Soirées du cinéma russe de Bordeaux: les films coups de cœur de l’édition 2021

Culture
VALERIIA ANIKUSHINA
Des grands classiques soviétiques aux nouveautés du cinéma russe contemporain, en passant par la sélection de documentaires touchants, nous vous proposons un guide express des films du festival Soirées du cinéma russe de Bordeaux sélectionnés par la rédaction. Après une longue pause dictée par la pandémie, cet événement incontournable pour les amateurs de la culture russe aura lieu fin novembre et début décembre.

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Un film de genre biopic, un documentaire historique sur le siège de Leningrad, un film-enquête sur la fusion de la culture et sa préservation, une tragi-comédie sur les effets magiques des aurores boréales, une aventure documentaire sur les traces de l’explorateur Simon Dejnev. La sélection de la 10e édition du festival Soirées du cinéma russe de Bordeaux offre au public français la possibilité d’avoir une vision différente de la Russie d’hier et d’aujourd’hui et de mieux connaître ses habitants. Voici 5 films du programme que nous avons choisis pour vous !

Docteur Liza

Il arrive à tous de se demander à quoi ressemble un jour de vie d’un personnage célèbre ou des superhéros : comment arrivent-ils à accomplir tous ces exploits inimaginables ? L’une des « super-héroïnes » pour la Russie d’aujourd’hui était Elizaveta Glinka, communément appelée Docteur Liza. Décédée tragiquement dans un accident d'avion en 2016, elle était à la tête de la Fondation Fair Aid et donc connue pour ses activités caritatives et son aide aux nécessiteux. En effet, grâce à elle, des centaines de malades ont été soignés, des milliers de sans-abri ont été nourris et des millions de personnes ont vu comme la gentillesse peut véritablement sauver le monde.

Réalisé par Oxana Karas, le film n’est pas un simple mélodrame biographique, un genre classique souvent choisi pour honorer une personne d’une grande ampleur. Les spectateurs sont en fait invités à assister à une seule journée dite typique et à observer la routine ordinaire de Glinka, de sa famille et de ses subordonnés. Ce jour-là marque le 30e anniversaire de sa vie commune avec son mari, l'avocat américain d'origine russe Gleb Glinka. Deux fils adultes arrivent pour quelques jours des États-Unis et le troisième, qui d’ailleurs vient d’être adopté par le couple Glinka, attend avec inquiétude la visite des autorités de tutelle pour une inspection. Alors que tout le monde se prépare pour la fête, Liza mène son combat de tous les jours contre tous : le système de santé pour soulager la souffrance d’une fillette mourante, les autorités locales pour pouvoir nourrir et soigner les sans-abris et les forces de l'ordre pour ne pas se retrouver derrière les barreaux. En se sacrifiant elle-même et sa vie privée pour le bien des autres, elle sauve le monde de chacune de ces menaces. 

Le Passeport renversé

Réalisé par Alexandre Mirochnitchenko et Vladmir Bazynkov, ce film documentaire illustre la façon dont le mélange des cultures se produit. En retraçant l’histoire de vie des quatre personnages et leurs liens avec la France et la Russie, les réalisateurs montrent aux spectateurs la diversité du monde russe, tout en faisant de l’Hexagone un lieu central de fusion des deux cultures. C’est aussi en quelque sorte un film-hommage à ce lien spirituel invisible et au dialogue ininterrompu dans le temps entre les deux pays. La diversité du monde russe est le fil rouge de chacune des quatre histoires qui se déroulent à différentes époques historiques, mais dont le point final se trouve en France. Ainsi, les héros de ce film sont des témoins et des porteurs de l'histoire russe et de ce que représente la Russie d’hier et d’aujourd’hui.

Un autre élément central du film, réunissant quatre histoires complètement différentes qui se déroulent aujourd’hui pour une raison ou une autre en France, est la question de l'intégration et de l'adaptation dans un nouveau pays et au sein d’une nouvelle société. Peu importe si on quitte notre patrie volontairement ou non, cela implique toujours un inévitable bouleversement de la vie. Peut-on trouver sa place dans une nouvelle culture et adopter un nouveau mode de vie, tout en préservant nos racines et traditions ? C'est possible et Le Passeport renversé avec ces quatre histoires atypiques en est la preuve.

