Scandales à répétition : le délégué russe aux droits des enfants démissionne

Moscou, Russie, le 2 avril 2016. Le délégué aux droits des enfants auprès du président russe Pavel Astakhov lors d'une table ronde sur le thème "A quoi mènent les concours de beauté pour enfants".

Moscou, Russie, le 2 avril 2016. Le délégué aux droits des enfants auprès du président russe Pavel Astakhov lors d'une table ronde sur le thème "A quoi mènent les concours de beauté pour enfants".

Zurab Dzhavahadze/TASS
Pavel Astakhov, délégué aux droits des enfants auprès du président russe a présenté sa démission. Son mandat a été marqué par une multitude de déclarations retentissantes et indélicates, la dernière ayant suscité l’indignation de dizaines de milliers de Russes.

La pétition adressée au président russe et demandant le renvoi du délégué aux droits des enfants, Pavel Astakhov, a été publiée le 24 juin dernier sur le site Change.org. En une semaine, elle a recueilli plus de 150 000 signatures. En cause, l’indignation générale suscitée par une nouvelle déclaration indélicate de l’ombudsman.

Alors qu’il discutait avec des enfants qui avaient survécu à la tragédie qui s’est déroulée sur le lac Siamozero et dans laquelle 14 enfants sont morts noyés lors d’une tempête, le délégué leur a demandé en souriant : « Avez-vous bien nagé ? ».

Le 30 juin au soir, la presse annonçait que Pavel Astakhov quitterait son poste de délégué aux droits des enfants. Des sources proches du Kremlin ont confié au journal RBC que le délégué avait signé une demande de départ en congé, suivie de sa démission. Le lendemain, le délégué a confirmé avoir présenté sa démission « après une conversation sérieuse ». Dmitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine, a confirmé pour sa part que le président avait signé la demande de démission du délégué aux droits des enfants.

Déclarations brutales

Au cours de son mandat entamé en 2009, les déclarations de Pavel Astakhov ont régulièrement défrayé la chronique. Ainsi, en 2015, à propos du mariage, en Tchétchénie, d’une jeune femme de 17 ans avec un directeur de la police âgé de 47 ans, le délégué avait déclaré que c’était normal, car dans le Caucase, les femmes murissent et vieillissent plus vite : « Dans certains endroits, à 27 ans, les femmes sont déjà ridées et ont l’air d’avoir 50 ans ».

De même, en avril 2016, il s’est montré impitoyable avec une jeune fille de 13 ans défigurée par un tigre à Barnaoul (selon les informations d’Astakhov, c’est la jeune fille qui avait excité le tigre) :

 

« Bêtise et hooliganisme ! Le prix Darwin (décerné pour la mort la plus stupide) peut pleurer ! ».

En 2014, concernant l’introduction éventuelle de cours d’éducation sexuelle à l’école, le conservateur Pavel Astakhov avait déclaré : « On me demande quand la Russie introduira-t-elle l’éducation sexuelle. Je réponds – jamais ». Pour l’ombudsman, les enfants doivent tirer toutes les informations relatives à la vie sexuelle de la littérature russe.

Face aux critiques, il a réagi de manière tout à fait univoque : en 2013, il a expliqué que sa démission était réclamée par les pédophiles. Après avoir appris qu’une pétition demandait sa démission sur Change.org, Astakhov a déclaré que celle-ci était signée uniquement par des bots et des Ukrainiens, ce que l’administration du site a démenti.

Défenseur de la « loi des scélérats »

Pavel Astakhov est en outre l’un des partisans les plus véhéments de la loi « Dima Iakovlev », adoptée par la Douma en décembre 2012, interdisant aux citoyens américains d’adopter des enfants russes. La loi porte le nom d’un petit garçon adopté par un couple d’Américains et décédé à cause de la négligence de son père adoptif.

L’opposition avait vivement réagi à cette loi « Dima Iakovlev », la surnommant « loi des scélérats ». Pour ses détracteurs, le projet de la Douma frappait les enfants orphelins qui perdaient ainsi leur chance de trouver une famille, fût-elle étrangère. Pavel Astakhov avait soutenu la loi et expliqué qu’il s’opposait à l’adoption par tous les étrangers, tout simplement. « Cela humilie notre pays et le met au même niveau que les pays du tiers monde », a affirmé l’ombudsman, déclarant que cette loi aurait dû être adoptée depuis bien longtemps.

Les raisons du départ

Même si le départ de Pavel Astakhov n’a pas été confirmé officiellement, l’analyste politique et professeur de l’Institut d'État des relations internationales de Moscou, Valeri Soloveï, est convaincu que sa démission sera acceptée : « Astakhov irrite singulièrement l’opinion publique [à cause de ses déclarations]. A l’approche des élections, le parti au pouvoir Russie Unie ayant une cote très faible, cela n’arrange pas les autorités et elles vont se débarrasser de tous ceux qui les tirent vers le bas. Astakhov est un candidat idéal. »

Selon l’expert, personne ne pourra prendre la défense de l’ombudsman : « Il n’a pas beaucoup de connexions au Kremlin, c’est un personnage, en réalité, peu influent, même s’il est très visible ». Valeri Soloveï estime que le pouvoir repousse le départ de Pavel Astakhov à l’automne pour que l’indignation autour de lui retombe et que le départ du délégué ne soit pas perçu comme une concession évidente faite à l’opinion publique.

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