Un îlot de culture russe à Bordeaux et dans sa région

Russie-Aquitaine
Il y a 15 ans, les professeurs de russe Igor et Antonina Joukovski ont fondé à Bordeaux l'association Russie-Aquitaine, chargée de réunir les russophiles de la région. Leurs élèves n’ont pas à souffrir à cause de la complexité de la grammaire: chaque leçon est avant tout une véritable immersion dans le monde de la culture russe.

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Ce n’est pas un hasard si, à 76 ans, Jean, ou plutôt Ivan, porte le nom de famille d’un célèbre mécène russe : il est issu de la même lignée que l'illustre Savva Mamontov. Malgré ses racines, il se sent pleinement Français, mais avec une âme russe. Jean parlait russe dans son enfance et sa jeunesse, mais durant les 40 années ayant suivi son mariage avec une Française, il n’a presque plus utilisé la langue de Pouchkine. Ce n’est qu’après son départ à la retraite qu’il a décidé de se la réapproprier. « Pendant un certain temps, j'ai suivi des cours à l'université du temps libre à Bordeaux, mais il y avait beaucoup de grammaire, raconte l'homme. Et puis je suis venu voir M. Joukovski à l’association russe et maintenant je deviens Russe quelques heures par semaine ».

 Igor et Antonina Joukovski

Igor Joukovski, dont parle Jean, est le président de l'association Russie-Aquitaine. Avec son épouse Antonina, il enseigne la langue de Pouchkine depuis une vingtaine d'années, dont 15 dans cette région française qui l’a adopté. Pendant cette période, le couple a réussi à rallier autour de lui des amoureux de la Russie. « Bien sûr, nous enseignons la langue russe et parlons de la culture russe, mais le plus important pour nous est de créer un espace d'amitié », explique Igor.

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Le russe pour les adultes

Les Joukovski enseignaient autrefois le russe aux enfants, mais désormais leur travail se concentre sur un public adulte. Selon Igor, il n'est pas si facile de trouver de bons cours de ce type en France, c'est pourquoi de nombreux Français doivent apprendre la langue par eux-mêmes, en utilisant des matériaux puisés sur Internet. « Bien sûr, les Parisiens sont dans une position privilégiée, à proximité du Centre spirituel et culturel orthodoxe russe du quai Branly et du Centre russe pour la science et la culture. En province, il est plus difficile de trouver des ressources pour organiser de tels endroits », dit-il en montrant les locaux de l'association à Bordeaux - une grande table au milieu, des étagères le long des murs.

Malgré sa taille modeste, l’association est devenue un véritable centre d'attraction pour les Aquitains qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de se mettre au russe. « Pour nous à Bordeaux, c'est une grande chance qu'il y ait cette association pour apprendre le russe avec un professeur russophone et non pas français maîtrisant la langue de Pouchkine, déclare l'un des membres permanents de l'association, François, qui s’est préparé avec les Joukovski à naviguer à bord du voilier-école Shtandart, copie exacte du navire de guerre de Pierre le Grand. Il me semble complètement illusoire de penser apprendre seul une langue aussi complexe et différente ».

« Comme si la vie elle-même me soufflait comment faire »

Le principal secret du succès de l'association russe à Bordeaux réside dans le credo suivi par Igor et Antonina Joukovski. Énergiques et enthousiastes à propos de leur travail, ils se sont fait une règle de baser l'enseignement de la langue non pas sur la présentation sèche des règles de grammaire, mais dans le rapprochement de leurs auditeurs avec la culture russe. « Igor n’est pas uniquement un professeur, c’est également un amoureux d’histoire, d’arts et lettres. Il a toujours quelque chose à partager avec nous », déclare Maxime, un Aquitain qui a repris la langue de Pouchkine pour mieux comprendre la culture de sa femme.

Quant à Igor, quand on l’interroge sur ses méthodes d'enseignement, il esquisse un geste mystérieux : « Comme si la vie elle-même me soufflait comment faire ». Igor partage volontiers avec nous de nombreux cas tirés de sa pratique, lorsque, comme par magie, les leçons de russe dépassaient le cadre de la communication ordinaire enseignant-élève, se transformant en histoires réelles.

L'une d'elles est l'histoire de Jeannette, qui a envoyé à ses professeurs de russe des photographies de voyage de la ville hollandaise de Leyde, dont les murs sont recouverts avec un poème de Maria Tsvetaïeva À mes poèmes, écrits si tôt. « Cela a suscité un grand intérêt parmi le reste des étudiants, nous avons donc consacré une leçon entière à l'œuvre de ce poète. Et, imaginez, ils ont appris que lors de ses pérégrinations elle avait été en vacances en France, non loin de Bordeaux. Nous nous sommes réunis et avons fait une excursion dans ces endroits, toutes les 20 personnes ! », déclare Joukovski.

