Le 18 juin, quarante-sept adolescents venus passer leurs vacances dans la colonie Parc-hôtel Siamozero, sont partis en promenade sur un lac en Carélie (à quelque 700 kilomètres au nord-ouest de Moscou). Ils ont embarqué à bord de deux canots et d’un radeau en compagnie de quatre adultes.
Une tempête soudaine a renversé les embarcations et tous les adolescents se sont retrouvés dans l’eau. L’aide n’est arrivée que le lendemain : l’une des fillettes a réussi à gagner la rive et, après avoir repris connaissance, a marché jusqu’à un camping dont la direction a appelé les services de secours. Quatorze adolescents se sont noyés ou sont morts par hypothermie dans les eaux, glaciales même en été. Une journée de deuil a été décrétée à Moscou et en Carélie.
Le Comité d’enquête de Russie estime que la responsabilité pour cette tragédie incombe au personnel de la colonie de vacances. L’agence TASS cite le porte-parole du Comité, Vladimir Markine : « Les enfants ont proposé de remettre cette promenade à plus tard après avoir entendu parler d’un avis de tempête, mais les moniteurs ont insisté ».
Lydia Mikhaïlova, chef adjointe du département de l’information du ministère des Situations d’urgence, a confirmé à RBTH qu’un avis de tempête avait été diffusé en Carélie la veille du drame (le 17 juin). « Si le personnel de la colonie n’a pas reçu cet avis, c’est qu’il y avait des problèmes au niveau de la communication, a-t-elle dit. Cela relève alors de la direction qui se doit de garantir la coordination avec le monde extérieur ».
Crédit : Ilya Timin / RIA Novosti
Le Comité d’enquête a intenté des poursuites pénales. La directrice, son adjoint et trois moniteurs ont été mis en examen. Ce scandale est le plus grand, mais est loin d’être unique sur le lac Siamozero.
A en juger d’après les avis laissés sur Internet par les parents dont les enfants ont séjourné dans cette colonie, la direction détournait des fonds, tandis que les enfants se plaignaient de mauvais traitements et affirmaient habiter non pas dans des bâtiments tout confort, mais dans de vieilles tentes.
La colonie a également vécu un crime : en 2011, le directeur adjoint a tué un gardien, son compagnon de beuverie.
Malgré ces scandales, la colonie continuait de fonctionner. Qui plus est, elle coopérait avec la mairie de Moscou : selon un contrat signé avec le département du travail et de la protection sociale, la mairie finançait le séjour dans cette colonie pour les orphelins et les enfants de familles défavorisées. Le contrat pour 2016 se montait à 45,3 millions de roubles (plus de 623 000 euros).
Dmitri Chparo, fondateur du réseau de colonies Grande aventure, a indiqué à RBTH que de nombreux établissements remportaient des contrats d’organisation de vacances grâce à des prix très bas. « Nous assistons à une sorte de dumping. Les organisateurs malhonnêtes s’intéressent peu aux vacances des enfants et se focalisent sur les avantages à tirer du contrat, en faisant notamment des économies sur les animateurs et leur formation. Une telle approche risquait dès le début de déboucher sur un drame et c’est ce qui est malheureusement arrivé », a-t-il expliqué.
Toujours d’après Dmitri Chapiro, les organisateurs de vacances de ce genre sont très nombreux en Russie. Pourtant, la situation pourrait s’améliorer suite au drame de Carélie. « Réaliser des économies sur les enfants, sur leur santé et leur sécurité, est un crime. Il se peut que le gouvernement y réfléchisse maintenant, mais c’est horrible qu’il ait fallu vivre une telle expérience », a-t-il souligné.
Selon le post d’une étudiante du collège pédagogique de Petrozavodsk (chef-lieu de la Carélie), la colonie de Siamozero avait recours au travail peu qualifié d’étudiants. « Nous devions faire des stages dans cette colonie sous menace d’être renvoyés du collège, a écrit Ksénia Lis. Or, nous ne savons pas manœuvrer un canot, nous n’avons pas de formation de vie et de survie dans la nature ». Néanmoins, les responsables de la colonie contraignaient les jeunes à travailler en qualité de moniteurs. Ksénia Lis affirme que les adolescents étaient accompagnés par des étudiants le jour du drame.
Ce n’est pas un cas isolé, estime Lioudmila Ilina, rédactrice de la revue Messager de vacances et de tourisme pour enfants et adolescents.« Il arrive que la garde des enfants soit confiée à des personnes sans formation, ce qui est très dangereux. Ce n’est pas obligatoirement un acte de malveillance, mais il se trouve toujours quelqu’un estimant avoir les qualités requises, bien que ce ne soit pas le cas ».
Lioudmila Ilina fonde de grands espoirs sur l’éventuelle adoption d’un projet de loi qui obligera les moniteurs (s’occupant notamment d’enfants) à repasser leur certificat de qualification. « Cela permettra d’exclure les amateurs qui se sont retrouvés dans le secteur du tourisme par hasard », a-t-elle fait remarquer.
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