Neuf nouveaux visages du ballet russe lui promettant un avenir des plus radieux

Culture
ANNA GALAÏDA
Nous avons réuni dans cet article de jeunes étoiles, non seulement de Moscou et Saint-Pétersbourg, mais aussi de théâtres régionaux.

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Denis Zakharov

Le théâtre Bolchoï traverse à nouveau, comme il y a 30 ans, une période où toute une génération se lève d’un coup. Au premier rang, Denis Zakharov, 22 ans. Deux ans avant la fin de ses études à l’Académie de chorégraphie de Moscou, Zakharov a attiré l’attention dès sa première apparition sur la grande scène avec son jeté, sa rotation souple mais dynamique, et sa capacité à passer du bucolique La Fille mal gardée à l’ironique Cipollino.

Il a fait ses débuts dans La Belle au bois dormant pendant sa dernière année à l’Académie, en interprétant le rôle virtuose de l’Oiseau bleu sur invitation du directeur du ballet du Bolchoï Makhar Vaziev. Il s'agit là d'une première, auparavant, aucun danseur masculin ne s'était vu confier par lui un rôle majeur dès ses années d'études.

Il n’est pas étonnant que Denis ait eu le champ libre pour interpréter des rôles de princes au Bolchoï. En trois ans, il a incarné Casse-Noisette, le Prince Désiré dans La belle au bois dormant, le Premier dans Études, et le romantique James dans La Sylphide.  

Toutefois, peut-être qu’à cette étape son meilleur rôle a été celui du Mauvais Génie dans Le Lac des cygnes, qui lui a été confié par l’un de ses premiers interprètes, Valeri Lagounov.

Maria Iliouchkina

Dans le tableau des grades du Théâtre Mariinski, Maria n’a qu’une modeste position de soliste. Elle n’a pas encore eu beaucoup de rôles principaux dans son répertoire, mais chacun d’entre eux a été un événement. Iliouchkina a plus que de superbes apparence et forme physique : sa danse a un « timbre » incomparable. Elle est à la fois la jeune Raymonda, ferme en Odette, naïve et joviale en Odile pour son premier bal dans Le Lac des cygnes, et elle vous fait croire dans le triomphe des forces du Bien quand elle interprète la Fée des lilas de La Belle au bois dormant.

La voie de Maria dans le ballet est typique pour une fille de Saint-Pétersbourg : elle est entrée à l’Académie de Ballet russe Vaganova après avoir fait ses débuts en tant que gymnaste rythmique. Vers la fin de ses études, elle a obtenu la médaille d’or de la Compétition internationale de ballet Valentina Kozlova à New York et, en 2016, elle a été acceptée dans la troupe du théâtre Mariinski. Elle a commencé dans le corps de ballet comme tous les autres, mais même parmi les grands cygnes du Lac des cygnes, elle se distinguait.

Et quand elle a obtenu ses premiers solos, les amateurs de ballet ont commencé à accourir aux spectacles en trois actes afin de voir ses variations qui pouvaient durer une à deux minutes.

Ksenia Chevtsova

Après avoir été diplômée de l’Académie Vaganova de Saint-Pétersbourg, Ksenia était attendue au sein du ballet d’État de Berlin, mais se retrouva finalement au Théâtre musical Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko de Moscou. Chevtsova se distingue par sa mobilité. Après avoir grandi à Samara, où elle a étudié à l’école de ballet, elle s’habitue à changer de ville et de situations. Elle dansait déjà beaucoup quand elle était à l’académie et avait un répertoire étendu pour une écolière, bien qu’il soit vrai qu’à ses débuts au théâtre, lui étaient uniquement confiés des rôles très secondaires.

Mais un jour, lors d’une tournée à Munich, la prima ballerina s’est blessée au début de la représentation, et Ksenia, qui assistait au spectacle, a surgi sur scène en plein milieu de l’action. Presque sans préparation, sans avoir été ni maquillée ni coiffée, elle a interprété le rôle complexe de Marie Vetsera dans Mayerling. C’est ce qui lui a ouvert la voie pour Le Lac des CygnesGiselle et La Bayadère

L’arrivée du maître de ballet français Laurent Hilaire dans le théâtre moscovite a grandement étendu son répertoire : elle est désormais connue aussi bien pour ses interprétations du néoclassique Suite en blanc de Serge Lifar, que pour l’austérité du Second Detail de William Forsythe. 

Sofia Matiouchenskaïa

Daria Pavlenko, encore récemment prima ballerina du théâtre Mariinski, dit de son élève que « c’est une artiste très subtile, qui sait écouter. Et elle n’a pas peur de changer ». Sofia l’a rencontrée dans la salle de répétition du Théâtre de ballet Leonid Jacobson. En se produisant aux théâtres Mariinski, Alexandrinski et Michel à Saint-Pétersbourg, cette petite troupe attire chaque année de plus en plus l’attention, et elle arrive à apporter sa touche personnelle même lors des représentations de ballets classiques. 

Matiouchenskaïa a été découverte par le Danois Johan Kobborg, étoile du Royal Ballet britannique, lors d’une représentation de Don Quichotte à laquelle il était invité. Après une première saison au théâtre, Sofia s’est avérée idéale dans le rôle de Kitri.

Pour ce rôle, elle a été nominée pour le prix théâtral national russe du « Masque d’or », ce qui a donné de l’élan à sa carrière : en six saisons elle a interprété Marie dans Casse-Noisette, la Princesse Aurore dans La Belle au bois dormant, Giselle, et a participé à la première mondiale du ballet La Dame de pique.

