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Au milieu d'un petit cimetière, se tient un cercueil sans couvercle, rembourré de tissu bordeaux, et renfermant le corps d'une vieille femme. Un par un, des gens s'en approchent des bouquets à la main, essuient les larmes qui coulent et déposent les fleurs sur la défunte.
« Aujourd'hui, nous enterrons notre grand-mère, ma maman », déclare Anna Kolesnikova, habitante de Volgograd, en filmant tout ce qui se passe.
« Maman, ne filme pas », s’est indignée sa fille en essayant de lui enlever la caméra, mais Anna a continué de filmer tout le processus de l'enterrement et a mis la vidéo sur YouTube. En quelques années depuis 2016, elle a recueilli environ 140 000 vues, et pas un seul commentaire positif – les spectateurs ont été scandalisés par le tournage ouvert d'un processus plutôt intime. Néanmoins, c'est grâce à cette vidéo que vous pouvez voir exactement comment se déroule la scène principale d'un enterrement en Russie.
En règle générale, les funérailles ont lieu le troisième jour à compter de la date du décès d'une personne. Le matin du jour fixé, un corbillard arrive à la maison des proches du défunt. Ces derniers se rendent alors à la morgue, où ils récupèrent le corps, et vont ensuite avec le cercueil à l'église, le plus souvent celle d’un cimetière, pour l’office mortuaire. Pendant celui-ci, le prêtre accompagne en prières le défunt dans l'autre monde, en demandant à Dieu de lui pardonner tous ses péchés et de lui accorder le repos dans le Royaume des Cieux.
En outre, avant même le baptême de la Russie (en l’an 988), on utilisait les services de pleureuses, ou, comme on les appelait en Russie, « voplenitsas » – des femmes qui, lors des funérailles, lisaient et chantaient des vers funéraires sur la mort d'un être cher. Aujourd'hui, il n'y a presque plus de pleureuses en Russie, mais l'anthropologue Svetlana Adonieva a noté que cette pratique subsistaient toujours en certains endroits.
Pendant ou après la prière, les proches embrassent le défunt sur le front, déposent des fleurs dans le cercueil (en nombre pair) et font leurs adieux au disparu – lui demandant pardon et demandant à Dieu de lui accorder le repos dans l'autre monde. Après cela, les fleurs sont retirées du cercueil – les traditions russes n'acceptent pas d'enterrer une personne avec des fleurs fraîches, et l’on y place donc parfois des fleurs artificielles.
Puis, le corbillard avec le cercueil fermé se rend au cimetière. Les employés de ce dernier apportent le cercueil près de la tombe, suivis par les proches – selon un présage russe, celui qui marche devant le cercueil se condamne à la maladie et au malheur.
Les pompes funèbres descendent le cercueil dans la tombe creusée. Sur le cercueil, les proches jettent des fleurs et parfois de petites pièces de monnaie – pour que la personne dans l'autre monde puisse vivre richement.
On peut encore trouver des branches de sapin près de certaines maisons où une personne est récemment décédée, moins souvent des branches sont éparpillées sur le chemin vers la tombe. Elles sont dispersées selon une vieille tradition russe, qui a diverses explications. Par exemple, dans la région de Smolensk, ils le font pour « indiquer au défunt le chemin sur lequel il rentrera à pied pendant quarante jours », écrit Svetlana Tolstaïa, chef du département d'ethnolinguistique et de folklore de l'Institut d'études slaves de l'Académie des sciences de Russie, dans son livre Représentation du monde dans le texte et le rituel.
Dans la région de Vladimir, au contraire, des branches étaient posées de la maison au cimetière pour que le défunt trouve le chemin de l'autre monde et ne retourne pas dans celui des vivants.
Les proches se rendent chaque année sur la tombe du défunt, généralement à Pâques. Selon la tradition, ils nettoient la tombe et y apportent également des friandises, des œufs peints ou un verre de vodka.
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Après les funérailles, les amis et les parents partagent un repas funèbre, un déjeuner russe traditionnel à la mémoire du défunt. Ces repas ont lieu au domicile du défunt ou dans des cafés commémoratifs spéciaux, qui sont présents dans presque toutes les villes de Russie.
Alors, les invités pleurent le défunt, expriment leur soutien aux proches et partagent de bons souvenirs au sujet de la personne décédée.
En Russie, il est d'usage d'organiser un repas mortuaire trois fois – le jour des funérailles, et les neuvième et quarantième jours après. On croit que le troisième jour après la mort, l'âme rencontre Dieu, et pendant six jours, lui est présenté le paradis. Le neuvième jour, l'âme rencontre à nouveau Dieu, après quoi on lui montre pendant 31 jours l'enfer avec des pécheurs en souffrance. Le quarantième jour, l'âme monte à nouveau pour adorer Dieu, où elle est soumise à une épreuve au cours de laquelle Dieu décide où envoyer l'âme – au paradis ou en enfer. C'est pourquoi, ces deux jours-ci, il est de coutume de prier et de se souvenir des défunts afin de les soutenir dans toute rencontre avec Dieu.
Lors des deuxième et troisième repas funèbres, les proches du défunt demandent dans l'église un office funéraire au prêtre. En outre, lors du premier repas, ils mettent la photo du défunt devant la table, et à côté, un morceau de pain noir et un verre de vodka. Ces trois éléments doivent être conservés jusqu'à la fin du 40e jour après la mort afin que le défunt puisse avoir de la nourriture jusqu'à son départ définitif pour l'autre monde.
