Fin juin, à Paris, au programme du festival annuel Les étés de la danse, figure pour la première fois le Théâtre d’opéra et de ballet Tchaïkovski de Perm. Cette troupe, fondée il y a 92 ans et évoluant dans la ville natale de Serge Diaghilev, est considérée comme l’une des meilleures de Russie. Elle possède une école de premier rang aux racines saint-pétersbourgeoises et un répertoire parfaitement équilibré, combinant spectacles de Petipa et Fokine, de Balanchine et Robbins, d’Ashton et MacMillan. Son directeur artistique, Alekseï Mirochnitchenko, nous parle de sa prochaine venue dans la capitale française.
S’agit-il de la première tournée du Ballet de Perm à Paris ?
En France on nous connait bien : pendant huit ans nous l’avons traversée de long en large, nous nous sommes produits par intervalles d’un mois-un mois et demi, avons dansé dans la banlieue parisienne, mais dans la capitale en elle-même, jamais.
Votre troupe réalise beaucoup de représentations. Qu’attendez-vous de vos spectacles à Paris ?
Je suis toujours dans une impasse face à ce genre de questions. Le plus important est toujours d’arriver et de danser de façon à ce que le public reçoive de la joie. Si cela se produit, on se souviendra de nous, apparaîtront de nouveaux producteurs intéressés, et le nom du Ballet de Perm résonnera plus fort. Paris est l’une des plus grandes villes de ballet au monde, aux côtés de Londres, New-York, Saint-Pétersbourg et Moscou, c’est pourquoi nous produire ici est très important. De plus, au nouveau Centre culturel et spirituel russe, qui a été inauguré en 2016, se tiendra une présentation du Ballet de Perm, lors de laquelle nous parlerons, avec nos solistes, de notre région et de notre théâtre.
Lire aussi : Laurent Hilaire: «Je suis ici pour développer la culture russe»
Votre venue s’inscrit dans le cadre du prestigieux festival Les étés de la danse, auquel n’avait jusqu’à présent participé qu’une troupe russe, de Novossibirsk.
Cette année, le monde du ballet célèbre le centenaire de la naissance de Jerome Robbins et le festival est dédié à cet éminent chorégraphe. Ses parents étaient des ressortissants de l’Empire russe, mais lui a travaillé toute sa vie à New-York et est avant tout associé au New York City Ballet et à d’autres compagnies de ballet américaines. C’est un grand honneur que sa fondation nous ait recommandés au festival parisien comme étant l’une des troupes interprétant de manière la plus qualitative les ballets de Robbins et œuvrant le plus à la préservation de l’héritage de ce chorégraphe. Par ailleurs, notre venue n’aurait certainement pas été possible sans la compagnie de production RUS ART, dont la directrice, Anastassia Kovalenko, a parlé de nous à la direction des Étés de la danse et l’a persuadée non seulement de présenter nos spectacles, mais aussi de les faire venir à Paris pour le compte du festival.
Les lois du marché international des tournées sont telles qu’il s’agit de projets non commerciaux et que les frais sont pris en charge par les sponsors et les mécènes des théâtres. Mais en Russie le système est différent, et seul le théâtre Bolchoï peut se permettre d’aller à l’étranger. Pour les autres troupes russes, les tournées à l’international sont quasiment la seule possibilité d’engranger des « moyens hors budget », avec lesquels nous payons à nos artistes la location d’appartements, l’achat de chaussons de pointe, de bandages, l’assistance médicale, tout ce qui n’est pas prévu par les dotations gouvernementales. Les étés de la danse ont entièrement pris en charge le financement de nos représentations à Paris, en ayant pourtant invité un spectacle impliquant de nombreux participants, puisque sur scène se trouvent 49 danseurs, et que l’orchestre national français s’occupe de l’accompagnement musical (sous la direction de notre chef d’orchestre Artiom Abachev). De notre côté, nous avons dû avoir recours à un régime d’économie maximale.
Lire aussi : Comment le Français Marius Petipa a-t-il réussi à élever la Russie au sommet du ballet?
Notre danseur étoile Nikita Tchetverikov, qui a dansé toute sa vie une partie de Printemps [l’un des tableaux du ballet Les Saisons, de Robbins], a également préparé pour la tournée Automne [autre tableau], tandis que la danseuse étoile Polina Bouldakova, qui danse dans Automne, apprend dans tous les cas Printemps, pour la tournée il faut être prêt à tout. Bien entendu, nous ne pouvons pas nous passer de répétiteurs, mais le New York City Ballet, qui participe aussi au festival, nous aidera pour ce qui est du personnel de scène et du service médical.
Beaucoup de directeurs de compagnies de ballet disent qu’à l’étranger on attend d’eux uniquement des classiques russes, Le Lac des cygnes, Don Quichotte, Giselle. Est-ce la première occasion pour le Ballet de Perm de se présenter en tournée dans un répertoire occidental ?
L’invitation au festival à la mémoire de Robbins démontre une fois de plus à quel point il est important d’avoir un répertoire varié, à quel point cela élargit les possibilités de la troupe. Les ballets de Robbins ont été mis en scènes par les théâtres Mariinsky [de Saint-Pétersbourg] et Bolchoï [Moscou], mais à présent, en Russie ils ne le sont que par nous et le Théâtre académique musical de Moscou. Mais déjà avant cela, notre répertoire contemporain faisait l’objet d’une demande chez les producteurs occidentaux : en France d’ailleurs, au-delà des classiques, nous avons interprété les œuvres de Balanchine, de Forsythe, mais aussi Les Noces de Jiří Kylián et mon balletVariation sur le thème du rococo. Au Théâtre royal de Madrid, sur invitation de Gerard Mortier, qui y était alors intendant, nous avons présenté une soirée en hommage aux Ballets russes de Diaghilev, ainsi que ces mêmes Noces et Chout. Maintenant les producteurs se sont intéressés à la dernière de nos premières, Cendrillon, que j’ai mise en scène comme l’histoire passée du ballet soviétique.
Le Bolchoï et le Mariinsky ne sont en effet pas les seuls théâtres de ballet et d’opéra dignes d’intérêt en Russie. Russia Beyond vous présente dans cet autre article ceux qui valent également particulièrement le détour.