Qui vit réellement au Kremlin?

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EKATERINA SINELCHTCHIKOVA
Sous les tsars et les bolcheviks, il y avait une sorte de mini quartier résidentiel dans l’enceinte du Kremlin. Qu’en est-il aujourd’hui?

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Jusqu’au milieu du XXe siècle, l’ancienne forteresse moscovite et résidence des tsars ne contenait pas que des bâtiments d’État, des églises et des musées. Sous la monarchie, peu d’espace était alloué à la cour tsariste : la majeure partie du Kremlin était occupée par des rues animées où se trouvaient des manoirs privés de boyards notables, des ateliers d’artisans, ou encore des institutions ecclésiastiques... En somme, un paysage urbain classique.

Sous les bolcheviks, les choses sont restées les mêmes jusqu’au milieu des années 1960. Officiellement, pour les habitants du Kremlin, rien n’avait changé et ils vivaient de la même manière qu’auparavant. Vladimir Lénine fut l’un des premiers à y emménager après la révolution, bientôt suivi par les fonctionnaires et leurs familles. Tous ceux qui y vivaient mais qui n’avaient aucun lien avec le pouvoir soviétique ont été expulsés, et d’autres ont pris leur place. Le révolutionnaire Léon Trotski écrivait : « Au Kremlin, comme dans tout Moscou, on se battait pour obtenir un appartement, car il n’y en avait pas assez ». Au final, plus de 2 000 personnes se sont installées dans la forteresse.

C’est Nikita Khrouchtchev, en 1955, qui a sonné la fin des habitations au Kremlin, en promulguant l’interdiction d’y vivre. Les derniers habitants en sont partis en 1961, et depuis cette date il n’y a plus d’appartements résidentiels dans son enceinte. Toutefois, est-ce que cela signifie forcément que le Kremlin est inhabité aujourd’hui ? 

Le « corps numéro un », régiment présidentiel

La caserne du régiment se trouve dans le bâtiment historique de l’arsenal du Kremlin. Il s’agit d’une unité militaire unique en son genre, qui a pour mission de garantir la sécurité du chef de l’État et des objets de valeur de la citadelle. Ses soldats assurent la garde d’honneur autour de la tombe du Soldat inconnu et du mausolée de Lénine, et prennent part à toutes les cérémonies solennelles. Ils sont en quelque sorte la « carte de visite » du Kremlin, et se doivent donc d’avoir une apparence irréprochable. Ainsi, la seule préparation de leurs chaussures pour la garde d’honneur contient sept étapes et se déroule sur près d'une journée.

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Ces soldats vivent et s’entraînent dans la forteresse. Ils se lèvent à 6h00 du matin, puis se rendent au rassemblement avant d’aller à l’entraînement. « On fait des exercices d’entraînement, on court deux kilomètres. Au Kremlin, il y a un espace dédié aux entraînements », racontait le soldat Nikolaï Tarov. Ensuite, c’est l’école militaire ou bien le sport. Ce n’est qu’après 18h00 qu’ils ont du temps libre. Leur journée se termine par une promenade nocturne, pendant laquelle ils doivent toutefois marcher au pas. Enfin, extinction des feux à 22h00.

Ils n’ont pas le droit de quitter le Kremlin avant d’y avoir servi quatre mois, et ne le peuvent que si leurs états de service sont irréprochables. Ils peuvent posséder un téléphone portable si celui-ci ne peut ni accéder à Internet, ni prendre des photos. Ils ont le droit de fumer dans un lieu dédié, mais consommer de l’alcool est formellement interdit.

On ne sait pas combien de soldats composent cette unité : il s’agit d’un secret militaire. On considère souvent que le régiment présidentiel est composé des meilleurs talents de divers services et unités du Service de protection des hautes personnalités (FSO). Ils sont notamment chargés de la protection du président et des hauts fonctionnaires.

Phil le hibou et une dizaine d’autours

Le Kremlin abrite cependant d’autres gardiens. Il s’agit de Phil, un hibou, et d’une dizaine d’autours. Ces oiseaux de chasse dressés protègent également le patrimoine culturel du Kremlin, mais d’une menace différente : les corbeaux, qui vivent sur la colline Borovitski depuis la nuit des temps.

Le Kremlin et ces oiseaux sont en guerre depuis bien longtemps. Avant, ils n’étaient pas appréciés à cause de la croyance populaire qui dit que si les corbeaux tournoient autour du Kremlin, la guerre et la famine s’abattront sur le pays. Plus tard, des raisons plus pratiques ont poussé les occupants de la forteresse à les haïr : les corbeaux étaient attirés par les feuilles d’or recouvrant les dômes des cathédrales et les arrachaient.

L’on a alors testé plusieurs méthodes pour éloigner les volatiles. Sous Lénine, les gardes leur tiraient dessus, mais le bruit empêchait le chef de l’État de travailler. Ils sont ensuite passés à une méthode moins sanglante et ont tenté de les faire partir en diffusant des sons agressifs à un volume très élevé. Cette méthode n’a pas fonctionné non plus. En 1973, un service ornithologique a finalement ouvert au Kremlin, et l’on y a installé des faucons. Ce n’était toutefois pas le meilleur choix, et ces oiseaux ont été remplacés par des autours, auxquels s’est ensuite joint un hibou grand-duc. « Le hibou grand-duc est l’ennemi naturel du corbeau. Il vole quelle que soit la météo, 24h sur 24, et tourne lentement au-dessus de la nuée de corbeaux avant de fondre dessus et d’attraper tout ce qu’il peut », raconte-t-on au FSO.

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Les oiseaux du Kremlin vivent dans le jardin Taïnitski (en russe, « jardin du passage secret »). Leur rôle n’est pas de tuer les corbeaux, mais de les effrayer pour qu’ils ne s’approchent pas. Pour l’instant, cela fonctionne : d’après les employés du Kremlin, les corbeaux ne volent plus au-dessus de la forteresse.

Au fait : le président ne vit pas au Kremlin.

Bien que le Kremlin soit la résidence officielle des présidents de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine n’y habite pas. Seuls son bureau et le cabinet où il donne ses conférences se trouvent dans le bâtiment historique du Sénat, construit sur ordre de Catherine II.

Poutine loge à Novo-Ogariovo, un manoir du XIXe siècle dans la région de Moscou, d’où il travaille parfois. Dans cet article, nous vous présentons sept autres résidences mises à la disposition du président russe.

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