La table de Catherine II de Russie dressée au château de Champs-sur-Marne

Culture
MARIA TCHOBANOV
Dans le cadre d‘un jumelage culturel avec monument de la région de Moscou, le château de Champs-sur-Marne, en Île-de-France, accueille actuellement une exposition aussi inédite qu’exceptionnelle, consacrée à l’art de la table de la Russie impériale.

Le splendide château de Champs-sur-Marne, l’un des plus beaux exemples de l’architecture classique en Île-de-France, fête Noël à la russe. Dans le cadre de son jumelage avec le château de Kouskovo à Moscou, le monument français expose du 9 décembre 2017 au 15 mars un service de table ayant appartenu à la tsarine Catherine II et provenant de la collection du château russe, également musée national de la céramique.

L’année franco-russe du tourisme culturel initiée en 2016, a en effet été marquée par la signature d’un accord de jumelage entre quatre monuments français et quatre monuments russes, dont le château de Champs-sur-Marne et le château de Kouskovo. Datant toutes deux du XVIIIe siècle, ces bâtisses jumelées, dominant les grands parcs aménagés à la française, se situent respectivement dans le Grand Paris et à Moscou, et ont appartenu à d’illustres personnages.

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De ce jumelage naissent de belles collaborations. Ainsi, l’exposition Histoire en costumes, l’élégance au XVIIIe siècle, originellement présentée au château de Champs-sur-Marne, a été proposée au château de Kouskovo cette année. En retour, le monument français propose une exposition intitulée Kouskovo dresse la table à Champs – Un service impérial d’exception, présentant 126 pièces d’un service de table ayant appartenu à la tsarine Catherine II de Russie (1729-1796), créé à la manufacture Impériale de porcelaine de Saint-Pétersbourg entre 1770 et 1790.

Voyage au temps de la cour de la tsarine Catherine II

À l’origine, ce service comptait de très nombreuses pièces, mais au fil du temps il a été divisé, certains éléments entrant dans les collections de Kouskovo par le biais de la collection nationalisée d’Alexeï Morozov, d’autres rejoignant les collections du musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Utilisé lors des repas quotidiens de l'impératrice mais aussi à l’occasion de fêtes, cet ensemble de vaisselle était appelé « ordinaire » puisqu’il était fabriqué sur ordre du Cabinet de la cour pour les palais impériaux et non sur ordre personnel de l’impératrice. Il comprend des objets d’une grande variété de formes et d’utilisations, tous ornés de fleurs peintes, et est complété par des figurines en porcelaine réalisées à la manufacture Gardner dans les années 1770-1780.

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Ce service exceptionnel est présenté dans la grande salle à manger du château de Champs. La table se pare de toutes ces pièces délicates, accompagnées de reproductions de véritables mets servis à la cour de Russie. L’exposition Kouskovo dresse la table à Champs donne une impression de voyage au temps de la cour de la tsarine Catherine II. Des couverts en argent et quelques pièces d’orfèvrerie provenant du château d’Azay-le Rideau, et de collections particulières complètent le dressage de la table.

Lancement de la production de porcelaine en Russie

La vaisselle en porcelaine apparaît sur la table impériale russe au début des années 1720-1730, mais ce n’est qu’au milieu du siècle qu’une attention particulière est accordée à celle-ci afin de magnifier les repas officiels. Deux circonstances importantes ont contribué à cela. La première est la volonté politique de la mise en œuvre d’une production russe de porcelaine au XVIIIe siècle. La deuxième tient au véritable culte de la fête et à la recherche de la perfection gastronomique inhérents au XVIIIe siècle, que certains ont qualifié de siècle galant.

La Manufacture impériale de porcelaine de Saint-Pétersbourg a été fondée par l’impératrice Elisabeth en 1744 grâce à la mise au point des méthodes de production de la première porcelaine russe. La Manufacture appartenait à la famille impériale et cette porcelaine très fine était fort prisée à la cour. Le prestige de la Manufacture impériale est né de la production de luxueux services de table commandés par l’impératrice Catherine II pour son usage personnel.

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Le service «à la russe» séduit l’Europe

La table des aristocrates russes tend à associer les innovations européennes avec les traditions nationales russes, tout en respectant les règles de l’art de la table, les modes de préparation et le service très codifié des plats.

Le point culminant des fêtes, le repas officiel, se distingue par l’incroyable pompe et par la délicatesse des plats. Exemples de menus à la cour de la tsarine : « Fricassée de langues de rossignols. Ragoût de lèvres et d’oreilles de cerfs. Yeux de bœufs en sauce, pour le réveil du matin. Lèvres d'élans à la crème fraiche, cuisses d'ours bouillies, tartes aux pigeons au four ».

La France, en tant qu’arbitre des élégances, a eu un impact important non seulement sur la mode vestimentaire, mais aussi sur le cérémonial et la vie quotidienne de la cour en Russie comme dans d’autres pays. Toutefois, il est à noter que le service « à la française » a été abandonné à partir du XIXe siècle au profit du service « à la russe ».

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Pratiqué depuis le Moyen Âge en France, le service « à la française » consistait à présenter tous les plats en même temps sur la table, les convives se servant ainsi comme bon leur semblait. Le service « à la russe » a été introduit par le prince Alexandre Kourakine, ambassadeur de Russie en France en 1810. Le service « à la russe » revêt la forme d’une succession de plats présentés aux convives assis. Les verres ne sont plus servis à la demande par les serviteurs et rapportés après usage mais sont placés sur la table devant l’assiette. Cette pratique s’est progressivement répandue dans toute l’Europe occidentale.

Une ambiance festive autour d’un Noël russe

L’exposition est aussi l’occasion pour les visiteurs de découvrir une ambiance festive autour d’un Noël russe. Trois sapins sont installés dans le château : un décoré par la galerie Peterhof (Paris), et deux autres par les jeunes artistes Kim Min-hee et Elisa Ghertman. Complétant le tableau, certaines pièces spécialement conçues par Nathalie Harran pour la version russe de l’exposition Histoire en costumes, l’élégance au XVIIIe siècle, et revenant tout juste du château de Kouskovo, sont présentées aux visiteurs dans le château, notamment une reproduction fidèle d’une robe de Marie-Antoinette et une de Madame de Pompadour.

La boutique du château se joint également à cette grande manifestation en proposant aux visiteurs des objets festifs fabriqués en Russie.

Avez-vous déjà eu l'occasion de visiter le château de Kouskovo? Si ce n'est pas le cas, suivez ce lien pour découvrir ce «Versailles moscovite».