Terrible, Sanglant, Libérateur… Les surnoms des tsars russes

Histoire
GUEORGUI MANAÏEV
Terrible, Sanglant, Libérateur… nous examinons les sept surnoms que les tsars russes ont acquis au cours de leur vie.

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Ivan le Terrible - pour la conquête du khanat de Kazan

Grozny (« Le Terrible »), ou, plus correctement traduit du vieux russe, « Le Menaçant », était une épithète qui, aux XV-XVIe siècles, n'avait aucune connotation négative.

Le grand prince Ivan III de Moscou (1440-1505), fondateur de l’État de Moscou et grand-père d’Ivan le Terrible, a été le premier homme à être appelé « Ivan le Terrible » en Russie. Avec le temps, il est devenu connu sous le nom d'Ivan le Grand, tandis qu’« Ivan le Terrible », en référence à Ivan Vassilievitch IV de Moscou, le premier tsar russe (1530-1584), a commencé à apparaître, selon les érudits russes, dans les chansons folkloriques d'auteurs inconnus au cours de la seconde moitié du XVIe siècle (probablement du vivant d'Ivan).

Ivan Vassilievitch a conquis son célèbre surnom, qui illustrait son pouvoir exceptionnel en tant que souverain, après ses conquêtes des khanats de Kazan et d'Astrakhan, des États musulmans frontaliers qui menaçaient les terres russes.

Ce n’est que plus tard dans l'histoire russe que son surnom a été associé à sa cruauté présumée.

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Alexis Mikhaïlovitch le Très paisible - pour sa piété

Alexis Ier (1629-1676), également appelé Alexis de Russie, est toujours connu par son surnom Tichaïchi (« Le Très paisible »), qui, en vieux russe, signifiait « Le Plus humble », « Le Plus pieux ».

En effet, ce tsar était célèbre pour sa stricte observance des rituels orthodoxes russes. Il faisait le jeûne les lundis, mercredis et vendredis, passait des heures chaque jour à prier, faisait régulièrement des pèlerinages dans les lieux saints du pays avec sa famille et faisait de généreuses aumônes aux églises et aux prêtres.

Cependant, son tempérament était féroce et son esprit curieux et inventif, contrastant avec sa piété générale. C'est le tsar Alexis qui a vraiment tourné la Russie vers l'Occident et jeté les bases des réformes majeures introduites en Russie par son fils, Pierre le Grand.

Pierre et Catherine, les « Grands » - sur décision du gouvernement

Le tsar Pierre (1672-1725) est devenu le premier empereur russe le 22 octobre 1721, après avoir remporté de façon décisive la Grande guerre du Nord contre la Suède. Le Sénat dirigeant et le Synode, organes de gouvernement regroupant les pouvoirs civils et religieux de Russie à l'époque, ont officiellement octroyé le titre d'empereur et le surnom de « Le Grand » à Pierre, de la manière dont le Sénat romain honorait ses empereurs. Depuis lors, la Russie est également devenue l'Empire russe.

Pour Catherine II (1729-1796), le titre « Grande » a été conféré officiellement par la Commission législative panrusse réunie en 1767 dans le but de remplacer le code de loi moscovite du milieu du XVIIe siècle par un équivalent moderne. Bien que la Commission n'ait pas atteint son objectif et ait été dissoute environ un an plus tard, Catherine ne s'est pas opposée à être surnommée « Grande » par ses aides et serviteurs, car ce titre la reliait à Pierre le Grand, un monarque dont elle disait s’être inspirée pour modeler sa façon de gouverner.

Cependant, en réponse au discours de la Commission législative qui l’a déclarée «  Grande », Catherine a écrit : « Que le temps et la postérité jugent mes actes de manière impartiale ».

Alexandre Ier le Béni - pour la victoire sur Napoléon

D'une manière similaire à l’octroi des titres de « Grands » à Pierre et Catherine, en 1814, le Sénat dirigeant de l'Empire russe a officiellement accordé le titre de Blagoslovenny (« Le Béni ») à l'empereur Alexandre Ier (1777-1825). Son titre honorifique complet était « Le Béni, le Magnanime Restaurateur des États », car il lui a été donné pour honorer sa victoire sur Napoléon Bonaparte et la restauration des monarchies européennes vaincues par Napoléon.

Cependant, pendant la Guerre de 1812, Alexandre n'a pas occupé le poste de commandant en chef, le confiant d'abord à Michael Andreas Barclay de Tolly (1761-1818), puis à Mikhaïl Koutouzov (1745-1813). Néanmoins, dans l'opinion publique, il était à juste titre perçu comme le vainqueur de Napoléon.

