Un retraité dans une librairie.
Ramil Sitdikov/RIA NovostiL’âge de départ à la retraite en Russie est le plus bas d’Europe : 55 ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes. Ces indicateurs restent inchangés depuis l’époque soviétique, alors que la situation démographique a considérablement évolué depuis.
« Comment ça marche ? Chaque personne physique verse 13% de son salaire officiel à l’administration fiscale. Les employeurs doivent également verser des cotisations pour ceux qu’ils embauchent officiellement. Il s’agit de contributions à la caisse de retraite, au fonds d’assurance sociale et au fonds d’assurance médicale. Tout cet argent est ensuite utilisé pour payer les pensions de retraite », explique Maria Semenova, juriste spécialisée dans les questions de retraite.
« Si le nombre de retraités est supérieur à celui des actifs, nous avons un déficit. L’État n’a pas le droit de ne pas verser les retraites, mais le montant de ces dernières n’est pas indexé sur l’inflation réelle », précise-t-elle. « Dans cette situation, relever l’âge de départ à la retraite pourrait être une alternative ».
Les initiatives de l’État sont vues d’un mauvais œil au sein de la population. Étant donné que la pension de retraite moyenne des salariés s’élève à 11 000 roubles (156 euros), le départ à la retraite est rarement volontaire et souvent motivé par des problèmes de santé.
Par ailleurs, selon les statistiques officielles, 36% des retraités continuent à travailler. Les pensions de retraite constituent pour eux un revenu supplémentaire. « Après leur départ à la retraite, de nombreux Russes continuent à aider leurs enfants et petits-enfants, mais aussi leurs parents, retraités également », assure Mme Semenova.
Pas pressés de partir à la retraite
Olga Astafieva a 57 ans. Médecin généraliste, elle a pris sa retraite à l’âge de 50 ans après avoir travaillé 28 ans au cosmodrome de Plessetsk, dans le nord de la Russie. « J’ai eu droit à une retraite de 6 000 roubles (85 euros). Évidemment, j’ai dû continuer à travailler. En 7 ans, ma retraite est passée à 14 000 roubles (200 euros) », raconte Olga.
Olga Vassilievna s’est installée dans le nord avec son époux, médecin militaire, dès la fin de ses études, après avoir fait une demande ad hoc. Tout comme la plupart des retraités en Russie, Olga ne se considère pas comme une personne âgée. « Mon âme est jeune », rit-elle. Actuellement, elle aide ses deux enfants et sa mère handicapée.
Son avis sur la réforme des retraites est négatif : « Mon salaire officiel est de 10 000 roubles (142 euros). Je suis un médecin qualifié. Si je ne perçois plus ma retraite, je n’aurai pas assez d’argent pour me nourrir et acheter mes médicaments. Si on m’interdit de travailler, la situation sera la même ».
Vera Vassilieva, députée à l’assemblée municipale de Novoguireevo, un quartier de l’est de Moscou, est également retraitée. Elle assure comprendre la nécessité objective de ces réformes. « Mais la vie montre que relever l’âge de la retraite à 63-65 ans serait trop brutal. Dans les pays développés, les conditions de travail ne sont pas les mêmes que chez nous. L’espérance de vie moyenne est faible en Russie », souligne-t-elle. Vera estime qu’un relèvement brutal de l’âge de départ à la retraite pourrait engendrer de nombreux problèmes d’ordre social, notamment liés à la disponibilité de postes pour les jeunes cadres.
Éternellement jeunes
La société russe tend à penser qu’après leur départ à la retraite, les personnes âgées « disparaissent » de la vie publique. Pourtant, les retraités russes constituent la part la plus active de l’électorat. Alexeï Levinson, sociologue et professeur de l’École des hautes études en sciences économiques, estime que les retraités russes affichent une intense activité civique et politique, plutôt caractéristique des étudiants dans d’autres pays. L’expert souligne dans sa publication que cela s’explique principalement par la dépendance matérielle des retraités vis-à-vis de l’État.
Les retraités russes ont gardé leurs habitudes du passé, explique l’historien et ethnographe Vladimir Eletskikh. « À l’époque soviétique, on pouvait rejoindre le Comité central du PC et le Politburo à la fin de sa vie, les retraités lisaient beaucoup les journaux et débattaient des rapports des Congrès. La position civile active des personnes âgées en Russie n’a pas beaucoup changé à ce jour », explique-t-il. Vladimir Eletskikh estime que c’est ce besoin « ancré » de participer à la vie politique et publique du pays qui distingue le retraité russe.
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