Les Russes dormaient-ils vraiment sur leurs poêles?

Dans une izba, 1927

Dans une izba, 1927

Boris Ignatovitch/MAMM/MDF/russiainphoto.ru
La couche le plus prestigieuse de la maison n'était pas un lit du tout, et se trouvait sous le plafond.

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Il est difficile d'imaginer quelque chose de plus sacré dans le foyer d'un paysan russe qu'un poêle. Ce four massif, parfois de la taille de la moitié de la maison, appelé « petch » (печь), était, en soi, une maison dans la maison. Il servait à cuire les aliments, à chauffer la maison, à ranger les ustensiles, à sécher les vêtements, à accoucher et à mourir et, dans certaines régions, même à se laver – et bien sûr, il était utilisé pour dormir.

Le poêle était en effet le « lit » familial le plus luxueux et tous les membres de la famille n'y avaient pas accès.

Où dormait-on exactement ?

Dans une izba, 1990

Dormir sur le poêle n’est pas une pratique survenue tout de suite. Au début, du VIIIe au XIIIe siècles, cet équipement ne comportait pas de conduit de fumée, et cette dernière s’échappait par les portes et les petites fenêtres dans les murs sous le plafond. Cependant, au tournant des XVe et XVIe siècles, avec l'apparition des briques réfractaires, les poêles ont été dotés de cheminées – et avec elles d’une nouvelle fonction.

L'ensemble de la construction du poêle russe répond à un objectif commun : consommer la chaleur de la manière la plus efficace et de toutes les façons possibles. C'est en grande partie ainsi que les hivers longs et froids, pour lesquels la Russie est si réputée, pouvaient être survécus : même durant les pires gelées, le poêle pouvait maintenir la chaleur dans l’izba avec un seul allume-feu pendant une journée entière. Les parois du four ont une épaisseur de 25 à 40 centimètres, ce qui crée une bonne accumulation de chaleur, et celle-ci est distribuée uniformément. Lorsque le poêle est chauffé pendant la journée, il demeure par conséquent chaud la nuit.

Dans la région de Nijni Novgorod, en 1996

L'endroit où la couche était aménagée est appelé « perekrychka » (« перекрышка », chevauchement, recouvrement). Il s’agit de la couche supérieure de briques, sous le plafond, où toute la chaleur s’en allait. Cet endroit était recouvert d'un tissu épais et grossier et de couvertures pour faire un lit. Le plus souvent, une personne pouvait même s'y asseoir, car la distance au plafond le permettait. En hiver, un feu régulier dans le poêle pouvait maintenir la température au-dessus autour de +25-27°С.

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Qui était autorisé à dormir sur le poêle ?

Fillettes près du poêle, en 1928

Cependant, dormir sur la « perekrychka », l'endroit le plus chaud et le plus confortable, était un privilège. Elle ne pouvait tout simplement pas accueillir tout le monde : une famille paysanne typique comptait de nombreux enfants. Les couches les plus grandes pouvaient accueillir cinq ou six personnes, mais le plus souvent, un poêle standard en accueillait seulement deux.

Souvent, cette place était attribuée au membre le plus respecté ou le plus âgé de la famille, le chef de famille masculin ou un aîné. On plaçait aussi traditionnellement les malades sur le poêle, auquel on attribuait des propriétés curatives. Les bébés nés prématurément étaient également installés dessus.

Poêle russe stylisé à l'ancienne

Tous les autres membres de la famille ne montaient sur le poêle que sur autorisation, et dormaient sur des « polati », des étagères spéciales entre le poêle et le mur. Les polati, souvent à deux étages, étaient également un endroit chaud, bien que moins confortable que la perekrychka privilégiée. 

Les Russes dorment-ils encore sur des poêles ?

Les poêles russes étaient onéreux et plutôt complexes. Dès qu'une alternative plus simple et plus compacte a été disponible, ils ont donc commencé à être relégués au passé. Ce processus a commencé au milieu du XIXe siècle, lorsque des poêles hollandais en brique plus compacts ont fait leur entrée dans les foyers du pays. Il n'était plus possible de dormir dessus, mais ils étaient plus faciles à utiliser.

L’on peut toutefois encore voir d'anciens poêles russes dans des villages où ils ont survécu. De plus, certaines personnes, quoique très rarement, font encore aujourd'hui l’acquisition d’un poêle russe pour leur maison – dans une interprétation moderne ou stylisée dans un design ancien.

Le prix moyen de cet équipement reste aussi élevé que par le passé – un petit modèle classique coûtera 80-210 000 roubles (918 – 2 410 euros), et le prix des versions complexes, avec une cheminée et des escaliers, peut aller jusqu'à 700 000 roubles (8 034 euros). Et sur certains d’entre eux, l’on dort encore effectivement de nos jours...

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