À quels hobbies s’adonnaient les tsars?

Histoire
GUEORGUI MANAÏEV
Être tsar n’était pas un travail, c’était une mission. Mais même les souverains abandonnaient parfois les affaires publiques pour s’adonner à leurs passe-temps favoris. Un empereur dessinait et jouait de la trompette, un autre observait les planètes, tandis qu’un troisième ne manquait pas l'occasion d'arracher une dent à l’un de ses subordonnés.

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Ivan le Terrible et les connaissances secrètes

Parmi les souverains européens du XVIe siècle, il était à la mode de s'intéresser aux enseignements secrets – l'alchimie et l'astrologie. Même le grand-père d'Ivan le Terrible, Ivan III (1440-1505), s'intéressait aux propriétés secrètes des pierres précieuses ; et Ivan IV (le Terrible) lui-même (1530-1584) se tenait à la cour des magiciens. D'Angleterre, il a invité l'astrologue Eliseus Bomelius pour qu’il prépare des poisons, qu'Ivan utilisait activement afin d’éliminer les dignitaires indésirables. Bomelius réalisait également des prédictions astrologiques. À Moscou, on le maudissait, on l’appelait « le malicieux magicien Bomelius » et le considérait comme un sorcier noir. Finalement, il a été rôti vivant puis est mort dans un cachot lorsqu’Ivan a découvert qu'il était espion pour le compte de la Suède.

Toutefois, la fascination du tsar pour l'astrologie ne s'est pas arrêtée là. Comme en témoigne le voyageur Jerome Gorsey, plus de 60 mages lapons ont été amenés à Moscou et, à la demande d'Ivan, lui ont prédit à l’aide des étoiles le succès des campagnes militaires, réformes et autres entreprises engagées par sa personne. Les mages, selon la légende, auraient également prédit la mort du souverain, qui l'a surpris alors qu’il jouait aux échecs, autre passe-temps célèbre d'Ivan le Terrible.

Alexis Ier et la fauconnerie

Parmi toutes les sortes de chasse que les tsars russes pratiquaient traditionnellement pour se divertir, Alexis Ier (1629-1676), père de Pierre le Grand, préférait la fauconnerie, qui avait été importée en Russie depuis l’Orient. Un montant incroyable de 75 000 roubles était alloué à ce hobby par an (le budget de l'État était alors de 1,3 million). Le tsar entretenait à Moscou la cour des faucons, qui comptait quelque trois mille oiseaux et c’est l’Ordre des affaires secrètes, l'organe de sécurité d'État de l'époque, qui était en charge de gérer cette chasse.

Durant sa jeunesse, le tsar chassait presque tous les jours. Des membres de sa famille et des ambassadeurs étrangers prenaient également part à ces parties. Le tsar se rendait solennellement dans les domaines autour de Moscou – Sokolniki (dont le nom est justement issu du mot « sokol »-« faucon »), Kolomenskoïé, Preobrajenskoïé – où, dans une clairière, au bord d'une rivière ou d'un lac, se dressaient de somptueux chapiteaux avec buffet.

Au signal du tsar, les serviteurs effrayaient des canards et autres gibiers à l'aide de cornes de brume. Le souverain observait alors les faucons et les éperviers, qui quittaient le bras des dresseurs, s’envolaient haut dans le ciel et – cette partie était particulièrement appréciée du tsar – plongeaient tels des éclairs sur leur proie. Après la chasse, on présentait au tsar le volatile s’étant le plus distingué. Parfois, Alexis jouait lui-même le rôle de fauconnier – il était très versé dans la chasse et a même écrit un manuel portant sur la formation des fauconniers, intitulé Ouriadnik de la voie du fauconnier.

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Pierre le Grand et la médecine

Il est difficile d'isoler un seul des passe-temps de Pierre le Grand (1672-1725), qui maîtrisait 14 professions : charpentier, menuisier, forgeron, cartographe, constructeur naval… Toutefois, son activité favorite était de pratiquer des opérations chirurgicales. À Amsterdam, Pierre a visité le musée d'anatomie du professeur Frederik Ruysch et a pris des leçons auprès de lui. En 1699, il a ensuite ouvert des cours d'anatomie pour les boyards à Moscou. Comme l'a écrit son biographe Ivan Golikov, le tsar ordonnait qu’on l’informe des opérations et autopsies, « manquait rarement une telle occasion,... et aidait même régulièrement durant les opérations. Avec le temps, il a acquis tant de compétences qu'il savait habilement anatomiser le corps, pratiquer des saignées, arracher des dents et le faisait très volontiers ».

