudée : les membres les plus proches du kniaz partageaient sa table et vivaient dans la même cour que lui, comme une sorte de service de sécurité. Il n'y avait aucun document concernant, seulement des accords oraux.
Les premières droujinas étaient très modestes - 200 à 300 guerriers seulement. Le kniaz contrôlait son volost (territoire) avec l'aide de la droujina : il faisait régulièrement le tour du volost, collectait des impôts (sous forme d'argent, de biens et de provisions) et protégeait la population des ennemis.
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Mais à mesure que les terres russes s’agrandissaient, les droujinas se sont transformées en formations plus grandes - jusqu'à 2000 guerriers, une hiérarchie ayant vu le jour. La partie supérieure de la droujina était constituée de boyards, qui participaient au conseil militaire du kniaz et contrôlaient les parties respectives de la droujina « inférieure ». Certains boyards pouvaient avoir leurs propres droujinas, et un kniaz moins noble pourrait servir dans la droujina d'un kniaz de plus haut rang.
Une droujina commandée par un knyaz sur une miniature du XIVe siècle
Domaine publicMais les armées des duchés russes ne se réduisaient pas aux droujinas - on formait également des gardes territoriales à partir du peuple des duchés, généralement pour de graves conflits avec d'autres duchés ou des ennemis étrangers. Les gardes territoriales étaient rassemblées sur ordre du kniaz - les guerriers à cheval et avec une armure étaient acceptés.
Au combat, le kniaz passait généralement en premier, à la tête de sa droujina et de la garde (s'il y en avait une) - cette tactique « héroïque » obsolète fut l'une des raisons pour lesquelles les Tataro-mongols ont si facilement écrasé les guerriers russes, le kniaz étant généralement abattu rapidement. Une autre raison était liée au fait que même si les armées russes avaient des cavaliers, de l'infanterie et des archers, l'organisation et le commandement de leurs formations étaient rudimentaires - ils ne faisaient que suivre les chefs et leurs drapeaux.
Décrivant la bataille de la rivière Kalka (1223), au cours de laquelle une coalition de kniazs russes a été écrasée par une armée de l'Empire mongol dirigée par les chefs de guerre Djébé et Subotai, la Chronique d'Henri de Livonie dit : « Des princes de toute la Russie se sont opposés aux Tatars, mais ils n'avaient pas assez de force pour la bataille et ont fui devant leurs ennemis. Le grand prince Mstislav de Kiev est tombé avec quarante mille soldats qui étaient avec lui. Un autre prince, Mstislav de Galitch, a pris la fuite. Parmi les autres princes dans cette bataille, une cinquantaine sont tombés… ». La chronique décrit les forces russes non pas comme une puissance unie, mais comme une congrégation de princes séparés.
Au cours des XIIIe-XIVe siècles, alors que les terres russes étaient inféodées à l'État mongol, les Russes ont lentement transformé leur armée pour mieux répondre aux besoins d'attaque et de résistance. Quelles formations les ont aidés à vaincre finalement leurs ennemis ?
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Des guerriers russes
Andreï RiabouchkineDe 1228 à 1462, les comnattants russes ont participé à pas moins de 302 guerres et campagnes, dont 200 contre des adversaires étrangers. Avec le temps, et sous la domination tataro-mongole, les terres russes se sont divisées en duchés étroitement imbriqués et organisés autour de villes fortifiées. Chacun des duchés était contrôlé par un puissant kniaz et chaque ville était obligée de former un régiment urbain - une formation militaire mixte composée d’une cavalerie et d’une infanterie avec divers types d'armures et d'armes. Bien qu'efficaces dans les guerres locales entre les duchés, ces formations n'étaient pas très adaptées face à une armée centralisée et organisée. Les kniazs russes ont donc trouvé un moyen d'améliorer l'organisation militaire : la création d’une armée de terre a commencé.
Finalisée par Ivan III, Grand prince de Moscou, l'organisation de l'armée de terre était basée sur la propriété foncière. Le Grand prince dotait ses principaux collaborateurs (les kniazs et les boyards qui le servaient) des droits de contrôler, de posséder et de soumettre à l’impôt certains territoires déterminés. En échange, ces personnes et leurs descendants mâles étaient acceptés dans le service militaire à vie - ils sont devenus les soi-disant « sloujilié lioudi po otetchestvou» (« classe soumis au service héréditaire ») qui étaient obligés de servir le Grand prince et de commander des parties de son armée, amenant avec eux un certain nombre de soldats.