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Promouvoir la culture russe

Pour partager leur expérience avec ceux qui n'ont pas la chance de pouvoir réaliser des voyages dans des lieux de présence russe en France, l'association a commencé à tourner de petites vidéos et à les mettre en ligne sur Internet. Antonina et Igor Joukovski ont tellement aimé cette idée que, avec des compatriotes d'autres pays, il a créé un projet à grande échelle Langues vivantes / Patrimoine vivant dans le cadre du programme Erasmus+.

Sur sa chaîne YouTube, tout le monde peut découvrir, par exemple, quel sculpteur russe a réalisé le buste de François Mauriac dans le centre de Bordeaux, ou tout connaître sur les églises orthodoxes de Nice. Toutes les vidéos sont doublées en russe, la parole s'écoule à un rythme mesuré et avec une prononciation claire, de sorte que le contenu est facile à comprendre, même pour les débutants. Toutes les informations qu'ils contiennent sont en outre complétées par des textes.

Un autre projet intéressant de promotion de la culture russe auquel ont participé des membres de l'Association Russie-Aquitaine est la création d'un livre audio basé sur l'histoire d'Ivan TourguenievAssia, pour un concours organisé par Rossiyskaya Gazeta. « Bien sûr, beaucoup de nos auditeurs s'intéressent à la littérature russe, mais qui eût cru que quatre Françaises oseraient se lancer dans une telle aventure - lire l'œuvre d'un écrivain russe dans une langue étrangère ! Ils recevront également une lettre de remerciement de Russie pour cela », se souvient Antonina avec un sourire.

Sur une base volontaire

Malgré les succès décrits ci-dessus dans l'enseignement du russe, Igor Joukovski ne s’empresse pas d’affirmer que la langue est simple. « Les gens nous viennent souvent de la rue et nous demandent combien de temps il faudra pour parler. Nous sommes toujours extrêmement honnêtes : c'est une langue difficile et elle n’est pas facile à maîtriser », dit-il.

Igor et Antonina à l'Université de Stirling (Ecosse) avec leurs partenaires, des compatriotes de 6 pays, lors d'un séminaire organisé dans le cadre du programme Erasmus +

Les gens viennent à l'association sur une base volontaire et il est impossible de les garder de force, néanmoins, beaucoup, comme Nadège, reviennent ici pour se replonger dans la culture russe d'année en année. Ancienne danseuse et choriste d'origine russe, elle ne parlait pas la langue de Pouchkine lorsqu'elle était enfant, mais elle a toute sa vie été liée à la patrie de ses ancêtres par des fils culturels qui imprègnent sa vie scénique.

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« En 2017, on m'a proposé de faire les costumes du festival Années folles à Biarritz, dédié à la Russie en l'honneur du 100e anniversaire de la Révolution russe. J'ai dû beaucoup communiquer avec les ressortissants de ce pays et c’était une grande chance qu'un an avant exactement, j'avais commencé à étudier le russe avec les Joukovski », explique Nadège.

Le festival Années folles à Biarritz

Communication internationale

Pour Igor Joukovski et sa femme, l'association a toujours été plus qu'un simple travail. « Notre structure est petite, mais je pense que nous faisons un excellent travail au niveau humain, déclare Igor. C'est parce que la langue est une condition indispensable à toute communication. Tout le monde est égal devant elle, elle réunit des représentants de différentes couches de la société et nationalités ».

Pendant l'épidémie de coronavirus, l'association, au grand dam de tous ses auditeurs, a été contrainte d'arrêter les rencontres en tête à tête et de passer partiellement en ligne. « J'ai hâte de reprendre mes études le plus tôt possible, car j'ai déjà un nouveau voyage en Russie en projet, partage François avec nous. Je serais également très heureux si je pouvais aller chez les Joukovski pendant les vacances scolaires et le week-end, même si je comprends que ce n'est pas encore possible ».

À cet égard, les rêves des étudiants et des enseignants coïncident complètement. Par ailleurs, Igor Joukovski réfléchit également à un autre événement qui pourrait devenir une nouvelle étape dans le développement de l'association. « Nous en avons déjà beaucoup fait, mais nous aimerions également organiser un grand voyage en Russie pour tout le monde, dit-il. J'espère que les frontières seront à nouveau ouvertes ».

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