Les frères jumeaux de l'industrie automobile soviétique et mondiale

Anton Novoderezhkin/TASS
«Ford soviétique», «Fiat bossue» et «Porsche pour les pauvres» - voici quelques surnoms donnés aux modèles populaires d'usines automobiles soviétiques. Des modèles qui, à bien des égards, ressemblent à leurs homologues occidentaux, les constructeurs d'URSS s'étant souvent inspiré des idées de leurs collègues étrangers. En voici l’histoire.

GAZ-A vs. Ford A

Ils voulaient rattraper et devancer l’Amérique, mais en ce qui concerne l’industrie automobile c’est justement l’aide de cette dernière qu’ils ont demandée. En 1929, l'industrialisation a commencé en URSS et l'une de ses premières étapes a été la conclusion d'un accord avec l'américain Ford Motor Company, qui prévoyait l'achat de droits sur toutes les technologies existantes et les inventions futures pour les dix années à venir. C'est ainsi que la première usine automobile est apparue à Nijni-Novgorod. Les premières Ford assemblées sur place en sont sortis, puis une copie soviétique de la voiture américaine sous le nom de GAZ-A a été lancée. « Si vous regardez de plus près, le logo utilise la même police de caractères que le prototype américain », explique Andreï Zimine, spécialiste du Musée des technologies automobiles, situé non loin de Ekaterinbourg. Ce modèle est devenu la première voiture produite en série en URSS.

GAZ-M1 vs. Ford Model B 40A Fordor Berline

C’est au même endroit, en 1936, qu'a été lancée la production de la voiture principale de la police soviétique, la GAZ-M1. En raison de sa couleur noire, les gens l'ont surnommée le « corbeau ». « La Ford Model B 40A Fordor Sedan a été utilisée comme prototype pour cette voiture, mais sa conception était différente en termes de caractéristiques internes, a déclaré Zimine. La principale caractéristique du jumeau américain était un moteur à huit cylindres. En URSS, un quatre cylindres moins puissant a été installé sur la GAZ-M1, mais la suspension a été considérablement renforcée ». Un fait intéressant : c’est à bord d’un modèle semblable, Ford V8, mais doté d’une carrosserie de type coupé que Bonnie et Clyde fuyaient la police. 

L-1, ZIZ-101 vs. Buick 32-90

Pour la conception des véhicules destinés aux dirigeants du pays, les ingénieurs soviétiques ont également fait appel à l’expérience occidentale. En 1933, un lot expérimental de voitures L-1, une copie de l'américaine Buick 32-90, a été produit à l'usine de Leningrad. Seuls quelques exemplaires ont été assemblés : la production a ensuite été réorientée vers la fabrication de tracteurs et de chars, et les réalisations liées à cette voiture ont été transférées à l’usine Staline de Moscou où, en 1936, la première limousine soviétique ZIS-101 a vu le jour. Ce n’était pas une réplique des autos américaines, mais les ingénieurs ont pris le châssis de la Buick 32-90 comme base et, en travaillant sur le design, se sont orientés sur les modèles américains de l'époque. La carrosserie a dont donc été commandée à l'atelier américain Budd Company. «Ces voitures restaient largement accessibles à la population, raconte M.Zimine.  500 taxis de ce modèle sillonnaient à l’époque les rues de Moscou. Cependant, les ZIS-101 n'ont pas été acceptées dans le garage à usage spécial. On considérait qu’il fallait d’abord tester les véhicules et renforcer la base technique avant de les proposer aux premières personnalités du pays ».

ZIS-110 et ZIZ-115 vs. Packard-120 1941

La ZIS-110 est apparue en 1945 et ressemblait beaucoup à la Packard-120 de 1941, tout en étant un peu plus grande : malgré ce changement d’échelle, la « marque préférée de Staline » copiait l’apparence de la Packard. Ces voitures étaient utilisées non seulement pour les besoins du gouvernement, mais également comme ambulance et même comme minibus desservant la ligne Moscou-Simferopol.

