Quels avions la Russie utilisera-t-elle à la place des Boeing et Airbus?

Économie
NIKOLAÏ LITOVKINE
Les transporteurs aériens russes sont confrontés à l'une des plus grandes crises qu'ils aient jamais endurées dans l'histoire moderne et vont chercher tous les moyens possibles pour remplacer les avions européens et américains.

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Au début du mois de mars 2022, Boeing et Airbus ont retiré leurs appareils loués aux transporteurs aériens russes et ont également arrêté la maintenance de ces engins. En clair, environ 80% de l'ensemble de la flotte d'avions civils en Russie est restée inactive dans les hangars depuis cette date.

À l'heure actuelle, la Russie possède environ 1 300 avions civils de toutes tailles (court, moyen et long-courriers) et 824 d'entre eux appartiennent aux compagnies Airbus et Boeing.

Comment la Russie et ses compagnies vont-elles donc se sortir de cette situation et quels avions les Russes vont-ils désormais utiliser ?

Une situation sans précédent

La situation dans laquelle se trouve la Russie après l'interdiction d'utiliser les avions Airbus et Boeing est pratiquement sans précédent et il n'y a pas de solution rapide.

Une situation similaire s'est produite en Iran après la révolution islamique de 1979, le pays ayant également été soumis à de lourdes sanctions américaines. Cependant, Téhéran a réussi à sauver une partie de sa flotte aérienne civile et l'utilise encore aujourd'hui.

La Russie, quant à elle, reste dans une meilleure position, car elle a déjà eu une expérience de production d’avions militaires et civils pendant l'ère soviétique. Cependant, à l'heure actuelle, le pays ne dispose pas d'un nombre important d'avions de fabrication russe (notamment long-courriers). Selon les prévisions les plus optimistes, il faudra ainsi au moins 1 à 3 ans pour en lancer la production à grande échelle.

Les compagnies aériennes civiles russes sont par conséquent quelque peu soulagées par le fait que la demande de voyages aériens a considérablement diminué pendant la pandémie. Les Russes n'ont pu que peu voyager à l'étranger pendant deux ans. Aujourd'hui, en raison des sanctions imposées par les pays occidentaux, un bon nombre de destinations familières leur resteront aussi fermées. Cette situation, conjuguée à la baisse du taux de change du rouble, réduit considérablement la demande de vols au-delà des frontières fédérales.

En revanche, la demande pour les vols à l'intérieur de la Russie reste forte, même si, dans de nombreuses régions, le transport aérien de passagers peut facilement être remplacé par le vaste réseau ferroviaire du pays.

Néanmoins, la Russie est un pays au territoire immense et nombre de ses grandes villes sont distantes de plusieurs milliers de kilomètres, de sorte qu'il faudra bien entendu continuer à assurer des liaisons aériennes entre elles. La nécessité de se rendre par avion dans des zones peuplées éloignées et difficiles d'accès subsistera également.

Lire aussi : «Navires volants» – l'évolution des hydravions soviétiques et russes

Que compte faire le gouvernement ?

Selon les experts, la seule solution à court terme est de continuer à faire voler des Boeing et des Airbus en Russie et, dans le même temps, d'essayer de restaurer l’industrie aéronautique civile locale.

« Nous avons de nombreux centres de service dans le pays qui sont certifiés par Boeing et Airbus. Ils peuvent assurer eux-mêmes la maintenance de ces appareils sans intermédiaire extérieur. Le principal problème est celui des pièces de rechange. Pour l'instant, les transporteurs aériens et les centres de service cherchent à les acheter via des pays tiers (Inde, Turquie, etc.). Si nous obtenons les pièces de rechange, nous pourrons faire voler ces avions en Russie », déclare Alexeï Vlassov, expert en sécurité aérienne.

Selon lui, l'Agence fédérale russe du transport aérien a prescrit cette mesure comme la seule possible dans la situation actuelle et a transmis ses propositions au gouvernement russe. 

« Les avions continueront à voler. Il n'y a pas le choix, car attendre que le pays crée ses propres avions prendra trop de temps. La poursuite de l'exploitation des avions Boeing et Airbus donnera à notre aviation un an ou deux », conclut l'expert.

La Russie sera-t-elle en mesure de remplacer les avions étrangers par des modèles nationaux ?

La Russie tentera de se sortir de cette conjoncture en lançant d'urgence la production de ses propres avions. Dans le même temps, la situation des avions à courte et moyenne portée en Russie n'est pas critique.

« Les vols régionaux (rayon d'action jusqu'à 3 000 kilomètres) seront assurés par des Soukhoï Superjet-100 russes. Nous pouvons fabriquer environ 30 avions de ce type par an. Mais il y a une nuance importante : ces avions sont équipés de moteurs et d'électronique avec des composants français », précise Vlassov.

En réalité, la Russie ne dispose, il est vrai, pas encore de son propre moteur pour les avions civils à court et moyen rayon d'action et il faudra du temps pour en créer un.

« Un nouveau moteur PD-8 est en cours de développement et n'a pas encore été testé. Il faudra au moins trois ans avant que toutes les procédures soient terminées et qu'il entre en production de masse », ajoute l'expert.

D’après ses mots, les premiers avions à moyenne portée MC-21 (autonomie de vol jusqu'à 6 000 kilomètres) seront mis en production à la fin de 2022.

Selon les estimations de Iouri Slioussar, chef de la société UAC, qu'il a réalisées avant le début des récents événements, la production du MC-21 devrait passer à 36 avions par an et à 72 avions par an d'ici 2025. Cependant, dans le contexte actuel, ces plans pourraient être révisés afin d'augmenter la vitesse et la quantité de la production.

La Russie a également la possibilité de restaurer la production des avions soviétiques à moyenne portée Tu-204 et Tu-214. Ces engins sont équipés de moteurs PS-90A, qui sont toujours en cours de production. Toutefois, Vlassov pense que le redémarrage de la production de ces modèles demandera plus de temps et d'efforts que l'organisation de la substitution des pièces et des unités importées pour le MC-21 et le SSJ-100.

« Nous pouvons parler de la production de Tu-204, Tu-214, mais je ne sais pas à quel point c'est pertinent et réaliste. C'est la nécessité de faire de l'outillage, d'ouvrir la production », nuance en effet le spécialiste.

Les professionnels ont en outre de grands doutes quant à l'opportunité de lancer la production du nouveau long-courrier Il-96-400, car la société de production ne peut fabriquer que 2 à 4 avions de ce type par an. Le coût de leur production serait donc très élevé et peu susceptible d'être rentabilisé dans un avenir proche.

Dans cet autre article, nous vous présentions les cinq meilleurs avions russes de tous les temps.

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