Par une fraîche matinée de décembre, au cinquième étage de l’Université pédagogique de la ville de Moscou, les uns répètent leur texte, les autres enfilent leur costume, mais tous se pressent vers un même point, la bibliothèque, où ont d’ores et déjà pris place nombre d’entre eux afin d’assister à un Noël anticipé, tradition respectée dans la majorité des établissements russes se consacrant à l’enseignement des langues étrangères.
Deux jeunes filles de troisième année ouvrent alors le bal, annonçant le programme du concours, tout d’abord en russe, puis dans un irréprochable français. C’est ensuite, devant une soixantaine de spectateurs, qu’entre sur cette scène improvisée le premier groupe en compétition, qui entame, sous le regard bienveillant du jury, son interprétation d’un extrait du Dialogue de bêtes, œuvre de la romancière Colette.
Nez peinturlurés de noir en guise de truffes et gants tout aussi sombres en place de pattes de velours, ces comédiens en herbe, à la gestuelle finement travaillée, récitent leurs répliques avec assurance, dans une langue qui leur est pourtant encore peu familière, les participants n’étant qu’en première et deuxième années.
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Les festivités se poursuivent ensuite avec une série de représentations, entrecoupée par des mini-quiz portant sur l’Hexagone et sa culture. « La choucroute est-elle un plat d’Auvergne ? », « Combien existe-t-il de langues régionales en France métropolitaine ? »… Est ainsi interprété avec brio l’indémodable Vive le vent, mis en scène un extrait du Petit Nicolas, présentée la diversité des traditions de Noël dans les pays francophones, et repris avec inventivité le plus célèbre passage du Petit Prince, originalité qui sera d’ailleurs distinguée par le Grand Prix.
Une fois les récompenses distribuées sous forme de chocolats, certificat ou gâteaux, nous voici prenant la direction d’une autre salle abritant le Marché de Noël mis sur pied par les élèves eux-mêmes. On y dresse à la hâte une table que l’on parsème de pâtisseries et mets préparés consciencieusement : muffins, biscuits en forme de sapin ou orné d’un bonhomme de neige, tarte à la cerise… Si l’argent récolté sera ensuite reversé à une association, il s’agit là d’un rassemblement convivial, idéal pour en apprendre plus sur les motivations de ces francophones en devenir.
« De manière générale je suis intéressée par les langues étrangères et le français en est l’une des plus belles. C’est une langue européenne qui est selon moi très demandée et je pense que c’est une bonne possibilité pour des perspectives futures. Je suis profondément immergée dans la culture française, ça a réellement commencé à me plaire, même par rapport à septembre, je m’y suis vraiment plongée », nous partage par exemple Reguina.
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Si certains nourrissent d’ores et déjà la vocation d’embrasser une carrière dans l’enseignement, d’autres cherchent encore leur voie, et se sont tournés vers le français par affinité.
« En réalité je n’ai pas encore réellement déterminé si j’étais prêt à devenir professeur, cela m’intéresse simplement d’étudier de nouvelles langues et le français m’était plus proche que toutes les autres. La connaissance d’une langue n’a jamais été superflue à qui que ce soit, avance à cet égard Igor. En fait, je suis attiré par la culture contemporaine française, par exemple je suis fan des DJ français, notamment Kavinsky ».
De manière générale, l’aspect culturel est omniprésent dans le discours de ces jeunes, qu’il ait primé lors de leur choix d’orientation ou qu’il soit devenu un véritable moteur d’apprentissage dans leur parcours.
« Je me suis mise à écouter beaucoup de musique contemporaine en français, car avant je ne connaissais que Zaz, Joe Dassin, etc », témoigne ainsi Alexandra, tandis que sa camarade Anastasia assure de son côté : « Je souhaite devenir culturologue et la langue française est la langue de la culture, elle sert dans de nombreux musées, théâtres ».
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Excellent moyen de se familiariser avec les traditions de la culture étudiée, les événements de ce type sont, au sein des écoles et universités de Russie, des plus communs. Éléments fédérateurs et inclusifs, canaux d’expression et de participation active au processus d’apprentissage, ils sont en réalité une composante indissociable du système éducatif russe. Confier aux étudiants les rênes de telles manifestations apparaît alors comme un acte responsabilisant, les incitant à donner le meilleur d’eux-mêmes.
« Ces événements sont une tradition née il y a déjà bien longtemps et qui est soutenue par l’État. N’importe quel établissement de l’enseignement supérieur s’occupe non seulement de la formation mais également de l’éducation. Cependant, nous ne le faisons bien entendu pas uniquement et pas tant parce que l’État l’exige, soutient Indira Abdoulmianova, professeur du département de pédagogie. Ces événements permettent de mieux connaître les élèves, de consolider les groupes, de donner à tous la possibilité de se manifester non seulement en tant qu’étudiant, mais aussi en tant que personnalité créatrice. Et puis dans cet établissement les manifestations de ce genre ont un autre avantage : elles permettent aux étudiants de s’essayer dans le rôle d’organisateurs, ce qui leur sera utile dans les écoles où ils iront travailler après l’obtention de leur diplôme ».
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À ce propos enfin, les débouchés de la filière pédagogique pourraient, selon elle, prochainement être amenés à s’élargir sensiblement. En effet, dès 2019, une seconde langue étrangère obligatoire pourrait être intégrée au programme des écoles du pays, ce qui offrirait à la langue française l’opportunité de se démocratiser dans les établissements scolaires et à ces étudiants, au talent de comédien indubitable, celle de voir de nombreuses portes s’ouvrir à eux.
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