Le Tramway va au front

Présenté au public pour la première fois en avril 2021 à l'occasion du 79e anniversaire de la reprise du trafic de tramway dans le Leningrad assiégé, le film d’Anatoli Agrafenine revient sur l'histoire militaire de l’ancienne capitale russe, en relatant les cadres des années de guerre, du blocus et d’aujourd'hui. En septembre 1941, lorsque la ville était cerclée et bloquée par l’armée finlandaise au Nord et celle du Troisième Reich au Sud, et que presque tout le transport routier était mobilisé sur le front, le tramway est devenu le seul moyen de transport pour 2,5 millions d'habitants de Leningrad. À la fin de novembre 1941, les pannes d'électricité dans la ville se sont multipliées et, le 8 décembre, tous les transports électriques ont cessé de circuler sans avertissement. Pendant l’hiver de 1941-1942, l'un des plus sévères de tout le blocus, les tramways abandonnés sur les rails sont devenus un symbole de la vie arrêtée de la ville....

« La ville est devenue piétonne. Mesurées par la force des pieds, les distances ont acquis une réalité : [mesurées] pas par le temps comme avant, mais par les pas. Parfois par le nombre de pas », décrivent ce moment Daniil Granine et Alès Adamovitch dans la chronique documentaire Le livre du blocus. Ainsi, les longues distances à parcourir pour aller au travail, chercher du pain et de l'eau sont devenues une véritable épreuve pour les habitants de Leningrad épuisés par la faim.

L'auteur du film a réussi à rassembler des images d'archives uniques de cette époque et des témoignages des habitants du Leningrad assiégé, et notamment celui du « commandant du tramway du blocus » Mikhaïl Soroka. Créant un effet immersif, le film permet de revivre toutes les difficultés du processus de restauration de la circulation du tramway, une priorité absolue pour tous les services publics de la ville au printemps 1942. Alors que cela semblait irréaliste, le 15 avril 1942, les habitants émaciés ont pu entendre à nouveau le tintement du tramway dans les rues. Ce fut la première victoire des habitants sur le chemin de la libération complète de la ville, une victoire pleine d'espoir et de symbolisme de vie.

La grande voie du Nord 

L'un des meilleurs exemples de documentaires russes contemporains, le film de Leonid Krouglov reproduit l'aventure passionnante de Simon Dejnev, un explorateur russe du XVIIe siècle. Suivant son trajet, le réalisateur a cherché à remonter le temps pour plonger le spectateur dans les réalités de cette époque afin de « trouver des réponses aux questions clés de l’histoire russe ». Le public est donc invité à participer à ce voyage hors de commun et risqué : 10 000 kilomètres parcourus d’Arkhangelsk au détroit de Béring par tous les moyens de transport imaginables et dans des conditions extrêmes.  

La projection du film sur grand écran permettra à chacun de réaliser à nouveau à quel point la Russie est un pays vaste. Grâce aux drones, des images spectaculaires des régions du Nord de la Russie (la Sibérie et la Tchoukotka) ont été capturées d'une telle façon qu’il est difficile de réaliser que ces paysages sont réels. Alors que cette nature intacte et sa beauté inaccessible sont fascinantes pour l'œil d'un spectateur habitué à vivre dans une jungle de pierre, sa sévérité est effrayante, car il est difficile de croire que la vie y est possible.

La grande voie du Nord est aussi un film-réflexion sur la formation de l’État russe moderne, tel qu’il est connu aujourd’hui : pourquoi les Russes ont-ils été attirés par ces terres lointaines ? Comment ont-ils réussi à y survivre et à préserver le mode de vie des peuples indigènes ? Le recours aux documents historiques, les rencontres avec les autochtones de ces régions et avec leurs traditions et leur vie quotidienne font de ce film non seulement un voyage dans l'espace, mais aussi dans le temps. 

Moloko

Le festival sera clôturé par un film avec Ioulia Peressild, actrice dont la filmographie comporte désormais le premier film tourné dans l’espace. Réalisé par Karen Oganesyan, cet œuvre se déroule dans la ville de Kirovsk, dans la région de Mourmansk, qui se transforme petit-à-petit en « Mecque polaire » pour les cinéastes russes. Moloko (Le lait) est une tragi-comédie profondément métaphorique qui traite de sujets éternels : le problème des pères et fils, des troubles sociaux et des traumatismes psychologiques subis par les enfants à l’école et à la maison. Voici quelques détails :

Ioulia Peressild incarne Zoe, jeune femme souffrant d'infertilité et qui, en raison de l’étrange influence des aurores boréales, commence à avoir du lait magique. Celui-ci a un effet guérissant instantané sur les personnes malades mentalement. En plus d'un scénario bien pensé, les spectateurs pourront profiter du paysage atypique de la nature septentrionale et des aurores boréales incroyablement filmées et accompagnées par une musique splendide.

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