Pourquoi les Russes s’allièrent-ils à Napoléon Bonaparte?

Histoire
BORIS EGOROV
L’empereur russe Paul Ier eut le projet de priver le Royaume-Uni des richesses qu’il tirait des Indes. Au début du XXe siècle, Léon Trotski, un des leaders bolcheviks, l’envisagea également.

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« Le joyau de la couronne britannique », c’était ainsi que les Britanniques qualifiaient les Indes. Cette partie du sous-continent indien sur lequel le Royaume-Uni exerça sa domination durant deux siècles  assura en grande partie la puissance politique et économique de l’Empire.

Nombreux furent ceux, notamment en Russie, qui rêvèrent de priver le Royaume-Uni de sa colonie.

S’allier à Bonaparte contre les Britanniques

En février 1801, 22 000 Cosaques du Don placés sous le commandement de l’ataman Matveï Platov (1753-1818) se mirent en marche vers les Indes. Cette manœuvre était la première étape de la conquête par les Russes et les Français de l’immense territoire qui se trouvait sous domination britannique depuis environ un demi-siècle.

Déçu de ses alliés britanniques depuis un certain temps, Paul Ier avait été offensé lorsqu’ils avaient envahi l’île de Malte en 1800. En effet, depuis 1798, l’empereur russe était Grand Maître de l’Ordre de Malte. Il voyait de moins en moins l’intérêt de combattre les Français et considéra alors le plan de conquête des Indes que lui soumit le Premier Consul Napoléon Bonaparte.

Ils s’accordèrent sur les actions à mener contre le Royaume-Uni qui ne cessait, selon eux, d’intriguer et de semer le trouble en Europe continentale. « Avec votre souverain, nous changerons la face du monde », aurait dit Bonaparte à Georg Magnus Sprengtporten, un général suédois au service de la couronne russe.

Le plan de Bonaparte

Un contingent de 35 000 hommes avec de l’artillerie légère devait rejoindre à Astrakhan 35 000 hommes de l’armée russe (15 000 hommes d’infanterie, 10 000 de cavalerie et 10 000 Cosaques).

Ces 70 000 hommes devaient ensuite traverser la mer Caspienne. D’Astrabad (en Perse – actuelle Gorgan), ils devaient marcher vers l’est : Hérat, Farah, Kandahar et atteindre le territoire actuel du Pakistan.

Outre cette armée franco-russe de 70 000 hommes, la flottille russe de l’Extrême-Orient et un détachement de Cosaques devaient prendre part à cette expédition. Les hommes de Matveï Platov furent les seuls éléments à effectivement marcher vers les Indes.

Paul Ier proposa de placer cette armée sous le commandement du général André Masséna.

Entreprise aventureuse?

En dépit de l’avis couramment répandu, Paul Ier ne prit pas du jour au lendemain la décision d’envoyer un corps expéditionnaire de Cosaques vers les Indes. Ces troupes se préparèrent longtemps et sérieusement. La diplomatie russe veilla à établir de bonnes relations avec les souverains de l’Asie centrale que les Cosaques devaient traverser.

Au moment de la campagne des Indes, la domination britannique sur ces régions n’était pas encore affermie. La Compagnie des Indes Orientales, à laquelle leur conquête avait été confiée, ne contrôlait que l’Est et le Sud de la péninsule. Les effectifs des troupes britanniques ne dépassaient pas les 20 000 hommes.

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Si la première phase de l’opération s’était déroulée comme prévu, les Cosaques auraient dû atteindre l’empire sikh et l’immense empire marathe qui luttaient contre l’expansionnisme britannique. Les Français et les Russes misaient sur le fait que les deux souverains considéreraient les Cosaques avec une neutralité bienveillante. Il avait été prévu qu’après la défaite de la Compagnie des Indes Orientales, les Français occuperaient le sud de la péninsule et les Russes, le nord.

L’assassinat de Paul Ier, le 23 mars 1801 – résultat d’un complot auquel les Britanniques participèrent – rebattit les cartes. Son fils et successeur Alexandre Ier rappela les Cosaques et rétablit l’alliance entre la Russie et le Royaume-Uni.

Napoléon Bonaparte fut furieux en apprenant la mort de son allié russe : « Les Anglais m'ont manqué le 3 nivôse [rue Saint-Nicaise], ils ne m'ont pas manqué à Pétersbourg »

Les Indes rouges

En 1919, en Russie, on étudia une nouvelle fois la possibilité d’une expédition militaire contre les Indes britanniques. Léon Trotski et Mikhaïl Frounze proposèrent de frapper « l’impérialisme britannique » en Asie.

Les bolcheviks aspiraient alors à « allumer l’incendie de la Révolution mondiale ». Mais, le feu n’avait pas pris en Europe : les mouvements révolutionnaires y avaient été rapidement et durement écrasés et la guerre contre la Pologne, à cette époque-là, était un échec. Ils portèrent alors leurs regards vers l’Orient.

« Il ne fait aucun doute que sur les champs asiatiques de la politique mondiale notre Armée rouge est une force incomparablement plus significative que sur les champs européens, affirmait Léon Trotsky. La route des Indes peut se révéler en ce moment plus courte que celle vers une Hongrie soviétique ».

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Mikhaïl Frounze et Léon Trotsky envisageaient d’envoyer un corps de 40 000 sabreurs à cheval soutenir la « révolution indienne » et de fonder dans l’Oural ou au Turkestan (Asie Centrale) une « académie révolutionnaire, un état-major politique et militaire de la révolution en Asie ».

Leur projet ne se réalisa pas plus que celui de Napoléon Bonaparte et Paul Ier. À l’automne 1919, l’armée blanche remportait des succès sur tous les fronts et les Indes n’étaient plus une priorité pour les bolcheviks.

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