Gros plan sur un conflit qui préoccupe l’Europe et le monde depuis bientôt trois ans. Sur la photo : Un soldat ukrainien dans la ville d'Avdiïvka.
ReutersUne guerre civile déchire les régions orientales de l’Ukraine : l’armée nationale s’oppose aux forces de la République populaire de Donetsk et celle de Lougansk (RPD et RPL, toutes deux autoproclamées). Les hostilités ont duré jusqu’à la signature des accords de Minsk, le 12 février 2015, pour céder la place à une relative accalmie, bien que des tirs réciproques soient toujours observés.
Toutefois, les tensions s’exacerbent régulièrement. Ainsi, les combats qui ont éclaté fin janvier 2017 ont fait plusieurs dizaines de morts. Le nombre total de victimes de la guerre ’élève, selon les Nations unies, à au moins 9 800 personnes. Ce chiffre comprend les combattants, les civils et les 298 passagers du Boeing 777 qui a été abattu le 17 juillet 2014 dans le ciel de la région de Donetsk (les deux parties en conflit niant leur implication dans le drame).
L’Est de l’Ukraine a une frontière commune avec la Russie et la majorité de la population y parle russe. Le bassin houiller de Donetsk (Donbass) – essentiellement contrôlé aujourd’hui par les républiques autoproclamées – concentre de grandes quantités de charbon et la région est considérée comme l’une des plus développées économiquement d’Ukraine.
Après les évènements de février 2014, quand les forces de l’opposition ont écarté du pouvoir le président Viktor Ianoukovitch, des troubles ont éclaté dans les régions orientales de l’Ukraine. Les habitants redoutaient une politique nationaliste de la part du nouveau gouvernement et l’interdiction de la langue russe. La tension est montée d’un cran avec le référendum du 16 mars 2014 en Crimée, dont la population a voté presque à l’unanimité en faveur de l’intégration de la péninsule à la Russie.
Les manifestants, qui se sont emparés des sièges de l’administration à Donetsk et à Lougansk, ont proclamé le 7 avril 2014 la mise en place de la RPD et de la RPL. Kiev a immédiatement réagi en annonçant une opération antiterroriste (qualification donnée aujourd’hui encore au conflit dans le Donbass par les autorités centrales d’Ukraine). Les affrontements armés qui ont éclaté se sont progressivement intensifiés : durant l’été 2014, les deux parties avaient recours aux blindés, à l’aviation et aux systèmes de défense antiaérienne.
Crédit : Kirill Polukhin / RBTH
La rhétorique des deux parties semble intransigeante. Kiev qualifie la RPD et la RPL d’organisations terroristes, tandis que les deux républiques accusent les autorités ukrainiennes de génocide vis-à-vis de la population russophone et de nazisme.
Pourtant, les républiques et le reste du territoire gardent d’étroites relations économiques : le Donbass livre toujours de la houille dans la partie occidentale du pays et les entreprises situées en RPD et en RPL paient leurs impôts à Kiev. Selon le Service de sécurité d’Ukraine, les deux républiques ont apporté au budget national 1,103 milliard d’euros l’année dernière.La position officielle de la Russie au sujet de la crise ukrainienne a été formulée en décembre 2014 par le premier ministre Dmitri Medvedev : la Crimée, c’est la Russie et le Donbass, c’est l’Ukraine. Les Russes qui combattent du côté des républiques autoproclamées s’y sont rendus de leur propre initiative : le ministère russe des Affaires étrangères et le Kremlin l’ont souligné à plusieurs reprises. Moscou ne reconnaît ni la RPD, ni la RPL.
Dans le même temps, la Russie livre aux deux républiques de l’aide humanitaire et n’est pas avare de critiques envers Kiev. Suite au regain de tensions de janvier, le président russe Vladimir Poutine a accusé l’Ukraine qui, d’après lui, cherche « à passer pour une victime » pour soutirer de l’argent aux créanciers internationaux.
L’Occident accuse pour sa part Moscou d’attiser le conflit et soutient les autorités de Kiev. Les armées européennes et américaine ne sont pas impliquées dans le conflit du Donbass, mais les hostilités ont engagé plusieurs dizaines de volontaires étrangers et ce des deux côtés du conflit.
Deux accords ont été signés à Minsk à l’automne 2014 et durant l’hiver 2015 en vue d’une solution négociée du conflit dans le cadre du « format Normandie » (Russie, Ukraine, France et Allemagne).
Selon ces documents, l’Ukraine devait instaurer le cessez-le-feu puis organiser une réforme constitutionnelle et amnistier tous ceux qui ont fait la guerre du côté de la RPD et de la RPL. Après quoi les deux républiques seraient revenues sous son contrôle de Kiev avec intégration des structures du pouvoir. Ce qui n’a pas été fait. Les accords de Minsk ont commencé à patiner.Vladimir Ievseïev, directeur adjoint de l’Institut des pays de la CEI, rappelle que le conflit ukrainien est à l’heure actuelle le plus important conflit armé européen. « Si cette crise n’est pas résorbée, elle touchera inévitablement l’Europe via des livraisons illégales d’armes, la formation de groupes radicaux ou des flux de migrants », a-t-il affirmé.
Le dérapage du processus de paix est dangereux, a-t-il souligné : « L’Occident tente d’oublier l’Ukraine. Mais cette dernière revient sur le devant de la scène avec la recrudescence des tensions et de nouveaux morts ». En outre, le dossier du Donbass (et de la Crimée) se trouve actuellement au centre des relations russo-américaines. Sans compromis sur le problème ukrainien, il n’y aura pas de dialogue constructif entre Moscou et Washington. Or, les rapports entre ces deux pays concernent le monde entier, a-t-il expliqué.
Selon le doyen de la faculté d’économie mondiale et de politique internationale à la Haute école d’économie, Sergueï Karaganov, il n’existe à l’heure actuelle aucune alternative aux accords de Minsk, mais pour les faire appliquer, il est indispensable qu’une pression soit exercée sur les parties en conflit par des forces extérieures, en l’occurrence la Russie et les États-Unis.
« Les pays européens sont confrontés à leurs propres problèmes et leur influence sur l’Ukraine est infime. Un rôle important du côté de l’Occident ne peut être joué que par Washington », a-t-il fait remarquer.
Vladimir Ievseïev est du même avis, mais indique qu’il est inutile de se perdre en conjectures pour savoir si la Russie et les États-Unis arriveront à un compromis sur l’Ukraine. « Personne ne sait quelle sera la position de l’administration de Donald Trump sur le problème ukrainien, a-t-il noté. La position de la Russie est claire et la balle est désormais dans le camp de Washington ».
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