En 1949, a vu le jour la version blindée de la limousine russe qui a reçu le nom de ZIS-115. Le véhicule a été réalisé selon une technologie unique – au lieu de blinder ses différentes partie, les ingénieurs ont mis en place toute une capsule de blindage. Elles étaient fabriquées dans la même usine où pendant la Seconde Guerre mondiale on créait le blindage destiné aux avions d’attaque Il-2. Si le véhicule ressemblait à la version ordinaire, il pesait par contre 4,5 tonnes et l’épaisseur de ses vitres atteignait les 7,5 cm.

ZAZ-965 vs. Fiat-600

Parallèlement à la conception de limousines, les concepteurs soviétiques ont continué à rechercher des solutions pour la production en série. En 1960, on a commencé à produire dans le Zaporojié (actuelle Ukraine) une voiture compacte baptisée Zaporojets. La nouveauté a été surnommée dans le peuple « bossu » en raison de la forme arrondie particulière du toit. La Fiat-600 italienne est considérée comme le prototype du ZAZ-965 et non sans raison : au cours de l’élaboration du modèle soviétique, plusieurs voitures étrangères ont été effectivement achetées et testées.

ZAZ-966 vs. NSU Prinz 4 et Chevrolet Corvair 1959

« Les discussions sur qui copie qui sont sans fin. Mais de telles micro-automobiles sont le reflet de l'esprit de l'époque et d'une certaine mode, affirme Andreï Zimine. Par exemple, la ZAZ-966 et la NSU Prinz 4 d'Allemagne de l'Ouest se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Et ceci malgré le fait qu’elles sont apparues simultanément en 1961. En fait, les deux modèles s’inspiraient de la Chevrolet Corvair de 1959, ce qui explique pourquoi il s’est avéré que chacun d’eux était différent, mais avaient quelque chose en commun ». Ces jumelles de Zaporojets étaient nombreuses en Occident – la Renault Dauphine française, la Hillman Imp britannique, etc.

VAZ-2101 vs. Fiat-124

Dans les années 1960, l'URSS manquait encore de voitures pour les citoyens ordinaires et a donc de nouveau recouru à l’aide des constructeurs étrangers. Un contrat a été conclu avec l'usine italienne Fiat, qui a proposé d'adapter son modèle Fiat-124 à l'URSS. Ainsi est né le modèle VAZ-2101, ou « Jigouli ». Afin de le produire, on a construit et ouvert en 1970 dans le sud de la Russie, à Togliatti, l'usine AvtoVAZ.

« Cette production constituait une marche en avant pour l’industrie automobile nationale, car jamais auparavant un tel nombre de véhicules n’avait été produit en Russie », raconte-t-on au musée. Pendant les années 1970, ce véhicule était considéré comme prestigieux et cher, mais a perdu ce statut vers la fin de la décennie suivante. Qui plus est, il a reçu le surnom humiliant de « kopek » (équivalent du centime pour le rouble).

VAZ-2108 vs. Seat Ibiza et Porsche 924

En 1980, l’usine de Togliatti a collaboré avec Porsche, dont les spécialistes ont amélioré les moteurs et les suspensions, et ont également formulé des recommandations sur la structure de la carrosserie du premier véhicule à hayon soviétique VAZ-2108, ou Lada Samara. La référence était la Porsche 924 ouest-allemande. Cependant, comme dans le cas des Zaporojets, ce sont deux modèles basés sur un même prototype au final se ressemblaient le plus. À cette époque, Porsche collaborait non seulement avec l'URSS, mais aussi avec l'Espagne. Au final, la Seat Ibiza et la Lada Samara affichaient une ressemblance troublante. La voiture soviétique était considérée comme une option peu coûteuse pour la classe moyenne, mais comme des ingénieurs d’une marque de luxe avaient participé à sa création, elle était communément surnommée « Porsche pour les pauvres ».

Dans cette autre publication, nous vous parlons des meilleures voitures des services secrets soviétiques et russes.

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