En images: cet incroyable projet irréalisé de gratte-ciels horizontaux à Moscou

Croquis d'El Lissitzky

Croquis d'El Lissitzky

tehne.com
Fers à repasser célestes, ou Wolkenbügel, sont le nom donné aux huit gratte-ciels horizontaux de l'architecte El Lissitzky qui devaient apparaître dans les années 1920 à des emplacements de choix à Moscou.

Russia Beyond désormais sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Alors que Kasimir Malevitch a fait un pas radical vers l'abstraction et a développé une nouvelle forme de peinture sans objet, le suprématisme, son collègue El Lissitzky a développé les idées de l'avant-garde dans un plan différent, en trois dimensions. Il a introduit le suprématisme dans l'architecture.

Lazar Lissitzky, dit El Lissitzky (1890-1941), autoportrait, 1924

L'ingénieur, architecte et artiste soviétique El Lissitzky était beaucoup plus connu à l'étranger que dans son pays. Ses collègues et amis étaient Le Corbusier, Fernand Léger, Man Ray, László Mohoy-Nagy et d'autres artistes ayant fait bouger la scène artistique internationale. Ce partisan frénétique du suprématisme a eu une grande influence sur les fondateurs du Bauhaus et sur le constructivisme dans toute l'Europe, où Lissitzky a étudié et longtemps vécu.

C’est au début de la Première Guerre mondiale qu’il est retourné en Russie. À partir de ce moment, il a orienté sa créativité vers le « matériau russe ». En 1924, il s'est lancé dans un projet grandiose consistant à construire huit bâtiments identiques à Moscou, les premiers gratte-ciels soviétiques. Le caractère distinctif résidait dans le fait que ces gratte-ciels devaient s'étendre en longueur, et non en hauteur.

Il s’agissait là de la véritable architecture de l'avenir, estimait Lissitzky.  

S'il n'y a pas de place

L'illustrateur et fondateur du studio @ANOVISATE, Konstantin Anokhine, a étudié les dessins de l'architecte et montré à quoi ressembleraient ces structures d'avant-garde aujourd'hui, aux endroits où Lissitzky lui-même avait prévu de les ériger.

Dans sa façon de penser, Lissitzky était un véritable futuriste. Des idées révolutionnaires lui venaient constamment concernant différents domaines de la vie. Il a par exemple prédit la fusion des villes et de l'agriculture, ainsi que l'émergence de sources d'énergie alternatives.

Il pensait en outre que le concept de la maison individuelle devrait appartenir au passé. À sa place, il y aurait des logements mobiles autonomes (des sortes de lieux à usage collectif, dispersés dans la ville ; chaque individu pouvant vivre dans l'un ou l'autre selon les circonstances).

Le projet de gratte-ciel horizontal était l'un de ces « projets d'avenir ». Les gratte-ciels américains « classiques » scandalisaient Lissitzky en tant que concept en soi : « Ce type [d'architecture] s'est développé de manière complètement anarchique, sans se soucier de l'organisation de la ville dans son ensemble. Sa seule préoccupation était de surpasser son voisin en hauteur et en magnificence », écrivait-il en 1926 dans la revue Izvestia Asnova, publié par l'Union créative des architectes rationalistes soviétiques (cela a été le premier et unique numéro du magazine).

Il y a décrit l'essence de son projet. Lissitzky souhaitait mettre en œuvre l'idée d'une ville à deux niveaux : lorsque, à l'aide de supports verticaux, un bâtiment est érigé avec la plus petite empreinte possible au sol, sans endommager l'environnement.

« S'il n'y a pas de place pour des aménagements horizontaux au sol dans une zone donnée, nous soulevons la surface utilisable nécessaire sur des supports [...]. L'objectif est de maximiser la surface utilisable tout en réduisant au minimum le support », a-t-il précisé. 

Les huit bâtiments de verre et de béton prévus sur l'Anneau des boulevards de Moscou étaient destinés à des ministères et départements soviétiques. L'architecte a proposé d'élever ces gratte-ciels à une hauteur de 50 mètres au-dessus du sol. Les supports devaient disposer d'ascenseurs et d'escaliers qui les relieraient directement au métro ou à un arrêt de transport de surface.

Les gratte-ciels, bien que progressistes, n'ont toutefois pas été construits. « Notre erreur, a témoigné Lissitzky, était de vouloir nous lancer dans une technique qui n'existait pas encore – je voulais créer une architecture qui se détache de ses fondations et flotte dans l'air, en surmontant la force de gravité ». En d'autres termes, l'idée était en avance sur son temps.

Parmi les autres projets architecturaux de Lissitzky, l’on peut citer une usine textile, un club de voile, une maison communale, la maison d'édition Pravda, mais le seul réalisé est l'imprimerie Ogoniok, située sur la Première ruelle Samotetchny, à Moscou.

Imprimerie Ogoniok

Néanmoins, Lissitzky est de nos jours connu précisément pour ses gratte-ciels, bien que restés sur le papier.

Dans cet autre article, nous vous expliquions justement pourquoi les Russes construisent de véritables gratte-ciels horizontaux, certains longs de plus d’un kilomètre.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies