Cette Russe a perdu ses cheveux à l’âge de 7 ans… et ne veut plus le cacher

Lifestyle
VICTORIA RYABIKOVA
«Être chauve, et alors? Ce n’est tout de même pas un handicap…», direz-vous. Et pourtant, certaines femmes confrontées à ce problème font face à un véritable calvaire.

Une jeune fille de 15 ans avec une longue chevelure châtain entre dans les eaux tièdes de la mer Noire. Brusquement, le soleil se cache derrière les nuages et le temps commence à changer. Se trouvant déjà assez loin de la côte, elle comprend qu’elle a commis une erreur : les vagues se font plus fortes et commencent à la recouvrir, remplissant sa bouche et ses yeux d’eau salée.

Pour regagner rapidement la plage, elle doit nager en se servant de ses deux mains, mais elle ne peut pas le faire : elle tient sa perruque.

« La mer pouvait m’emporter et m’écraser contre un brise-lame, mais je ne pensais pas à ma vie. J’ai réussi à atteindre la plage en nageant avec une seule main et en tenant ma perruque dans l’autre. Les amis de mes parents, qui m’accompagnaient alors, ont eu très peur », se souvient Alissa (le nom de la jeune femme a été modifié à sa demande).

Cette histoire a eu lieu en 2006. Aujourd’hui, Alissa a 28 ans. Elle travaille comme adjoint au manager des ventes et ne comprend plus comment elle a pu mettre sa vie en danger à cause d’une simple perruque.

Alissa souffre d’alopécie – chute pathologique des cheveux et des poils sur l’ensemble du corps. Aujourd’hui, en compagnie d’autres femmes atteintes de cette maladie, elle sort pour la première fois au centre-ville sans perruque. Assises sur une terrasse, elles attirent l’attention des passants qui se retournent. Le serveur ne parvient pas à retenir qui a commandé quoi et confond régulièrement les plats. Alissa semble émue, mais heureuse. Mais surtout émue.

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« Quelle faute as-tu commise ? »

Elle a réalisé qu’elle perdait ses cheveux un 1er septembre, quand sa mère lui faisait des tresses le jour de sa toute première rentrée scolaire.

« Chaque jour, la calvitie devenait de plus en plus importante. Maman inventait différentes coiffures pour la cacher, mais vers l’été suivant je n’avais déjà presque plus de cheveux », confie-t-elle.

Pour les vacances, elle a été envoyée au village chez son grand-père qui a décidé de prendre la situation en main et a emmené Alissa chez le coiffeur.

« J’ai huit ans. Je suis assise devant un miroir et je vois un vieil homme inconnu me raser la boule à zéro. Il n’y a pas pire », se souvient la jeune femme.

Sa mère lui a acheté une perruque en forme de coupe carrée qui convenait mieux aux femmes adultes, mais à Volgograd (1 000 km de Moscou) il était alors impossible de trouver quelque chose de mieux. À l’école, sa nouvelle apparence a attiré l’attention de tout le monde, même des professeurs. Elle se souvient qu’elle ne pouvait pas passer dans le couloir sans que quelqu’un lance : « Regardez, elle a une perruque ! ».

Elle a fini par la remplacer par un simple foulard, mais cela n’a pas réglé l’affaire.

« Un jour, un passant d’un certain âge m’a vue dans la rue et est venu demander quelle faute j’avais commise pour que mes parents décident de me raser. Que pouvais-je alors répondre ? ».

À cause du stress, la fillette a eu un dérèglement hormonal et a pris du poids. Envoyée dans une colonie de vacances à l’âge de 11 ans, elle est devenue la cible des moqueries. Un jour, un garçon a perdu l’équilibre et dans sa chute s’est accrochée à elle, retirant involontairement le foulard de sa tête.

« Je me suis mise à courir droit devant moi. Morte de fatigue et de honte, je suis tombée par terre », se rappelle-t-elle de cette journée. Deux jours après cet incident, elle est retournée à la maison et ce n’est après qu’elle a appris que les garçons demandaient en permanence quand elle reviendrait et qu’un d’entre eux était même tombé amoureux d’elle.  

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La force n’est pas dans les cheveux

Malgré ce problème, à l’âge de 15 ans, elle a trouvé un petit-ami à qui elle a tout de suite parlé de sa maladie. Mais elle n’a osé enlever sa perruque devant lui qu’au bout de deux ans.

