Les dix écrivains russes et soviétiques les plus souvent adaptés à l’écran

Culture
NIKOLAÏ KORNATSKI
On dit souvent que la grande littérature ne peut pas engendrer du grand cinéma, ces formes d’art étant trop différentes. Cependant, les bons livres sont nombreux, et les scénarios de qualité ne courent pas les rues : les réalisateurs ne peuvent donc pas résister à la tentation. La littérature russe ne fait pas exception.

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Ilia Ilf et Evgueni Petrov – 36 adaptations cinématographiques

Les satiristes Ilf et Petrov sont probablement les écrivains soviétiques qui avaient le plus d’esprit. Nombre de phrases tirées de leurs œuvres (comme l’aphorisme intemporel : « Le sauvetage des noyés est l’affaire des noyés eux-mêmes ») ont pris racine dans le langage russe. Mais la gloire est arrivée grâce à une blague d’un genre tout autre, ou plutôt à une supercherie réussie. Ils ont réussi à convaincre les censeurs que le charmant escroc Ostap Bender – le héros de leurs romans picaresques Les Douze chaises et Le Veau d’or – était en fait un personnage négatif. Rien de plus qu’un fragment de ce vieux monde bourgeois détruit par la Révolution d’octobre 1917… Cependant, les lecteurs ont bien compris la vraie intention des auteurs et sont tombés sincèrement amoureux de Bender pour son esprit vif, son ingéniosité et sa noblesse intérieure.

Le roman Les Douze chaises a été mis à l’écran au moins 20 fois, en URSS, aux États-Unis, en Allemagne, en Australie et dans de nombreux autres pays. À différentes époques, Bender a été incarné par Andreï Mironov, Tobias Moretti (vedette de la série télévisée Rex, chien flic), Frank Langella et même une femme, Sharon Tate (qui joue dans le film de Tarantino Once Upon a Time… in Hollywood).

Alexeï Tolstoï – 38

Alexeï Tolstoï, « comte soviétique » et parent éloigné de Léon Tolstoï, a écrit des œuvres célèbres dans plusieurs genres et a donc suscité l’intérêt des cinéastes soviétiques. Premièrement, Tolstoï a écrit des romans historiques épiques, tels que Pierre le Grand et Le Chemin des tourments (consacré à la guerre civile). En outre, c’était l’un des premiers auteurs de science-fiction du pays : le premier film de SF soviétique, Aelita, était basé sur ses œuvres, et son roman L’Hyperboloïde de l’ingénieur Garine a été adapté à deux reprises. Enfin, c’était un écrivain pour enfants. Les adaptations cinématographiques les plus nombreuses – en dessin animé ou films d’animation – étaient basées sur son conte de fées La Petit Clef en Or, qui à son tour était une adaptation libre de Pinocchio.

Mikhaïl Boulgakov – 57

Mikhaïl Boulgakov n’était pas étranger au genre de la science-fiction. L’adaptation cinématographique de sa nouvelle Cœur de chien (1988) – qui parle d’un scientifique qui réussit à transformer un chien des rues en être humain – est un réservoir inépuisable de mèmes pour les internautes russes. Le film de Leonid Gaïdaï Ivan Vassilievitch change de profession (basé sur une pièce de Boulgakov) est l’une des comédies russes les plus populaires de l’histoire. Quant à la prose de Boulgakov consacrée à la guerre civile – le roman La Garde blanche et la pièce Les Jours des Tourbine –, elle a elle aussi souvent été mise à l’écran.

Mais bien sûr, les cinéastes ont en priorité jeté leur dévolu sur son roman mystique Le Maître et Marguerite, qui narre l’arrivée du diable dans le Moscou soviétique. Cependant, jusqu’à présent, aucune adaptation cinématographique n’a été à la hauteur des attentes – les cinéastes blâment le texte, qu’ils qualifient de « maudit », mais retentent malgré tout leur chance. Cet hiver, la cinquième tentative sortira, avec August Diehl (Inglourious Basterds) dans le rôle de Woland.

Sergueï Mikhalkov – 65

Mikhalkov, l’auteur du texte des hymnes soviétiques et russes, était un écrivain extrêmement prolifique. Il a écrit avant tout pour les enfants et adapté de nombreux genres « adultes » pour le public enfantin. Par exemple, une de ses pièces constitue la base du pamphlet d’aventure anti-occidental Cher petit garçon (1974), qui évoque une épidémie d’enlèvements en Occident, dont est victime le fils d’un diplomate soviétique. Mais il a particulièrement séduit les réalisateurs de dessins animés : des dizaines d’œuvres ont été réalisées sur la base de ses fables et de ses poèmes. La plus populaire d’entre elles est dédiée à Oncle Stiopa, un policier soviétique exemplaire.

Ivan Tourgueniev – 131

C’est avec Tourgueniev qu’a réellement commencé la reconnaissance de la littérature russe en Occident. Tourgueniev a vécu longtemps en Europe, et entretenait des relations amicales avec Gustave Flaubert et George Sand ; il était lui-même très populaire en tant qu’écrivain, et a en outre beaucoup fait pour promouvoir ses confrères russes. Et bien qu’il ait finalement été éclipsé par Tolstoï et Dostoïevski, Tourgueniev reste l’un des auteurs russes les plus populaires en Russie et à l’étranger. Ses romans et nouvelles sont régulièrement portés à l’écran. Parmi ses nouvelles, on peut citer Moumou ​​(quatre adaptations cinématographiques), sur l’amitié entre un chien et le concierge sourd-muet Guerassim. Et parmi les romans, Pères et Fils, qui évoque l’éternel conflit entre les générations, adapté à 13 reprises.