« Dès qu'ils atteignent l'âge où ils peuvent porter les armes », écrivait le diplomate anglais Giles Fletcher en 1591 dans son livre Of the Russe Commonwealth, « ils apparaissent dans le bureau du gouvernement et se déclarent ; leurs noms sont immédiatement inscrits dans le registre et ils reçoivent certaines terres pour les soutenir dans leur service, généralement les mêmes que celles de leurs pères ».
Représentation d'un ancien guerrier russe
Fiodor SolntsevLes gens de la classe soumise au service et leurs proches (les propriétaires terriens) étaient toujours des cavaliers, mieux équipés et expérimentés, et formaient l'élite et la partie la plus efficace de l'armée de terre. La cavalerie a été nettement perfectionnée (sur la base des leçons apprises des Tataro-mongols). Mais la cavalerie ne suffisait pas - avec eux, les gens soumis au service ont apporté l’infanterie.
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L'infanterie se composait de personnes qui vivaient sur les terres appartenant à l'élite. Ceux d’entre eux appelés sloujilié lioudi po priborou (« classe soumise au service élue ») étaient embauchés pour le service militaire et recevaient de l’argent. Parmi les « élus » se trouvaient les premiers fusiliers, artilleurs, ingénieurs, forgerons, architectes militaires et autres hommes expérimentés aux compétences uniques. Ils étaient appelés pendant les guerres et affectés à différentes parties de l'armée.
Représentation de l'infanterie russe du XVIe siècle
Fiodor SolntsevLa troisième grande partie de l’armée de terre était constituée de possochnié lioudi (« conscrits ») qui étaient enrôlés dans l’armée sur les terres appartenant aux représentants de la classe héréditaire. C'étaient des paysans ordinaires, sans expérience militaire particulière, leur occupation habituelle étant l'agriculture – à partir des XVIe-XVIIe siècles, ils étaient connus sous le nom de serfs. La plupart des épreuves quotidiennes de la guerre retombaient sur les possochnié lioudi. Certains d'entre eux portaient des armes rudimentaires, mais la plupart étaient utilisés pour creuser des fossés, construire des fortifications, transporter des munitions, du bétail et des provisions pour l'armée.
Un noble Moscovite
Abraham de BruynLe Grand prince de Moscou (plus tard, le tsar) et son cercle le plus proche d’hommes d’État et de commandants militaires - la Douma des boyards - nommaient le commandant en chef, appelé « bolchoï voïévode » (« premier commandant militaire »). Des voïévodes « juniors » étaient placés sous son autorité.
La principale institution militaire s'appelait le Razriadny prikaz (ou, simplement, « Razriad », « Liste ») - les listes de membres de la classe militaire y étaient tenues et mises à jour. Voici à quoi ressemblait l'une de ces listes (de 1621): « Ivan, fils d'Andreï, Ododourov. Les inspecteurs [de Moscou] et [des] habitants ont dit : bonne tête, servait sur un bon cheval et avait [un autre] cheval simple, mais aucun autre serviteur à ses côtés ». Une longue description des différentes terres d'Ivan s'ensuit, suivie de ses propres mots selon lesquels il est prêt à servir le tsar.
Le Razriad servait également d’institution judiciaire pour tous les militaires, recrutait les guerriers et dotait les régiments, organisait des rassemblements et des entraînements réguliers, contrôlait les finances de l’armée et gouvernait même les forteresses et les villes frontalières. Des fonctionnaires du Razriad étaient envoyés sur le terrain pendant les guerres, où ils formaient un quartier général, contrôlant la correspondance et tenant des registres sur le service militaire.
Les streltsy (« tireurs ») russes, l'infanterie de la ville
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Quant au nombre exact d’hommes de l'armée de terre, il est difficile de le donner avec précision - principalement parce qu'une grande partie des archives du Razriad a été perdue dans l'incendie qui a ravagé Moscou en 1812. La meilleure estimation est qu'à la fin du XVIe siècle, elle comptait environ 100 000 hommes. Il existe, cependant, des enregistrements épars qui fournissent des décomptes plus précis. En 1630, l’ensemble de l'armée de terre comptait 92 555 hommes. Un tiers d’entre eux étaient des nobles (classe « héréditaire »), un tiers – des streltsy (classe « élue »), environ un dixième environ des cosaques, et ainsi de suite. En 1651, l'armée comptait 133 210 hommes, en 1680 - 164 600. Cependant, l'armée de terre n'a jamais rassemblé l’ensemble de ses effectifs - ce n'était que le nombre de tous les militaires enregistrés.
Au XVIIe siècle, l'armée de terre a subi d'importants changements structurels et administratifs, qui ont jeté les bases des réformes militaires globales de Pierre le Grand. Mais ce sujet mérite un article distinct.
Dans cet autre article revivez la bataille de Koulikovo, autre épisode majeur dans la libération russe face à l’oppresseur tatar.
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