Claude Lelouch, Luc Besson, mais aussi Louis de Funès, Pierre Richard, Belmondo ou encore Jean Gabin... Demandez à n'importe quel Russe ce qu’il sait du cinéma français, il est fort probable qu’il vous énumérera, promptement et le sourire aux lèvres, les noms de toutes une série d’œuvres cinématographiques de différentes époques, mais aussi ceux d’acteurs et de réalisateurs. À cela rien d’étonnant, les productions françaises ont en réalité connu un retentissement inouï en URSS au cours de la seconde moitié du siècle dernier.
Comme l’explique le site Kino-teatr.ru, sur les 200 nouveaux films qui étaient en moyenne projetés chaque année dans les salles obscure d’Union soviétique, une centaine provenait de l’étranger. Parmi eux, la moitié était originaire des pays socialistes alliés, ne laissant qu’une faible part aux réalisations des membres du bloc capitaliste, soumis à des quotas. Cependant, à cet égard, ce sont les œuvres françaises et italiennes qui semblaient profiter le plus des faveurs des autorités. Cela n’était toutefois pas un hasard – ces deux nations disposaient alors d’un parti communiste à l’influence non négligeable. L’essor du cinéma français en Russie a par ailleurs débuté dans les années 60, événement coïncidant en réalité avec le retrait de l’Hexagone du commandement intégré de l'Otan.
Mais l’intérêt pour le cinéma français se manifeste également chez la jeunesse, née bien après l’effondrement de l’Union soviétique. Qu’est-ce que les Russes apprécient le plus dans les œuvres cinématographiques venues de l’Hexagone ? Comme l’ont révélé au micro de Russia Beyond des passants moscovites de différentes générations, c’est la « légèreté et la subtilité dans la perception », un charme inimitable ou encore son métaphorise.
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Aussi, nous proposons-vous aujourd’hui une sélection de longs métrages ayant séduit ce public particulièrement friand de la légèreté et de l’humour à la française. Mais avant d’en dresser la liste, nous sommes allés à la rencontre des Moscovites pour en savoir plus sur leurs connaissances en la matière.
Fantômas, 1964
Du haut de ses 45,5 millions de spectateurs soviétiques à sa sortie, ce film d’André Hunebelle est indéniablement l’un des plus grands succès du cinéma français en URSS. En réalité néanmoins, la diffusion des enquêtes de l’inspecteur Juve concernant ce mystérieux individu masqué a eu une incidence aussi inattendue que désastreuse dans le pays.
En effet, les affiches n’indiquant pas qu’il s’agissait d’une comédie parodique, une partie significative du public, principalement constitué d’adolescents, l’a accueillie avec le plus grand sérieux, pensant que l’œuvre relatait de véritables faits. Suite à cela, dans les villes d’URSS ont été recensés une multitude de délits, allant de vols en magasins à l’incendie de bâtiments résidentiels, faisant même plusieurs victimes, et lors desquels était laissée l’inscription « Ceci est l’œuvre de Fantômas ». Les appels téléphoniques menaçants effectués au nom de cet énigmatique individu ont également été légion.
En réaction, le ministère de l’Intérieur a alors décrété le retrait de la trilogie des salles soviétiques ; une interdiction levée quelques années plus tard, pour le plus grand bonheur du public, puisque les deux épisodes suivants seront respectivement visionnés par quelque 44,7 et 34,3 millions de personnes. Un succès tel que le tournage d’une suite intitulée Fantômas à Moscou avait été envisagé par les producteurs, un projet finalement abandonné en raison du cachet faramineux réclamé par les acteurs.
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Les Quatre Charlots mousquetaires, 1974
Autre chef-d’œuvre d’Hunebelle, il peut se targuer d’apparaître comme le premier film français et le dixième long métrage étranger le plus populaire en URSS, avec un total de 56,6 millions de spectateurs. Cela n’est toutefois pas surprenant – le goût des Soviétiques pour les comédies n’étant un secret pour personne, tout comme leur amour pour les œuvres d’Alexandre Dumas, la combinaison des deux ne pouvait qu’être triomphale. D’ailleurs, bien que le pays ait réalisé sa propre adaptation du roman, cette version française reste indubitablement la favorite du public russe.
