Combien de temps les chefs bolcheviks furent-ils privés de liberté?

Histoire
SOFIA POLIAKOVA
Nombre de grandes figures du bolchevisme avaient déjà une activité révolutionnaire alors qu’elles n’avaient pas encore atteint l’âge adulte et, de ce fait, attirèrent très tôt l’attention de la police sur elles.

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Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine (1870-1924)

Le chef du parti bolchevique commença sa carrière révolutionnaire alors qu’il était en première année de droit à l’université de Kazan. En 1887, trois mois seulement après le début des cours, il fut arrêté pour avoir participé à une grève estudiantine. Relâché quelques jours après, il fut exclu de l’université et interdit de séjour à Kazan. En 1890, il fut autorisé à passer les examens d’entrée à l’université de Saint-Pétersbourg où il fut admis l’année suivante. Dans la capitale, Vladimir Oulianov se consacra à ses études et à ses activités révolutionnaires.

À Saint-Pétersbourg, il y avait de nombreux cercles marxistes. Vladimir Oulianov créa le sien en 1895 et lui donna le nom d’Union de la lutte pour la libération de la classe ouvrière, ce qui lui valut d’être appréhendé par la police et de passer quatorze mois en prison. De là, il partit pour une relégation de trois ans dans le village de Chouchenskoïé (dans la région de Krasnoïarsk, en Sibérie). Il s’y maria religieusement avec Nadejda Kroupskaïa, ce qui leur avait été imposé par les autorités pour qu’elle puisse rester avec lui à Chouchenskoïé.

En février 1900, alors que Vladimir Oulianov avait purgé sa peine, le couple quitta la Sibérie.

De retour dans la capitale, il fut une nouvelle fois arrêté dix jours. Sa femme et lui émigrèrent ensuite en Europe. Lorsque la Première Guerre mondiale éclata, Lénine vivait à Poronin (alors en Autriche-Hongrie, aujourd’hui en Pologne). Il y fut arrêté et retenu en détention pendant un mois. Ce fut son dernier séjour en prison . 

Au cours de sa vie, Vladimir Oulianov aura passé près de quatre ans et trois mois en prison et en exil.

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Joseph Vissarionovitch Djougachvili dit Staline (1878-1953)

Le « petit père des peuples » commença à fréquenter des cercles marxistes à l’âge de quinze ans. Deux ans plus tard, à Tiflis, il rejoignit le parti ouvrier social-démocrate de Russie. Il avait vingt-deux ans lorsqu’il fut arrêté à Batoumi en 1902. De là, il fut transféré à la prison de Koutaïssi avant d’être envoyé en exil en Sibérie. Ce premier épisode dura en tout un an et neuf mois.

En 1908, Staline fut appréhendé pour avoir attaqué un arsenal dans le but d’y voler des armes pour le parti ouvrier. Après une période de détention à Bakou, il fut relégué dans le gouvernement de Vologda (dans le nord de la partie européenne du pays) et s’en enfuit le 24 juin 1909. Il fut repris et resta exilé dans la région de Vologda jusqu’en 1911. En 1912, alors qu’il était assigné à résidence à Vologda même, il échappa au contrôle de la police. Arrêté une nouvelle fois en 1913, il fut exilé dans la région de Touroukhansk, en Sibérie. Plus tard, on le transféra avec Iakov Sverdlov, un autre révolutionnaire, dans le village de Koureïka, au-delà du cercle polaire. Staline y resta jusqu’en 1916.

La nouvelle de la Révolution de Février le trouva à Atchinsk, qui se situe à environ mille kilomètres de Koureïka. Staline y avait été amené pour y être enrôlé dans l’armée. Déclaré inapte au service, il passa le reste de sa peine à Atchinsk d’où il arriva à Saint-Pétersbourg en mars 1917.

Staline aura passé huit ans et demi de sa vie en prison et en relégation.

Léon Davidovitch Bronstein dit Trotski (1879-1940) 

Léon Trotski, qui organisa le soulèvement d’octobre 1917 à Saint-Pétersbourg et créa l’Armée Rouge, découvrit le marxisme durant la dernière année de sa scolarité. En 1897, alors qu’il n’était âgé de dix-sept ans, Léon Bronstein participa à la formation de cercles ouvriers. À dix-neuf ans, il fut arrêté pour la première fois. Après avoir passé presque deux ans en prison, il fut condamné à quatre ans d’exil en Sibérie orientale. Il parvint à s’enfuir en août 1902.

Léon Trotski trouva refuge à l’étranger avant de rentrer en Russie en 1905. En dépit des mesures de précaution qu’il avait prises, la police le débusqua et l’appréhenda en décembre 1905. Léon Trotski fut alors condamné à l’exil en Sibérie à perpétuité. En février 1907, il s’échappa une nouvelle fois : commença alors sa seconde émigration.

