Six créateurs emblématiques de la mode alternative des années 1990 en Russie

Sergueï Borissov/MAMM/MDF
Metalleux, punks et artistes d’avant-garde qui flirtaient avec des images de tchékistes et des symboles tsaristes: voilà à quoi ressemblait la mode de la nouvelle vague en Russie contemporaine dans ses premières années d’existence.

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Elena Khoudiakova

Issue d’une famille de la nomenklatura, officiellement étudiante à l’Institut d’architecture de Moscou, elle s’est intéressée à la création de vêtements dès l’adolescence et, dès que l’occasion s’est présentée, s’est consacrée pleinement à son occupation favorite. Les premières collections de Khoudiakova datent de la fin des années 1980 et sont consacrées à une refonte créative des costumes d’avant-garde. Elle se réfère aux travaux de la plus célèbre créatrice de mode des premières années de l’URSS, Nadejda Lamanova, et utilise des imprimés et des coupes caractéristiques des modèles des dernières années du pays soviétique. Khoudiakova est devenue célèbre grâce à sa version des vatniks (vestes matelassées soviétiques), qui, soit dit en passant, reviennent à la mode chez les jeunes d’aujourd’hui, et des blouses de travail, ainsi que des accessoires dans l’esprit des porte-épées et des holsters.

Par la suite, Khoudiakova a eu les faveurs des stylistes occidentaux. Ses vêtements, qui se réfèrent à l’esthétique de l’art social de manière ironique, comme elle le dit elle-même, sont apparus dans les pages du magazine de mode The Face, et elle a elle-même bientôt déménagé à Londres, où elle a travaillé dans l’industrie de la mode. Elena a vécu une longue vie – toutes ses dernières années à l’étranger, se concentrant sur la création artistique. C’est ainsi qu’en 2014, un an avant sa mort, s’est tenue à Londres son exposition personnelle, une sorte de résumé de son travail, principalement consacrée à la présentation glamour et ironique de l’héritage du camp socialiste.

Les frères Polouchkine

Les jumeaux Alik et Nikolaï, techniciens de formation, aimaient le rock russe et étaient proches de ce milieu. Ils ont commencé à coudre des vêtements pour ses représentants, dès lors qu’ils se sont intéressés au processus créatif. Les Polouchkine ont toujours baigné dans la bohème et, avec l’arrivée des années 1990, ont commencé à habiller les premiers clubbers. Leur collection la plus célèbre, FachFashion, date de 1993. Ses looks minimalistes cachent un message antifasciste. Les créateurs ont déclaré que leur principal objectif était d’opposer quelque chose de nouveau et d’original au passé soviétique.

La soie s’imposait comme la matière préférée du duo, qui savait la travailler comme personne. Les créateurs ont beaucoup cousu sur commande et continuent à travailler activement. Alik s’est lancé dans l’art et Nikolaï a sorti en 2016 une autre collection de mode dans une nouvelle matière à base de fibres de chanvre.

Alexander Petlioura

Peintre de formation et aujourd’hui collectionneur de vêtements vintage, Alexander Petlioura est devenu l’un des pionniers de la mode alternative après l’effondrement de l’URSS. Il a commencé par concevoir des concerts de rock. Dans les années 1990, les squats où se réunissaient les jeunes créatifs ont fleuri dans le pays. L’un d’entre eux était organisé par Petlioura, et ses premiers défilés ont eu lieu dans ce lieu particulier. Il mettait en scène ses spectacles comme des performances. Les personnages principaux étant les habitants du squat eux-mêmes. Ainsi, pendant de nombreuses années, la muse de Petlioura et le « truc » de ses spectacles a été madame Bronia, une vieille dame qui revêtait volontiers les costumes les plus bizarres sortis de l’imagination de l’artiste. L’héritier de ce lieu est l’espace d’art DK Petlioura, bien connu de tous les amateurs d’underground bien au-delà des frontières de la Russie.

Le vintage soviétique rassemblé par Petlioura s’est finalement transformé en une vaste collection, divisée en sections portant sur divers sujets. Le tout a été rassemblé pour former une grande encyclopédie de la mode, « L’Empire des choses », composée de 12 « volumes » consacrés à l’histoire du pays à travers le prisme des vêtements et des accessoires. Les costumes de Petlioura étaient une expérience artistique et de l’art pur. Par la suite, l’artiste s’est concentré sur la performance et le théâtre.