Les proches choisissent eux-mêmes le menu du repas, mais dans la version traditionnelle russe, les plats suivants sont obligatoires :
La koutia – une bouillie de riz avec des raisins secs et des fruits secs ;
Les crêpes, souvent sans garniture, mais parfois servies avec du poisson, de la crème aigre ou du caviar ;
Le chtchi – soupe au chou, mais parfois remplacée par du borchtch, à la betterave ;
Les tourtes – soit des pirojki avec des fruits secs ou du chou, soit de grandes tourtes avec de la viande, des pommes de terre, des champignons et autres farces.
En entrée, l’on sert des légumes coupés en tranches épaisses – concombres, tomates, radis avec oignon, persil et autre verdure.
Quant aux boissons, il est habituel de boire du kissel – une boisson épaisse à base de baies sucrées ou de fruits avec de l'amidon ajouté. Les prêtres de l'Église orthodoxe russe n'approuvent pas la présence d'alcool lors du repas funèbre, mais les personnes en deuil boivent tout de même du vin ou de la vodka. Parfois, sous l'influence de l'alcool, certains invités peuvent se mettre à rire ou à danser, ce qui est peu décent, c'est pourquoi l’on tente de limiter la quantité d'alcool.
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« Ma mère venait de mourir, j'ai appelé une ambulance, et 15 minutes plus tard, des inconnus sont venus me voir, se présentant comme des employés de pompes funèbres. Ils ont dit : "Nous venons chercher le défunt". Je leur réponds : "Vous êtes malade ? L'ambulance et la morgue ne sont pas encore arrivées !". Je les ai limite chassés », c'est ainsi qu'Olga Kozlova, 59 ans, résidente de la région de Moscou, se souvient du jour du décès de sa mère.
En Russie, ces agents funéraires sont qualifiés de « gris » ou « noirs » – ils corrompent les ambulanciers et les policiers pour qu'ils signalent rapidement les morts, et viennent chez leurs proches pour leur offrir des services d'enterrement à des prix gonflés. Selon Secretmag, la part de ces agents dans le secteur funéraire russe est de 20%.
Le marché russe des funérailles est estimé à 64 milliards de roubles par an (727,56 millions d’euros). La plupart des Russes (79%) dépensent entre 20 et 100 000 roubles (227 à 1 137 euros) pour des funérailles. Les obsèques d'un montant supérieur peuvent être payées par 8% de la population, selon une enquête de l'Institut d'opinion publique Anketolog réalisée en 2019.
La conservation du corps à la morgue pendant sept jours au maximum, ainsi que la toilette, l'habillage et le placement du défunt dans un cercueil sont gratuits.
L’embaumement du corps, le maquillage post-mortem et le costume rituel pour le défunt coûtent entre 10 000 à 20 000 roubles (114 à 227 euros).
Le cercueil le moins cher revient quant à lui à 3 000 roubles (34 euros), tandis que le coût des cercueils standards s’élève à entre 10 000 à 20 000 roubles (114 à 227 euros).
Pour un corbillard à Moscou effectuant le trajet entre la morgue et le cimetière, il faut compter à partir de 5 000 roubles (57 euros). Le plus souvent, il s’agit de simples fourgons, mais aux pompes funèbres, il est possible de commander par exemple une Mercedes classe S, qui coûtera à partir de 20 000 roubles (227 euros).
L’office mortuaire (dans les églises de Moscou) revient à entre 2 000 et 7 000 roubles (23 – 80 euros), tandis que pour cette cérémonie à l’église d’un cimetière ou au crématorium il faudra débourser environ 4 000 roubles (45 euros).
Le creusement de la tombe et le service d'enterrement du cercueil (à Moscou) revient enfin de 9 000 à 15 000 roubles (102 à 170 dollars).
La dépense la plus coûteuse pour enterrer une personne est sans doute d’emplacement dans un cimetière. Les Russes y achètent souvent à l'avance des parcelles, ou enterrent la personne dans la même que d’autres proches défunts. Si un parent décédé n'a personne avec qui l'enterrer, les administrations des cimetières ouverts doivent délivrer des lieux de sépulture gratuits, mais les employés s’adonnent souvent à du chantage – par exemple, à Nijni Novgorod, les parents d’un défunt se sont vu proposer de payer de 20 000 à 100 000 roubles (227 à 1 137 euros) pour trouver un lieu plus approprié. En règle générale, cela signifie non loin de l'entrée du cimetière, près des tombes des proches, ou dans un endroit sec où la tombe ne sera pas inondée par les eaux souterraines.
À Moscou, il est possible de participer à des ventes aux enchères pour l'achat de parcelles, mais elles ne sont pas non plus bon marché – à partir de 200 000 roubles (2 274 euros). Des inconnus vendent également des parcelles directement sur les sites d'annonces, à des prix allant de quelques dizaines de milliers de roubles à plusieurs millions.
L'incinération et l'enterrement ultérieur coûtent beaucoup moins cher – de 15 000 à 20 000 roubles (170 à 227 euros), y compris l’inhumation d'une urne avec les cendres du défunt sur une parcelle d'enterrement. Néanmoins, dans 89% des cas, les Russes choisissent l'enterrement du corps dans une tombe, comme le veut la tradition établie.
Si un chômeur, un retraité sans emploi ou un enfant mort-né décède, l'État rembourse une partie des frais d'obsèques – jusqu'à 18 400 roubles (209 euros) à Moscou.
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