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Alexandre II le Libérateur - pour la libération des Balkans, PAS pour celle des serfs !

La libération des serfs en Russie, décidée en 1861 sous le règne d'Alexandre II (1818-1881), n'était cependant pas une réforme très populaire et efficace - elle a paupérisé la paysannerie et provoqué de multiples émeutes. À la fin des années 1870, le pays était régulièrement secoué par des mouvements de  protestation et des attaques terroristes.

En 1877-1878, la Russie s'est opposée à l'Empire ottoman dans la guerre visant à libérer les peuples des États des Balkans (Bulgarie, Roumanie, Serbie et Monténégro) du régime ottoman oppressif. La Russie a connu une nette victoire. Selon le traité de Berlin (1878), qui a mis fin à la guerre et a été signé par les grandes puissances européennes, une partie de la Bulgarie, ainsi que le Monténégro, la Serbie et la Roumanie sont devenus indépendants des Ottomans, qui ont été repoussés d'Europe. Dans les Balkans, Alexandre II de Russie est alors devenu connu sous le surnom de Libérateur, titre qui était également très populaire dans l'Empire russe.

Trois ans plus tard, Alexandre II a été assassiné par les terroristes - dans le domaine intérieur, sa politique avait subi un échec complet.

Alexandre III le Pacificateur - pour ne pas avoir engagé le pays dans des guerres pendant son règne

Le fils d'Alexandre II, Alexandre III (1845-1894) est monté sur le trône après l'un des événements les plus désastreux de l'histoire de la dynastie Romanov - son père est mort tué par l’explosion d’une bombe terroriste. Le jeune tsar a établi une politique intérieure stricte et mis en place des mesures conservatrices visant à calmer, contrôler ou réprimer violemment toute manifestation.

En conséquence, dans le domaine de la politique étrangère, Alexandre a mis fin à la pratique des traités bilatéraux « clandestins » avec les pays européens, de tels traités entraînant inévitablement des conflits internationaux. En établissant une politique étrangère basée sur la non-ingérence, Alexandre III a sauvé les vies de nombreux Russes qui n’ont pas été envoyés sur les champs de bataille. Il a été surnommé « le Pacificateur » durant les dernières années de son règne.

Nicolas II le Sanglant - pour sa cruauté

Le couronnement de Nicolas II (1868-1918) à Moscou en mai 1896 devait être suivi d'une célébration de masse sur le champ de Khodynka. Des milliers de personnes s’y sont rassemblées, et un mouvement de foule s’est produit lors d’une distribution de cadeaux. En raison de la mauvaise organisation, la tragédie de Khodynka a entraîné la mort de 1.389 personnes. Cet événement sinistre a marqué le début du règne du dernier tsar, mais Nicolas est devenu « Krovavyi » (« Taché de sang ») pour d’autres raisons.

La Révolution de 1905 a commencé en Russie peu de temps après le « Dimanche rouge », le 9 janvier 1905, lorsque des manifestants pacifiques ont été la cible de tirs des soldats de la garde impériale, qui ont fait des dizaines de victimes. Vladimir Lénine a surnommé Nicolas « le Sanglant » juste après cela, en 1905, dans ses articles dans la presse révolutionnaire russe (publiés à l'étranger) et dans des tracts de propagande.

Mais après la Révolution, Nicolas II a été surnommé « le Sanglant » même par ses propres partisans. Nicolas a renforcé le régime, accordant un pouvoir presqu’absolu aux autorités locales et aux juges, ce qui a conduit à un grand nombre de procédures judiciaires totalement illégitimes et biaisées par l’influence des autorités. En décembre 1910, Vladimir Pourichkevitch, un homme politique pro-monarchiste d'extrême droite, a appelé Nicolas II « le Sanglant » dans un discours à la Douma d'État en raison de la violente répression d'une émeute étudiante à l'Université de Saint-Pétersbourg.

Le lendemain, les journaux qui avaient publié les paroles de Pourichkevitch ont été confisqués ; mais à travers la presse, le surnom a inévitablement fuité dans les masses, bien plus vastes que le public des articles de Lénine. À partir de 1910, « le Sanglant » est devenu un surnom utilisé par les ennemis jurés de Nicolas II, et est resté au XXe siècle, durant lequel il a été largement utilisé par la propagande antimonarchiste communiste.

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