Un camion du convoi humanitaire endommagé.
ReutersLa trêve que les diplomates russes et américains étaient parvenus à établir après de longs mois de négociations a été brisée quelques jours à peine après son entrée en vigueur. Le 19 septembre, un convoi humanitaire de l’Onu, qui se dirigeait vers les habitants d’Alep assiégée, a été attaqué. Selon les estimations préliminaires, l’attaque a fait 12 victimes. Quelques jours auparavant, l’aviation américaine avait bombardé, par erreur, les positions de l’armée gouvernementale à Deir ez-Zor, faisant 62 victimes et plus de 100 blessés.
A propos de l’incident survenu à Deir ez-Zor, Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a déclaré : « Après les frappes contre l’armée syrienne, nous arrivons à une conclusion réellement terrible pour le monde entier : la Maison Blanche défend l’Etat islamique ». Les explications de Washington, qui assure avoir cherché à bombarder les terroristes et plaide la bavure concernant les troupes gouvernementales, n’ont pas satisfait Moscou.
Le lundi 19 septembre au soir, les Américains ont riposté en accusant Moscou et Damas de crimes de guerre. Le département d’Etat américain n’a retenu que ces deux acteurs du théâtre des opérations du Proche-Orient sur sa « liste de suspects » dans l’incident ayant frappé la mission humanitaire de l’Onu en Syrie. Par ailleurs, les diplomates américains ne fournissent aucun renseignement vérifié ni d’autre preuve permettant d’étayer leurs accusations.
Le porte-parole du ministère américain des Affaires étrangères John Kirby a déclaré que Washington était « furieux » suite à cet incident.
« Le gouvernement d’Assad et la Fédération de Russie connaissaient le trajet du convoi. Les collaborateurs de la mission de l’Onu ont été tués pour leur désir d’aider le peuple syrien », a répondu le diplomate. Il précise qu’après cet incident, les Etats-Unis vont reconsidérer leurs relations avec la Russie.
Le ministère russe de la Défense nie toute implication de son aviation dans l’attaque contre le convoi de l’Onu. En outre, la reconnaissance aérienne atteste que, lundi dernier, les combattants du Front al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda) ont lancé une vaste offensive dans la zone traversée par la mission des Nations unies.
« Nous avons attentivement étudié les vidéos prises par les « activistes » sur les lieux du drame et n’avons trouvé aucun signe de frappes contre le convoi… Les vidéos ne montrent que les conséquences directes de l’incendie qui s’est étrangement déclaré au sein du convoi parallèlement à l’offensive d’envergure des combattants contre Alep », a déclaré le major-général Igor Konachenkov, représentant officiel du ministère russe de la Défense.
Pour les militaires et les politologues interrogés par RBTH, la Russie et les Etats-Unis poursuivront désormais leur chemin en Syrie séparément.
La coopération entre la Russie et les Etats-Unis est, depuis le départ, fondée sur une profonde méfiance mutuelle, souligne Fédor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs.
« Pour obtenir des résultats dans ces conditions, il aurait fallu signer un contrat. Celui-ci aurait dû préciser les démarches des acteurs, apporter des garanties de respect des obligations et indiquer les conséquences de la non-réalisation des missions. Moscou et Washington ne l’ont pas fait », explique l’expert.
Pour lui, il faut désormais s’attendre à une flambée des combats dans la région, où les événements pourraient suivre plusieurs scénarios.
« La Russie et les Etats-Unis chercheront de nouveau un terrain d’entente et essaieront de reprendre les négociations, mais c’est peu probable après l’incident liée au convoi de l’Onu. Ou alors, les événements pourraient, à notre grande horreur, déboucher sur une guerre par procuration en Syrie », ajoute Loukianov.
Il estime que la Russie et les Etats-Unis pourraient entrer en confrontation indirecte par le biais des unités qu’ils chapeautent dans le pays. Dans le pire des cas, les parties pourraient entrer en confrontation directe l’une contre l’autre.
L’expert militaire et directeur adjoint de l’Institut des pays de la CEI Vladimir Evseïev estime que les futures actions de Moscou dans la région s’appuieront sur la coopération militaire avec la Turquie.
Suite à la visite en Turquie du général des armées Valeri Guerassimov, chef de l’état-major général de l’armée russe, le 15 septembre dernier, Ankara a annoncé un renforcement de sa participation dans le conflit syrien.
« Il s’agit d’une coordination commune des opérations militaires. Elle a commencé via les canaux de communications spéciaux et s’étend désormais sur le champ de bataille. Ensuite, elle pourrait donner lieu à une coopération dans les combats pour Alep », précise Evseïev.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.