Le tsar portait constamment un étui avec des instruments chirurgicaux et était prêt à arracher des dents à chaque fois qu’une telle opportunité se présentait. Dans le musée Kunstkamera de Saint-Pétersbourg, vous pouvez admirer toute la collection de dents arrachées par l'empereur. Et certaines d'entre elles étaient... en bonne santé.

En 1724, un membre de l'entourage de Pierre le Grand a écrit dans son journal que la nièce du tsar « craint beaucoup que l'empereur ne s’occupe bientôt de sa jambe malade : on sait qu'il se considère comme un grand chirurgien et qu'il se charge volontiers de toutes sortes d'opérations sur les malades ». On ne saura jamais à quel point ce chirurgien était habile : premièrement, personne n'aurait osé accuser le tsar de la mort d'un patient, et deuxièmement, en constatant le décès, Pierre faisait une prière hâtive et commençait avec passion, expliquant ses actions en détail à toutes les personnes présentes, à disséquer le cadavre. Quoi qu’il en soit, sa passion a de toute façon profité au pays : l'empereur a été le fondateur de l'hôpital militaire de Lefortovo, le premier hôpital public de Russie.

Pierre a également été le premier collectionneur professionnel. Il est à l'origine de la numismatique russe et de la collection d'objets d'art dans le pays.

Anna Ivanovna et le tir

La nièce de Pierre le Grand, Anna Ivanovna (1693-1740), détestait les bals et les théâtres. Elle ne s'y rendait qu’en cas de mauvais temps. Sa véritable passion était le tir. Elle a même été surnommée la « Diane de Peterhof », ayant, dans ce domaine impérial d'été, transformé un pavillon en stand de chasse. Juste derrière, dans le parc inférieur de Peterhof, a en outre été créée une ménagerie protégée pour grand gibier : cerfs et chevreuils.

De plus, une grande variété de gibier était apportée de tout le pays près de Peterhof et relâchée directement dans le parc, où l'impératrice aimait se promener avec un fusil. Pendant la saison estivale de 1739, elle a tiré neuf cerfs, seize chèvres sauvages, quatre sangliers, un loup, 374 lièvres et 608 canards ! Même dans le carrosse impérial se trouvait un stutzen (un petit fusil), et l'impératrice aimait viser des canards  ou des corbeaux en pleine marche.

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Nicolas Ier, peintre et trompettiste

Dès son enfance, Nicolas (1796-1855) a montré une propension pour le dessin, et des sciences militaires qui lui ont été enseignées, c’est la fortification et l'ingénierie qui l’ont le plus intéressé, surtout la réalisation de croquis et schémas, qui deviendront ainsi la passion du futur empereur. Il était en mesure de réaliser des gravures sur cuivre et aimait ensuite les peindre à l'aquarelle.

Un autre de ses passe-temps était la conception d'uniformes militaires. Alors qu'il était encore grand-duc, Nicolas a inventé et dessiné des dizaines de croquis pour les uniformes de l'armée russe, et une fois devenu empereur, a donné vie à ses idées – sous son règne, les uniformes militaires et civils ont enfin été soumis à des normes strictes.

Nicolas a également été le premier tsar russe à jouer d’instruments à vent. Il possédait une flûte, un cor, un cornet et un cornet à pistons, mais le tsar les qualifiait tous de « trompettes ». Il avait par ailleurs une bonne oreille ; il composait de petites musiques de marche qu'il exécutait lors de concerts à domicile. 

Nicolas II et la photographie

Nicolas II (1868-1918) était aussi doué pour la technique du dessin que son arrière-grand-père, tout en aimant également le vélo et le tennis. Néanmoins, son principal hobby était la photographie. Grâce à ce passe-temps, nous avons d’ailleurs pu avoir une fenêtre sur l’intimité de la famille impériale.

Il photographiait à l’aide d’un Kodak américain, le meilleur appareil de l’époque. Sa femme, Alexandra Fiodorovna, était également passionnée de photographie et le couple impérial prenait et développait jusqu'à 2 000 photos par an, tandis que leurs filles aimaient colorer les photos en noir et blanc. La famille se réunissait parfois pour son passe-temps favori – l’inscription de légendes et le collage de photos dans des albums.

Les photographies impériales ont été préservées grâce à la demoiselle de compagnie Anna Vyroubova, qui a emporté six albums à l'étranger et les a vendus à Robert Brewster, étudiant de Yale, qui a ensuite fait don des archives à la bibliothèque de son université. À présent, toutes ces photos sont accessibles au public.

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