Alexandre Pouchkine – 196

Pouchkine, le plus grand poète russe, a déclaré que dans les moments où il manquait d’inspiration, il écrivait de la prose. Presque toutes ses œuvres en prose et théâtrales ont été mises à l’écran au moins une fois – du drame historique Boris Godounov (écrit sous l’influence évidente de Shakespeare) à la nouvelle La Fille du capitaine en passant par le cycle Récits de feu Ivan Pétrovitch Belkine. Les cinéastes ont particulièrement apprécié La Dame de pique (21 adaptations), classé dans le genre du film d’horreur depuis l’époque du cinéma muet. D’ailleurs, l’une des meilleures adaptations appartient au Britannique Thorold Dickinson (1949). Mais ce sont surtout ses contes en vers qui ont fait de Pouchkine un écrivain très souvent mis à l’écran : Le Conte du pêcheur et du petit poissonLe Conte du tsar Saltan et le poème Rouslan et Lioudmila.

Nicolas Gogol – 210

Le Revizor de Gogol – l’histoire d’un benêt arrivé dans une ville de province que tout le monde prend pour un inspecteur venu de la capitale – reste un grand hit tant sur scène qu’au cinéma. Il a été porté à l’écran au moins 17 fois (en comptant les productions pour la télévision). La dernière remonte à 2014. D’ailleurs, l’action du film russe Poisson d’avril se déroule de nos jours. Ses autres pièces – Les Joueurs et Le Mariage – ont également été adaptées au cinéma, mais moins souvent.

Parmi les œuvres en prose de Gogol, ses histoires d’épouvante, Viï (10 adaptations) en tête, jouissent d’une popularité particulière. En particulier, une adaptation cinématographique de 1967 est toujours considérée comme le seul exemple de film d’horreur soviétique réussi. De plus, le classique italien du genre Lamberto Bava a réalisé sur la base de Viï l’un de ses meilleurs films, Le Masque de Satan (1960). Comme Tim Burton l’a admis, ce film a grandement influencé la conception visuelle de Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête.

Léon Tolstoï – 235

L’influence littéraire du grand Tolstoï est incontestable. Il n’existe cependant pas autant d’adaptations cinématographiques de ses principaux romans qu’on pourrait le penser. Il y a une explication simple à cela : Tolstoï a écrit des histoires épiques très difficiles à adapter avec succès, non seulement sous forme de film, mais même de série de films ou de série télévisée.

Mais bien sûr, certains audacieux s’y sont essayés. Par exemple, Guerre et Paix compte neuf adaptations cinématographiques, dont les plus célèbres sont une version américaine de 1956 avec Audrey Hepburn, ainsi qu’une soviétique de 1965, qui a remporté un Oscar. Anna Karénine se targue de 22 adaptations cinématographiques. La dernière en date, la série mexicaine Volver a caer, est sortie cette année. Le plus souvent, Anna Karénine a été mis à l’écran en Russie, ainsi qu’au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais cette histoire tragique d’amour et de trahison a également été adaptée par des réalisateurs d’Australie, d’Égypte, d’Inde et d’autres pays.

Fiodor Dostoïevski – 308

Dostoïevski devance largement Tolstoï dans ce classement pour plusieurs raisons. Premièrement, ses romans, quoi qu’imposants, sont souvent plus courts. Deuxièmement, il a écrit plus de romans (huit contre trois romans classiques pour Tolstoï), sans parler de ses nouvelles. Troisièmement, les intrigues de Dostoïevski ne sont pas aussi liées à leur temps et sont donc plus faciles à transposer à notre époque et dans d’autres pays. Un exemple en est le thriller The Double (2013), basé sur le roman Le Double, avec Jesse Eisenberg et Mia Wasikowska. Ou le drame romantique Two Lovers (2008) basé sur Les Nuit blanches, où les rôles principaux sont tenus par Joaquin Phoenix et Gwyneth Paltrow.

D’ailleurs, Les Nuits Blanches reste l’une des œuvres de Dostoïevski les plus souvent adaptées à l’écran (à au moins 25 reprises). Même si, bien sûr, le roman Crime et Châtiment est hors compétition. 60 films, séries télévisées et même dessins animés ont été tournés sur sa base. La plus réussie est probablement l’adaptation de Robert Bresson Pickpocket de 1959 (les événements se déroulent en France). Christopher Nolan a admis qu’alors qu’il travaillait sur Dunkerque, il a étudié le travail réalisé par Bresson afin de créer des effets de suspense dans Pickpocket.

Anton Tchekhov – 631

Les pièces classiques sont toujours plus volontiers adaptées à l’écran que n’importe quel autre genre. Dès lors, comment s’étonner que Tchekhov soit l’un des écrivains les plus filmés au monde… Ses grandes pièces – La MouetteOncle VaniaLa Cerisaie, etc. – comptent des dizaines, voire des centaines d’adaptations cinématographiques. Tchekhov a été mis à l’écran par Ingmar Bergman (son chef-d’œuvre Cris et chuchotements s’inspire des Trois sœurs), Louis Malle (Vania, 42e rue est inspiré d’Oncle Vania), Sidney Lumet (La Mouette) et bien d’autres grands noms du septième art. Certes, le dramaturge russe est encore loin du record du monde. Shakespeare reste sans égal : on compte plus de 1 600 adaptations de ses œuvres.

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