« Ce n’est que maintenant que j’ai envie de sortir sans perruque. Lorsque je la porte, un logiciel d’autodéfense se met en marche en moi et je commence à avoir envie de plaire à tout le monde et à avoir peur d’être rejetée. J’en ai marre », soupire Alissa.

Elle ne se souvient pas de la réaction de son petit ami au moment où elle est apparue devant lui sans foulard, ni perruque. Elle dit qu’il lui souriait très sincèrement, mais qu’il lui a fallu beaucoup de temps pour l’accepter telle qu’elle l’est. Ils sont restés ensemble pendant 12 ans, jusqu’à ce qu’elle ne décide d’aller faire carrière dans la capitale. Ils restent en contact et s’appellent toujours.

« J’ai compris que c’est précisément l’homme qui peut me pousser à m’accepter. Et dans la capitale beaucoup disent qu’ils se fichent de la présence ou de l’absence de cheveux ».

À Moscou, elle a rencontré son meilleur ami. Si auparavant elle était gênée en permanence à cause des petites blagues, elle dit avoir changé d’attitude grâce à lui.

« Pour moi, le mot "chauve" était humiliant en soi. Et lui, il m’a vue et m’a dit : "Mon Fantômas". Et on s’est mis à rire », dit-elle au sujet de celui qui a définitivement changé son regard sur elle-même.

Alors, en quoi réside la beauté ? « Dans ton attitude et dans le plaisir que tu prends en faisant quelque chose. L’essentiel c’est d’avoir cette soif de vivre », explique Alissa.

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Aide féminine

Une perruque peut glisser de la tête quand une femme est au lit avec un homme. Olga, 29 ans, a donc appris à s'endormir et à se réveiller dans une certaine pose, de façon à ce que pas un cheveu de sa perruque ne bouge.

Si une femme décide de sortir sans perruque, elle doit se préparer à ce que les passants lui lancent au visage: « Quelle drôle de mode ! », « Pourquoi se raser le crâne, les cheveux donnent de la force ! », « Oh, des mannequins sont sortis pour déjeuner ! ». De plus, certains peuvent penser qu’elle a un cancer ou qu’elle agit à contre-courant. Svetlana, 46 ans, cherche depuis longtemps à faire publier sa photo sans perruque sur le site Web de l’entreprise où elle travaille comme comptable depuis 15 ans. Le refus fut net, cette image ayant été qualifiée de « frivole ».

Marina, 54 ans, a toujours interdit aux hommes de toucher sa tête et ce pour éviter des situations embarrassantes. Elle se justifie en évoquant de « mauvais souvenirs ». Enfin, la perruque peut tomber quand vous sortez de voiture ou voyagez en train.

Pour apprendre aux femmes russes souffrant de ce problème à ne pas perdre un temps précieux à chercher des astuces et inventer des excuses, Marina Zolotova, 43 ans, a créé la communauté Alopécienne. Son activité comprend aussi bien le partage d’histoires personnelles de femmes ayant rencontré ce problème que des rencontres, notamment avec des visagistes, et des séances photo. Souvent, ses membres interviennent dans de grandes entreprises pour parler de ce problème et éviter que les femmes souffrant de cette maladie ne soient discriminées sur leur lieu de travail.

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« Ce qui compte pour nous, c’est que tout le monde soit au courant. Ma dernière perruque je l’ai achetée en 2014 pour 100 000 roubles (1 366 euros). J’ai alors juré que ce serait la dernière de ma vie. D’ailleurs, même les femmes les plus belles trouvent toujours quelque chose qui ne leur plaît pas dans leur physique », assure Zolotova.

Le temps que le serveur apporte l’addition, je réalise qu’une de mes amies à des complexes à cause de la forme de son nez, l’autre en raison de son poids ou encore de la forme de ses lèvres et de ses genoux. Deux solutions se présentent : attendre qu’un homme change notre vision de nous-mêmes ou trouver la force de se convaincre soi-même de sa beauté.

« Toutes ces craintes sont restées dans le passé et n’ont plus aucune importance, résume Alissa. Mais c’est le fondement grâce auquel j’ai commencé à m’aimer moi-même et à comprendre que je n’ai rien de moins que les autres ».

Il semble que cette jeune femme ait opté pour la seconde solution. Elle prend congé et, en compagnie d’autres femmes, descend pour la première fois de sa vie dans le métro sans perruque. Alissa semble bouleversée, mais heureuse. Surtout heureuse.  

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