Ces Russes qui gagnent de l'argent en faisant les travaux manuels des enfants des autres

Économie
EKATERINA SINELCHTCHIKOVA
Qui sont ces personnes qui font de l’argent avec les travaux manuels des enfants et les maux de tête des parents?

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Sur l'horloge, les aiguilles affichent presque minuit. Un enfant épuisé apparaît à la porte de la chambre des parents avec des nouvelles inattendues : il vient de se rappeler qu'il doit apporter un devoir à l'école avant 8 heures du matin demain – un travail manuel à base de pommes de pin. La panique commence : les parents fouillent frénétiquement dans les boîtes à la recherche de pâte à modeler et de colle, « googlent » les magasins de papeterie ouverts 24 heures sur 24, ou vont dans le parc le plus proche chercher des pommes de pin avec une lampe à la main.

Une situation familière depuis l'enfance pour toutes les familles russes. « À 2 heures du matin, je me suis souvenue que j'avais besoin de tissu pour mon atelier de couture », écrit @marslegend7.

« J'ai vécu ça en CE2. C'est l'hiver dehors, l’horreur, le froid, presque 1 h du matin. Je réveille ma mère et dis que j'ai oublié de faire un hérisson. Elle a envoyé mes frères dans la rue chercher des pommes de pin et des feuilles pour moi », se souvient @azizanurlybek. Les Tiktokers ont mis en scène cette situation d'innombrables fois, et à chaque fois, de telles vidéos recueillent des centaines de commentaires pleins de compassion. Les devoirs scolaires oubliés ou dont on se rappelle au tout dernier moment sont une douleur commune de tous les parents d’enfants qui étudient en primaire…

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En Russie, cependant, certains sont prêts à prêter main-forte – et ce pour un montant symbolique. Ces « maîtres » de l'artisanat pour enfants peuvent être trouvés sur des sites spécialisés ou sur les réseaux sociaux. Ils réaliseront une maison en glands, un dessin sur le thème de l'hiver et d'autres travaux manuels à la place du parent et de l'enfant. Il existe des œuvres toutes faites qui peuvent être achetées en un clic ; il y a des œuvres sur mesure et on peut aussi acquérir des matériaux (si vous ne voulez pas vous promener dans la forêt ou le parc le plus proche en pleine nuit) - cônes, feuilles d'automne les plus ordinaires, écorce d'arbre...

Les prix des travaux varient considérablement - d'un bonhomme en glands pour 50 roubles (moins d’un euro) à une maquette du système solaire pour 5 000 roubles (55 euros) en passant par une d'église orthodoxe miniature avec festivités de Noël pour 15 000 roubles (environ 200 euros) !

Qui fait cela

« Avant de commencer à vendre des œuvres, j'ai fait une recherche marketing pour savoir si quelqu'un en avait besoin. J'ai trouvé quelques magasins, lu des avis, et compris que les gens achetaient. J'en ai fait un ou deux, j’ai téléchargé quelques œuvres que j'avais faites avec mes enfants... C'est ainsi que tout a commencé », raconte Maria Dougova de Moscou à Russia Beyond.

Depuis plus de 12 ans, elle fait du patchwork, qui constitue son travail principal. « Mais ce type d'artisanat ne connaît pas de demande saisonnière, donc je cherchais aussi des demandes urgentes. J'ai deux enfants, l'un a 10 ans, l'autre six. Nous obtenons toujours des récompenses avec nos œuvres », dit Maria.

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Souvent, les mères se tournent vers elle tard dans la soirée lorsqu'elles comprennent que sans elle, elles devront passer la moitié de la nuit à faire les travaux de leurs enfants. Les commandes sont nombreuses avant les vacances - pour la fête des mères, le Nouvel An, le 8 mars. Maria ne prend pas double tarif pour l'urgence, mais de nombreuses artisanes n’hésitent pas. La plupart d'entre elles se sont lancées dans cette entreprise pendant leur congé maternité.

« Je faisais des travaux manuels avec mes enfants, et d'autres mères sur les terrains de jeux ont commencé à me demander : "Fais-le avec le mien". J'ai refusé, le temps et les matériaux coûtent de l'argent. "Je peux payer". Au début, je l'ai fait pour ces mamans et leurs amies, puis j'ai décidé de publier quelques œuvres sur les réseaux sociaux », raconte Tatiana, qui travaille comme fleuriste dans un hôtel, a été par le passé institutrice et a vu beaucoup de travaux d'enfants.

« Croyez-moi, vous pouvez distinguer immédiatement ce qui a été réalisé par les parents, où l'œuvre a été achetée et ce que l'enfant a fait lui-même », assure Maria. Un enfant réalise une maquette représentant en détails le système solaire avec des objets dynamiques, tandis qu’un autre fait une fusée découpée dans du carton. Et très peu de gens sont gênés par ces « ruses » dans les maternelles et les écoles lors des concours de travaux manuels.

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Expérience traumatisante ou important épisode éducatif ?

« Merci beaucoup ! Très bon travail ! Demain, nous allons à la maternelle avec notre œuvre ! ».

« Parfait, nous avons obtenu la première place à l'école ».

« Merci beaucoup. J'ai obtenu 20 sur 20 ».

Les compliments adressés au travail des artisans confirment que la demande est élevée. Gagner un concours, obtenir une bonne note, éviter des tracas aux parents - certains penseront que c'est injuste, mais Maria dit bien comprendre ses clients. Lorsqu'on lui a demande pourquoi les parents font cela, elle répond : « Pour les enfants. Vous n'avez aucune idée combien il y a de bonheur dans les yeux d'un enfant quand il porte son travail et que les adultes le félicitent ainsi que sa mère. C'est un aspect psychologique. La psychologie d’un adulte qui achète ces œuvres et ne les fabrique pas lui-même est simple aussi : "Je n’ai pas le temps, je ne peux pas le faire moi-même ; je ne veux pas faire de peine à mon enfant mais je ne peux pas l’aider de quelque manière que ce soit" ».

« Les enfants sont toujours sincères et ils disent eux-mêmes d'où vient le travail et dans quelle partie ils ont été impliqués », explique Tatiana, qui considère qu'il est éthique de ne vendre que des ébauches pour que les clients puissent les terminer eux-mêmes avec les enfants.

Parfois, les concours pour enfants deviennent un terrain de compétition pour les parents – c’est à qui fera la plus jolie création. Il arrive qu'un enfant voie pour la première fois « son » travail directement lors du concours. L’école n’a pas le droit de refuser un tel travail, mais cela impacte la motivation des autres bambins. Cependant, tous ces phénomènes sont plutôt des « effets secondaires », déclare l'éducatrice Albina Minigalieva : « Cette [tâche] est faite pour que les parents et les enfants puissent occuper leur temps libre. Travailler ensemble rassemble les gens. Et l'enfant commence à être plus attentif à ce qu'il fait lui-même ».

Comment élève-t-on ses enfants à la russe ? Trouvez la réponse dans cette publication.