Le président russe Vladimir Poutine donne une interview à TF1.
Alexeï Nikolsky / TASSCe n'est pas qu'on ait refusé de venir, on nous a simplement dit que le moment pour l’objectif essentiel de ma visite à Paris – l’inauguration du centre culturel et religieux (russe) – n’était pas opportun. Or, si le moment est inopportun, nous trouverons sans doute une autre occasion de nous rencontrer et de parler de la Syrie.
Nous ne nous imposons aucune limitation sur la question, nous restons ouverts au dialogue. On nous a simplement fait comprendre que le moment n'était pas le plus opportun, c’est tout. Nous, nous n’avons rien refusé.
Je dirais que c’est une rhétorique politique qui n’a pas beaucoup de sens et qui ne tient pas compte des réalités dans ce pays. Je vais expliquer pourquoi.
Je suis profondément convaincu que dans la situation actuelle, dans la région en général et en Syrie en particulier, la responsabilité incombe avant tout à nos partenaires occidentaux, en premier lieu aux Etats-Unis et à leurs alliés dont les principaux pays européens.Souvenons-nous de l’euphorie dans le soutien du « printemps arabe ». Où est passé cet optimisme ?Qu’avons-nous pour résultat net ? Souvenons-nous de la Libye et de l’Irak avant que ces pays ou structures étatiques n’aient été anéantis par les forces de différents partenaires occidentaux. Aujourd’hui, c’est une source de danger terroriste. Notre objectif est d’empêcher les mêmes développements en Syrie.
Pour ce qui est de la composante humanitaire à Alep. Avons-nous déjà oublié la frappe de l’aviation américaine contre un hôpital en Afghanistan qui a tué notamment des (membres de l’organisation caritative) Médecins sans frontières ? Les gens en Afghanistan étaient exterminés lors de mariages, une centaine à la fois. Et regardez au Yémen aujourd’hui : un seul raid aérien contre une cérémonie funéraire a fait 170 morts et 500 blessés.
Malheureusement, dans n’importe quel secteur d’hostilités, des innocents meurent et souffrent. Mais nous ne pouvons pas permettre aux terroristes de se cacher derrière des civils et de s'en servir comme de boucliers humains, nous ne pouvons pas leur permettre de faire chanter le monde entier en capturant des otages, en tuant et en décapitant.
Si nous voulons mener à bien la lutte contre les terroristes, il faut lutter et non pas se laisser faire, plier ou reculer.
La situation à Alep est aussi contrôlée par une autre organisation terroriste (que Daech) : le Front al-Nosra qui a toujours été considéré comme une aile d’Al-Qaïda et qui est inscrite sur la liste des organisations terroristes par les Nations unies.
Ce qui nous décontenance et nous étonne, c’est que nos partenaires, notamment américains, essaient toujours d’une façon ou d’une autre de la faire sortir du cadre de ces organisations terroristes. Je vais vous dire pourquoi.
Je crois que nos partenaires font toujours la même erreur. Ils veulent mettre à profit le potentiel militaire de ces organisations terroristes et radicales pour atteindre des objectifs politiques, en l’occurrence dans la lutte contre le président (syrien Bachar) el-Assad et son gouvernement, sans comprendre qu’ils ne réussiront pas ensuite à ramener (les rebelles) à l’étable, à les obliger à vivre d’après des règles civilisées s’ils arrivent à vaincre.
Nous nous étions entendus sur un cessez-le-feu, sur le jour J, selon l’expression de nos amis américains. Moi, j’estimais nécessaire de dissocier le Front al-Nosra et les autres terroristes de la partie saine de l’opposition avant d’annoncer le cessez-le-feu.
Cependant, les Américains ont insisté : d’abord un cessez-le-feu et ensuite ils s’occuperont du distinguo entre terroristes et non terroristes. Finalement, nous avons accepté et la trêve a été instaurée le 12 septembre. Mais le 16 septembre l’aviation américaine a porté une frappe contre l’armée syrienne, en faisant 80 morts.
C’est à ce moment-là, tout de suite après le raid aérien, que Daech – cette fois-ci vraiment Daech – est passé.
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