En avril 1917, Léon Trotski fut arrêté dans le port canadien d’Halifax, où faisait escale le bateau qui le ramenait de New York à Petrograd. Rapidement relâché, il poursuivit son voyage. En juillet 1917, soupçonné de collaboration avec les services de renseignement allemands, il fut une nouvelle fois incarcéré. Il retrouva la liberté en septembre de la même année.

On aurait pu croire qu’après la Révolution d’Octobre, Léon Trotski ne risquait plus de connaître la prison. Mais, après la mort de Vladimir Lénine, il sortit vaincu de la passe d’armes qui l’opposa à Joseph Staline. En novembre 1927, Léon Trotski fut exclu du parti communiste et, en janvier 1928, envoyé à Alma-Ata (Kazakhstan) d’où il partit pour l’étranger. Il dut changer constamment de lieu de résidence. En 1935, il s’établit en Norvège. En septembre 1936, sous la pression de l’URSS, il fut placé en résidence surveillée. En décembre 1936, il obtint un visa mexicain. Il vécut à Mexico jusqu’à son assassinat le 21 août 1940.

Léon Trotski aura passé près de sept ans et sept mois de sa vie en prison et en relégation.

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Félix Edmoundovitch Dzerjinski  (1877-1926)

À dix-huit ans, alors qu’il était encore scolarisé au gymnase de Vilno (aujourd’hui, la capitale de la Lituanie), celui qui créera les services de sécurité soviétiques adhéra au mouvement des sociaux-démocrates. En 1896, il abandonna même ses études pour se consacrer entièrement à la révolution.

En juillet 1897, Félix Dzerjinski fut arrêté pour la première fois. En mai 1898, il fut condamné à trois ans de relégation dans le gouvernement de Viatka, à mille kilomètres au nord-est de Moscou), d’où il s’échappa en août 1899. Dès janvier de l’année suivante, il fut repris et condamné à cinq ans d’exil en Sibérie orientale. En juin 1902, il parvint à s’enfuir et à quitter l’Empire. En 1905, il rentra à Varsovie où il fut une nouvelle fois appréhendé. 

Félix Dzerjinski resta en détention jusqu’en 1906, année durant laquelle il fut libéré sous caution. En 1908, le révolutionnaire fut de nouveau arrêté et condamné à un exil à perpétuité en Sibérie. Il s’enfuit du village où il avait été assigné à résidence en décembre 1909 et émigra une fois encore.

Félix Dzerjinski rentra à Varsovie en janvier 1912. Il parvint à se jouer de la police jusqu’en septembre. Il fut appréhendé, resta incarcéré deux ans et fut finalement condamné à trois ans de bagne. En 1916, sa peine fut allongée de six ans. Il retrouva la liberté le 1er mars 1917 (ancien style), après la Révolution de Février.

Félix Dzerjinski aura passé près de douze ans de sa vie privé de liberté.

Nikolaï Ivanovitch Boukharine (1888-1938)

L’activité politique de celui qui aura été membre du bureau politique du Comité central du Parti communiste puis le leader de l’opposition dite de droite (contre la collectivisation forcée et l’industrialisation à un rythme intense) remontait à ses années de lycée. En 1906, il fut admis au parti ouvrier social-démocrate de Russie.

Arrêté pour la première fois en 1909, il fut libéré au bout d’un mois. Il choisit alors la clandestinité. À la fin de l’année 1910, la police prit tous les chefs du parti ouvrier de Moscou, dont Nicolas Boukharine. En juin 1911, ils furent condamnés à trois ans d’exil à Onéga (dans la région d’Arkhangelsk). Deux mois plus tard, Nicolas Boukharine s’échappa et quitta le pays où il ne rentra qu’en 1917.

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À l’étranger, il fut arrêté à plusieurs reprises pour de courtes périodes. Lorsqu’il rentra en Russie, il fut détenu quelques jours à Tchéliabinsk, dans l’Oural, pour « agitation auprès de soldats »

Après la mort de Vladimir Lénine, Nicolas Boukharine devint un des leaders du parti communiste. Mais il entra en conflit avec Joseph Staline et perdit progressivement le poids qu’il avait dans l’appareil du parti.

En novembre 1929, il fut exclu du bureau politique. En janvier 1937, il fut accusé de complot. En février, il fut arrêté. Il resta incarcéré jusqu’à son exécution : il fut fusillé le 15 mars 1938.

Nicolas Boukharine aura passé en prison et en exil environ deux ans de sa vie.

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