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Au milieu du siècle dernier, l’URSS s’est lancée activement dans le développement de la technologie pour l’armement nucléaire. Les scientifiques tentaient alors d’inclure les « atomes » dans tout ce qu’ils pouvaient : missiles, bombes, sous-marins et même avions.
Ainsi, dans les années 1950, Miassichtchev et Tupolev, deux des plus grands constructeurs aéronautiques du pays, ont été chargés de développer un bombardier stratégique à propulsion nucléaire. Cet avion devait devenir l’arme la plus puissante et la plus durable de l’armée soviétique.
Le Tupolev Tu-120
Le Tu-120 était censé devenir le premier bombardier stratégique à propulsion nucléaire du pays. Dans l’idée, l’avion devait pouvoir larguer des bombes sur l’ennemi depuis plusieurs kilomètres d’altitude, où il serait hors d’atteinte des équipements antiaériens des années 1950.
Deux turboréacteurs, équipement qui venait d’être inventé, ont été fixés sur les ailes du Tu-120. Ils étaient alimentés par un réacteur situé à l’arrière de l’appareil, conçu pour être le plus loin possible des pilotes. Ces derniers devaient d’ailleurs rester dans une cabine spéciale destinée à les protéger de la radioactivité du réacteur.
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Le fuselage du Tu-120 avait été imaginé comme celui des avions de basse altitude. De l’extérieur, il devait ressembler au bombardierstratégique soviétique Tupolev Tu-160, surnommé le « cygne blanc », qui est encore utilisé par l’armée russe et qui a récemment fait l’objet de modernisations lui permettant de figurer parmi les meilleurs avions au monde.
Le réacteur nucléaire, les deux turboréacteurs et l’agencement de l’avion devaient lui offrir la possibilité de voler avec une charge de près de cinq tonnes de bombes et missiles.
Malgré ces particularités, les décisionnaires du ministère de la Défense ont décidé de stopper le projet à l’étape de la construction des premiers prototypes. Pour quelles raisons ?
Un abandon du projet justifié
Selon les experts, cet avion avait une myriade de problèmes techniques, ce qui est intolérable dans un secteur aussi dangereux que l’aviation.
« Il faut plusieurs semaines pour préparer un réacteur nucléaire au lancement. Par exemple, avant qu’un sous-marin nucléaire ne prenne la mer, l’équipage effectue de nombreux travaux pour préparer le lancement, stabiliser et contrôler le réacteur. Pour un avion, c’est impossible : c’est un appareil qui doit permettre de réagir rapidement, et qui doit pouvoir décoller 15 minutes après que l’ordre en ait été donné », explique Dmitri Litovkine, rédacteur en chef de la Revue militaire indépendante.
Le second problème technique du Tu-120 est la possibilité d’une panne du propulseur nucléaire en vol.
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« Si un sous-marin nucléaire sombre, il reste au fond de l’eau et ce n’est un danger pour personne. Cependant, si un avion nucléaire s’écrase sur une ville, elle sera alors irradiée dans la même mesure que lors de la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl », continue l’expert.
Selon lui, des sous-marins et des torpilles nucléaires russes et américaines gisent au fond des océans.
C’est notamment le cas du sous-marin K-278 Komsomolets. Il a sombré en 1989 dans la mer de Norvège suite à un incendie, et repose aujourd’hui à 1 680m de profondeur. L’armée n’a aucune intention d’aller le récupérer.
L’expert souligne également qu’aucun projet au monde de bombardier à propulsion nucléaire n’a été jusqu’au bout.
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L’URSS n’est pas la seule à avoir tenté d’utiliser les réacteurs nucléaires dans l’aviation
« Tout comme nous, les Américains ont essayé de construire un bombardier à propulsion nucléaire. Et, tout comme nous, ils ont déchanté en constatant que, tôt ou tard, l’intérieur de la cabine serait irradié et que tous ceux s’y trouvant mourraient inexorablement. Quand l’équipage serait mort, cette “ogive nucléaire” tomberait alors du ciel et ce serait une catastrophe à l’échelle mondiale », continue l’expert.
Selon lui, les États-Unis ont abandonné leur projet au même moment que l’Union soviétique et se sont concentrés sur la fabrication de missiles balistiques intercontinentaux dotés d’ogives nucléaires, relançant ainsi la course à l’armement.
Ils sont ensuite retournés au développement de munitions atomiques « volantes » à la fin des années 2010, lorsque la Russie a montré au monde ses nouvelles prouesses techniques, basées sur la technologie du Tu-120.
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Quelles armes utilisent cette technologie aujourd’hui ?
« La technologie du Tu-120 a servi à la conception du missile Burevestnik. Son principe de fonctionnement est le même que celui de son aïeul. C’est un missile qui peut rester en l’air pendant des années. Il ne bouge que lorsqu’il reçoit l’ordre, depuis la Terre, de frapper ou de rentrer à la base », explique Litovkine.
Aujourd’hui, la Russie développe aussi un engin spatial à propulsion nucléaire, baptisé Bourlak. Selon ses concepteurs, ce vaisseau pourra explorer l’espace intersidéral grâce à son réacteur nucléaire.
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