Duo La-Ré

Larissa Lazareva et Reguina Kozyreva ont d’abord joué le rôle de mannequins lors de défilés clandestins, puis se sont unies et ont commencé à coudre elles-mêmes des vêtements. Les looks du duo La-Ré étaient accrocheurs, spectaculaires et mémorables. Ainsi, l’une des collections les plus célèbres des stylistes était une ligne de robes de soirée intitulées Cils – des robes moulantes avec des fentes, décorées de « cils » d’un mètre de long en neige artificielle. Les jeunes femmes elles-mêmes définissaient leur style comme « glamour punk ». Elles organisaient leurs défilés comme des représentations scéniques, et ce n’est donc pas un hasard si, pendant longtemps, le nom du duo a été agrémenté du préfixe « Théâtre ». La-Ré a été invité à plusieurs reprises aux festivals de mode alternative Assemblée de la mode indomptable, organisés à l’époque à Riga (actuelle Lettonie, alors en URSS). Dans les années 1990, l’événement est devenu connu en Occident, les stars européennes de la mode alternative s’y sont rendues, et les nouveaux créateurs russes ont dû participer à leurs côtés sur un pied d’égalité.

La-Ré réalisait également activement des défilés dans les squats, les boîtes de nuit et les galeries. Pour leurs vêtements, elles utilisaient les matières les plus étranges, comme la sciure de bois aggloméré, et les accessoires étaient fabriqués à partir d’objets écrasés sur les rails de tramways. La fin des années 1990 a été marquée par des vêtements comportant des expérimentations techniques : des pièces tombaient des costumes et des mécanismes d’horlogerie fonctionnaient à l’intérieur des chaussures. Le duo n’a pas survécu au nouveau millénaire. Ses deux membres se sont séparées et ont changé de domaine d’activité. Larissa Lazareva, par exemple, s’est lancée dans le journalisme et a été pendant de nombreuses années la directrice mode du magazine Men’s Health.

Gosha Ostretsov

Le célèbre peintre conceptuel a toujours perçu la mode comme une déclaration artistique. Il a commencé à confectionner des vêtements à la suggestion du légendaire Garik Assa, le père de l’underground russe, comme il se surnommait lui-même, et avait l’habitude de tenir des défilés dans le squat Detski Sad (Jardin d’enfants). À la fin des années 1980, l’artiste a polémiqué sur la politique du Parti dans ses collections, habillant les mannequins de costumes presque bouffons et de chaussures fabriquées à partir de pièces de jouets d’enfants. Chaque exposition d’Ostretsov se transformait en une véritable performance.

Parti à Paris, Ostretsov a continué d’y travailler à la fois comme peintre et comme couturier. À ce titre, il a collaboré avec Jean-Charles De Castelbajac, Jean-Paul Gaultier et Kenzo (principalement pour des collections de chaussures). Il a accueilli le nouveau millénaire en Russie et, aujourd’hui, se consacre à la création artistique, créant principalement des peintures dystopiques dans le style des bandes dessinées.

Andreï Bartenev

Bartenev a créé des vêtements emblématiques des années 1990, bien qu’il soit difficile de qualifier ses projets de vêtements, car il s’agit plutôt d’objets d’art, dans lesquels lui et ses modèles paradaient. Le créateur a participé activement aux Assemblées de la mode de Riga, présentant des collections plus étranges les unes que les autres. Toutes respiraient un désir incontestable de liberté de création et d’expression illimitée. Des hommes-fruits géants ou des hommes-sous-marins déambulaient sur les podiums. Bartenev lui-même définissait son travail non pas comme du design, mais comme une performance costumée (rien d’étonnant à cela, puisqu’il est metteur en scène théâtral de formation). L’un de ses projets les plus célèbres est le spectacle Faust, qui présentait des combinaisons spatiales volumineuses pour un voyage imaginaire en compagnie de Méphistophélès. Dans les années 1990, ses actions et performances ont envahi les boîtes de nuit et galeries d’art alors en plein essor, où Bartenev apparaissait dans des kokochniks délirants et des collants à pois brillants, édifiait d’incroyables constructions sur sa tête et son corps et n’avait jamais peur des couleurs vives, voire acidulées. Il fait encore aujourd’hui sensation avec ses tenues et ses coiffes à l’occasion.

En Occident, Bartenev est surtout connu comme costumier. C’est à ce titre, par exemple, qu’il a participé aux productions du célèbre réalisateur Robert Wilson. L’auteur évoque son travail dans les années 1990 comme un carnaval, un spectacle débridé rempli de provocation et de fantasmagorie.

Dans cet autre article, découvrez comment être à la pointe de la mode avec une touche traditionnelle russe.

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