Les DF-41 déployés dans le nord de la Chine sans incidence sur les relations. Explications.
ReutersLe périodique chinois Global Times a rapporté la publication par la presse hongkongaise et taïwanaise de photographies des missiles balistiques intercontinentaux DF-41, prises dans la province du Heilongjiang, dans le nord-est du pays.
De nombreux périodiques russes ont alors titré sur les missiles chinois à la frontière russe, sous-entendant une éventuelle « menace chinoise » pour Moscou.
Cependant, le quotidien chinois (connu pour refléter la position du Parti communiste, ndlr) suggère que cette fuite a été orchestrée par Pékin pour répondre à la rhétorique antichinoise du nouveau président américain Donald Trump. Mikhaïl Alexandrov, collaborateur du Centre d’études militaires et politiques de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou, estime qu’il s’agit en effet d’une réponse de Pékin aux déclarations américaines.
Pourtant, l’expert militaire et rédacteur en chef de la revue russe Arsenal de la Patrie Viktor Mourakhovski a confié à RBTH que ce n’est pas la première fuite de ce type. Il explique qu’il y a environ un an, des photos des missiles DF-41 ont fuité lors de leur acheminement dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang, dans le nord-ouest du pays, également proche de la frontière russe. Or, ceci eut lieu bien avant la campagne électorale de Trump.
En avril 2016, le portail américain Free Beacon, spécialisé dans les questions militaires, informait qu’après une série d’essais réussis, la Chine s’apprêtait à déployer ses missiles DF-41 aux frontières russes sans préciser dans quelles régions cela pourrait avoir lieu. Fait caractéristique, la Chine a mené ces essais en mer de Chine méridionale. Cela s’apparentait à une démonstration de force, compte tenu des tensions entre Pékin et Washington au sujet des îles situées dans cette région.
Tous les experts interrogés par RBTH sont convaincus que le déploiement des missiles chinois ne vise pas Moscou (les armes nucléaires des deux pays ne se ciblent pas mutuellement, souligne Mourakhovski) et ne présente pas de menace pour la Russie, principalement compte tenu des liens politiques étroits qui unissent les deux pays. Un rapprochement particulier a été observé il y a quelques années quand la Russie a opté pour le « virage à l’Est » sur fond de forte détérioration des relations avec l’Occident.
Le commentaire du Kremlin sur le déploiement éventuel de missiles par la Chine rejoint l’avis des experts. « La Chine est notre allié, un allié stratégique […]. Bien sûr, aucune action liée au développement des formes armées chinoises, si tant est que l’information soit vraie, ni la construction militaire en Chine n’est [de notre côté] perçue comme une menace pour notre pays », a déclaré le porte-parole du président russe Dmitri Peskov.
En effet, quel que soit le climat politique qui règne dans les relations entre Moscou et Pékin, il est difficile d’imaginer que la Chine puisse avoir l’intention ne serait-ce qu’hypothétique d’initier un conflit nucléaire entre les deux puissances – les potentiels nucléaires des deux pays sont incomparables. La Russie possède un plus grand nombre d’ogives (cela concerne tant les armes tactiques que les armes nucléaires stratégiques) et l’armement russe est plus sophistiqué, souligne Alexandrov.
Le déploiement des missiles à proximité des frontières ne devrait pas inquiéter non plus (selon les informations de Mourakhovski, ils se trouvent à plusieurs centaines de kilomètres), car il s’agit de missiles intercontinentaux. « Les missiles chinois peuvent atteindre le territoire russe depuis n’importe quelle région de la Chine. Leur localisation précise n’est donc pas importante pour nous », assure Alexandrov.
Au contraire, le déploiement des missiles près de la frontière sino-russe montre probablement qu’ils ne visent pas la Russie, indique Piotr Topytchkanov, collaborateur du programme « Problèmes de non-prolifération » au Centre Carnegie de Moscou, dans un entretien avec notre correspondant. En effet, déployés à proximité des frontières russes, les missiles sont plus vulnérables aux frappes des systèmes nucléaires et non-nucléaires russes.
Dans ce contexte, la Russie pourrait potentiellement avoir une autre inquiétude, souligne l’expert. En cas de conflit armé entre les États-Unis et la Chine, Washington cherchera à frapper la zone de déploiement des armes nucléaires de l’ennemi. Leur proximité avec la frontière russe inquiétera dans un tel cas de figure la Russie, car les conséquences d’une telle frappe seront néfastes pour la situation écologique du côté russe de la frontière. Il va sans dire que la Russie n’a pas intérêt à assister à des hostilités à proximité immédiate de sa frontière.Le lendemain de la publication des informations sur le déploiement par Pékin de missiles nucléaires aux frontières russes, le ministère chinois des Affaires étrangères a démenti ces informations, les qualifiant de « spéculations diffusées sur la Toile ». En passant, la partie chinoise a salué la déclaration du porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, soulignant qu’il s’agissait d’un commentaire « extrêmement positif, direct et constructif ».
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