En dépit de relations séculaires entre ces deux nations et d’une influence mutuelle indubitable à travers les âges, nombre de spécificités françaises demeurent un mystère pour les Russes, et ce, tous domaines confondus, comme le prouvent les confidences de nos interlocuteurs du jour.
Une approche souvent différente de la vie
« Je trouve que la plupart des Français ont confiance en eux, ils savent ce qu’ils veulent et peuvent s’exprimer librement. Mais ils s’énervent vite si une autre personne hésite à faire quelque chose, avance Lilia Bektemirova, originaire d’Orenbourg (près du sud de l’Oural, non loin de la frontière kazakhe) et installée depuis septembre 2014 dans la région lyonnaise. Par exemple, quand je faisais du shopping avec mon copain et hésitais à acheter quelque chose, il s’énervait très vite en me disant "Tu peux me dire, si ça te plaît ou pas. Oui ou non, c’est très simple, rien n’est compliqué". Moi je ne comprenais pas cette réaction, et cette précipitation. Au travail c’est pareil, tes chefs souhaitent que tu puisses formuler tes questions clairement, pour que tout soit logique. Et quand tu parles une langue étrangère et es débutante dans l’entreprise, c’est encore plus difficile ».
Lilia voit toutefois d’un bon œil cette absence de point de vue imposé ainsi que cette liberté d’expression et de pensée. « Les Français sont curieux d’entendre ton avis, ils peuvent avoir une opinion opposée, mais ils ne s’imposent pas trop », ajoute-t-elle.
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La douceur de vivre à la française est par ailleurs une autre représentation, répandue en Russie, semblant se confirmer sur place.
« Les Français savent profiter de petites joies de la vie: une tasse de café sur la terrasse, un dîner long et calme avec des amis etc. », déclare Elena Lechkanova, étudiante à Nijni Novgorod (402 kilomètres à l’est de Moscou) ayant à plusieurs reprises visité la France.
Des us et coutumes divergents
En outre, si les méthodes de salutations différent d’un pays à l’autre, la France se distingue par sa délicate tradition du baiser sur la joue qui, en plus d’être un véritable casse-tête en raison des variations en nombre et en sens de réalisation, s’avère être une véritable épreuve pour les Russes.
« À mon arrivée en France, c’était dur de m’habituer à faire la bise, surtout aux gens que je connaissais à peine. Par exemple, aux collègues de mon copain, aux vendeurs du Super U dans notre village, se remémore Lilia. En Russie, moi personnellement, je faisais la bise ou des câlins à mes proches ou aux personnes que je connaissais bien depuis longtemps. Sinon, je gardais toujours une distance, comme une Japonaise. Je le faisais par politesse, mais je ne l’aimais pas du tout. C’est comme si quelqu’un rentrait dans mon espace personnel. Mais bon… séjournant en France depuis quatre ans, j’y suis enfin habituée ».
À cet égard, la profusion de formules de politesse désarçonne également la majorité d’entre eux, peu habitués à être chaleureusement accueillis dans les commerces et autres établissements.
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« Ce qui m'a vraiment marquée au début, c'était les sourires et les "Bonjour/Bonne journée!" que j'entendais partout : boulangerie, supermarché, banque... C'était génial », s’exclame Elena Kaplan, native de Magnitogorsk (sud de l'Oural) et installée à Lyon depuis plusieurs années, précisant néanmoins que« personne n'enlève ses chaussures (parfois sales) à la maison. Même maintenant je le rappelle encore des fois à mon copain.
Une mesure de propreté systématique dans son pays d’origine, qui se conjugue par ailleurs avec une autre divergence russo-française, comme l’évoque ci-dessous Lilia.
« J’étais choquée de voir les petits enfants assis par terre dehors. C’était à l’école maternelle. La même chose avec des étudiants à l’université. Pour nous, les Russes, d’un côté, c’est sale par terre, de l’autre côté, c’est froid. C’est déconseillé surtout pour les filles. Peut-être, l’absence de cette habitude en Russie s’explique par le climat froid. En France le climat est différent. Donc, c’est tout à fait normal et possible ».
Enfin, trait particulièrement caractéristique de la France, l’importante fréquence des grèves et événements sociaux semble impressionner les ressortissants russes, comme en témoigne Elena Lechkanova.
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« En France une manifestation ou une grève est tout à fait normale, comme quelque chose de quotidien, les gens sont habitués et il y a même des enthousiastes qui y prennent part souvent », soutient-elle en effet.
Quotidien matériel et démarches administratives
« En général, rien ne peut me choquer car je suis née dans une famille de gens passionnés par la France et je connais assez bien ce pays, assure Maria Sokolovskaïa, Moscovite ayant plus d’une fois foulé le sol français. Pourtant, ce qui continue à me surprendre à Paris, dans d’autres villes je n’ai pas eu l’occasion de le voir, c’est d’abord les dimensions de certains studios - de vraies cellules de prison - et l’absence parfois de salle-de-bains dans certains appartements parisiens. Certes, ils ne sont pas nombreux, mais j’ai connu des gens qui vivaient dans des immeubles avec des toilettes qu’ils se partageaient avec les voisins, je trouve ça plus que bizarre ».
Une étroitesse des logements que Lechkanova n’a, elle non plus, pas manqué de mentionner.
« Les chambres dans les résidences universitaires sont pour une personne, mais elles sont très petites », décrit-elle ainsi, notant au passage la possibilité, en France, de boire l’eau du robinet, pratique fortement déconseillée dans son pays natal.
Enfin, particularité particulièrement propre à la France, la nécessité d’effectuer l’écrasante majorité des démarches administratives par courrier postal interpelle les Russes, à l’instar du Saint-Pétersbourgeois Boris Kourotchkine : « C’est intéressant qu’en France presque tout peut être réglé par courrier, qu’il soit question de recevoir une carte bancaire, une carte SIM, des documents pour les études à l’université, il est nécessaire pour tout de rédiger d’aimables lettres, de les emballer dans des enveloppes et de les envoyer par la poste. Il y a là-dedans quelque chose de romantique, mais les lourdeurs administratives s’accroissent comme une boule de neige et au final il est parfois plus simple de juste se rendre sur place et de résoudre le problème lors d’une rencontre réelle ».
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