Arsenti Lazarev

Il était déjà une étoile à l’école : bien avant d’être diplômé de l’école de chorégraphie de Novossibirsk, Arsenti a remporté des prix aux concours internationaux de Bichkek (Kirghizistan), Ekaterinbourg et Saint-Pétersbourg. Néanmoins, pour ce fils de serrurier du village de Mochkovo, dans la région de Novossibirsk, le fait d'avoir été invité à rejoindre la troupe du théâtre Bolchoï a fait sensation.

Cependant, le danseur a décidé quelques mois plus tard de partir à Ekaterinbourg, au théâtre de l’Opéra Ballet de l’Oural. « Intelligent. Polyvalent. Ouvert aux expérimentations. La rencontre du charisme et de la virtuosité », ce sont les mots du maître de ballet de l’Oural Viatcheslav Samodourov pour décrire la vedette de 22 ans.

Dès sa première saison, il a interprété le rôle de l’écolier d’antan pour la première de la série du ballet Paquita. Un an plus tard, Lazarev dansait pour la première mondiale de L’Ordre du Roi. Tous les princes légendaires de ballet font désormais partie de son répertoire.

Ksenia Ovtchinnikova

Un ballet en un acte est en représentation au théâtre d’opéra et de ballet de Samara : Straussiana, un classique soviétique de Vladimir Bourmeister. Au son du Danube bleu de Strauss, il dresse le tableau de la bourgeoisie viennoise du XIXe siècle. Dans la foule, il est difficile de distinguer les différents personnages. C’est alors qu'apparaît une dame vêtue d’une robe blanche comme la neige et d’un chapeau à plume.

À cet instant, il semblerait que toute cette valse n’ait lieu que pour elle. Ksenia Ovtchinnikova est faite pour ce rôle magnétique de l'Actrice : de son talent, elle aimante le regard des spectateurs. Ce dernier ne s’est cependant pas immédiatement manifesté, bien que la diplômée de l’École de ballet de Perm ait très rapidement été au premier rang de sa troupe. Il fallut des années pour qu’au-delà de sa formation technique considérable se dévoile l’entièreté de son talent. Elle est aujourd’hui Odile dans Le Lac des cygnes, Kitri dans Don Quichotte, et Médora dans Le Corsaire

Elena Svinko

Elena, âgée de 24 ans, était déjà au centre de l’attention quand elle était encore étudiante. Elle a commencé à remporter des prix de compétitions internationales dès les plus petites classes de l’école de chorégraphie de Krasnoïarsk, et elle est arrivée en 2016 au théâtre de la même ville. 

Dès l’âge de quatre ans, elle a commencé à apprendre à danser. Ses parents n’ont rien à voir avec le théâtre (sa mère est médecin, son père ouvrier), mais c’est sa sœur aînée Svetlana qui a ouvert la voie vers le ballet. Cette dernière est désormais soliste principale du Théâtre de ballet Leonid Jacobson de Saint-Pétersbourg. Elena est quant à elle restée dans sa ville natale, où on lui a immédiatement proposé une position de soliste.

Avec ses jambes ciselées, Svinko incarne la ballerine moderne, grande, audacieuse, et à l’aise dans les chorégraphies classiques comme modernes. C’est ce que prouve son répertoire, où la romantique Giselle côtoie l’enjouée Swanilda (Coppélia), la courageuse Koupava (Snegourotchka) ou encore Carmen, la courtoise Princesse Aurore (La Belle au bois dormant) et l’émouvante Cendrillon.

Diana Koustourova

Diana, 22 ans, s’est retrouvée sous les feux de la rampe avec le rôle principal dans Deva, un ballet de 20 minutes inspiré du mythe antique d’Artémis. Il a été élaboré par de jeunes chorégraphes moscovites au théâtre d’opéra et de ballet de Voronej, où Diana en est à sa troisième saison. 

Gymnaste rythmique avant d’être ballerine, Koustourova ensorcelle par sa taille, ses bras et ses jambes « sans fin » et sa grande foulée, sans avoir recours aux tours habituels du ballet. Elle compte cependant dans son répertoire les rôles d’Odette/Odille du Lac des Cygnes, de la Fée des lilas de La Belle au bois dormant, de Myrthe de Giselle et de Gulnare dans Le Corsaire.

Sarial Afanassiev

C’est sa mère qui l’a conduit au ballet. Plus exactement, elle lui a fait quitter son village pour rejoindre l’école de chorégraphie de Iakoutsk. Néanmoins, dès ses années d’études, il a commencé à se fixer des objectifs ambitieux. C’est ce qui l’a amené à l’âge de 13 ans à arriver en finale au concours Youth America Grand Prix à New York, et à briller au concours Jeune Ballet du monde devant Iouri Grigorovitch à Sotchi.

C’est pourquoi Afanassiev est entré directement comme soliste et non dans le corps de ballet au théâtre de Iakoutsk en 2010. Sa petite taille ainsi que sa constitution robuste sont compensées par ses sauts puissants, sa rapidité, ses pirouettes vertigineuses. Au début, le répertoire de Sarial était standard, avec les rôles de Basile dans Don Quichotte, de Solor dans La Bayadère, ou encore Spartacus.

Ayant atteint le haut de la hiérarchie à Iakoutsk, Afanassiev a pris un risque en devenant soliste au Théâtre musical Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko de Moscou. Son répertoire s’y est enrichi de spectacles comme Mayerling de Kenneth MacMillan et Suite en blanc de Serge Lifar, qu’il n’avait pas eu l’opportunité d’interpréter à Iakoutsk. Sarial est rentré chez lui avec ce bagage, où on peut désormais le voir interpréter le noble Albert dans Giselle et Ostap Bender dans le ballet Les Douze Chaises.

Dans cet autre article, découvrez grâce à d’anciennes photographies à quoi ressemblait le ballet russe avant la Révolution.