Angélique, marquise des anges, 1964
Vu, tout comme ses suites, par plus de 40 millions de citoyens de l’Union soviétique, Angélique, marquise des anges a eu une incroyable résonnance dans la nation, si bien que cette dernière a rapidement été le théâtre de la naissance d’une monumentale vague d’Angelikas, Angelinas et Angelas, tandis que bien des femmes ont sans tarder adopté la coiffure de l’héroïne.
Cette saga n’y a toutefois pas été au goût de tous, et nombreux ont été ceux à réclamer son interdiction, la jugeant trop indécente, et ce, même si les scènes d’amour avaient d’ores et déjà été les victimes de l’impitoyable appareil censeur soviétique. Dans ce premier épisode, avaient en effet par exemple été coupées près de 30 minutes de l’œuvre initiale.
La Grande Vadrouille, 1966
En soit, l’on pourrait ici citer n’importe quel film comptant dans son casting l’illustre Louis de Funès. Cet acteur est, il est vrai, sans le moindre doute l’une des personnalités françaises les plus chères aux yeux des Russes. D’ailleurs, nombreux sont ceux à croire encore que la statue du général de Gaulle, se dressant devant le pharaonique hôtel Cosmos, à Moscou, est en réalité celle du gendarme de Saint-Tropez. À sa sortie dans les cinémas d’URSS en 1971, La Grande Vadrouille a rassemblé un public de quelque 37,8 millions de têtes.
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Le Grand Blond avec une chaussure noire, 1975
Cette comédie d’Yves Robert a pour vedette Pierre Richard, autre acteur adulé par le public russo-soviétique. Si ce film est aujourd’hui le plus souvent cité à son sujet par les Russes, c’est en réalité La Course à l’échalote qui a ici été son plus grand succès, 28,9 millions de personnes ayant assisté à sa projection suite à sa sortie, soit la plus grande réussite cinématographique d’URSS en 1979. Mais au final, quelle que soit l’œuvre tournée en la participation de Richard passant à la télévision soviétique, c’est toute la famille qui se rassemblait immanquablement autour du poste.
Dans son autobiographie Je sais rien, mais je dirai tout, rédigée sous forme d’interview, le comédien consacre d’ailleurs un chapitre entier à son incroyable popularité en Russie.
« C’était à Khanty-Mansiïsk en Sibérie. Je suis arrivé vers une heure du matin de Moscou par avion. Il faisait – 30 °C, la route qui menait à la ville était blanche. D’ailleurs, tout était blanc, les toits, les arbres, tout étincelait d’une blancheur glaciale. Et que vois-je en traversant une place illuminée ? Trois énormes statues de glace qui scintillaient sous les projecteurs : Charlie Chaplin, Marilyn Monroe et moi-même qui joue du violon. Je n’aurais jamais imaginé un tel compagnonnage. Charlot, mon Dieu, Marilyn, ma déesse, et moi, qui passions la nuit ensemble dans cet univers givré », y relate-t-il, décrivant l’un des moments les plus marquants de ses voyages dans le pays.
Intouchables, 2011
Bien qu’il soit moins visible de nos jours, le cinéma français parvient encore à effectuer quelques percées en Russie. Intouchables, véritable phénomène dans l’Hexagone, est un bon exemple de ses récentes réussites au pays des tsars. En effet, son modeste nombre de billets vendus (214 000) ne reflète que peu sa véritable popularité en ces terres, les Russes étant aujourd’hui eux aussi familiers des sites de visionnage en ligne et de téléchargement.
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Parmi les autres succès de l’industrie cinématographique française dans cette contrée, l’on pourrait également mentionner Amélie Poulain ou encore l’incontournable saga Taxi, dont l’acteur principal, Samy Naceri, réside d’ailleurs actuellement en Russie.
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