Comment un enfant aux commandes d’un Airbus provoqua-t-il une tragédie en Sibérie? 

Personne (CC BY-SA 3.0); Anatoli Kouziarine/TASS
Le 23 mars 1994, le Kouzbass fut frappé par une terrible tragédie: à quelques kilomètres de Mejdourietchesk s’écrasa un Airbus A310-308 qui effectuait la liaison Moscou – Hong Kong. Aucune des soixante-quinze personnes qui se trouvaient à son bord n’en réchappa.

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Un plan de vol respecté

Tout se passait comme d’habitude. Le vol long-courrier SU593 de la compagnie RAL, une filiale d’Aeroflot, avait décollé de l’aéroport Cheremetievo de Moscou. À bord de l’avion, auquel avait été donné le nom du compositeur Mikhaïl Glinka (1804-1857), se trouvaient des passagers russes, chinois, hongkongais, taïwanais, indiens, américains et britanniques. Il y avait parmi eux les enfants du second commandant de bord Iaroslav Koudrinski.

Le vol se déroulait tout à fait normalement. Quelques heures après le décollage, alors que l’avion survolait la région de Novokouznetsk, on permit aux enfants d’entrer dans la cabine de pilotage. Iana, âgée de treize ans, refusa tout net de prendre les commandes. Elle regarda les lumières de la ville puis retourna immédiatement à son siège. Eldar, âgé de quinze ans, accepta la proposition de son père de piloter l’avion quelques instants. Il saisit une des manette s avec trop de force ce qui désenclencha le pilote automatique. L’avion prit immédiatement une inclinaison sur la droite. Les pilotes n’imaginèrent pas une seconde que les ordinateurs de bord avaient connu une défaillance – à l’époque, les Airbus A320 n’étaient pas équipés de signaux sonores  pour prévenir que le pilotage automatique avait été coupé – et ils ne comprirent pas pourquoi l’avion avait entamé sa descente.

Le co-pilote tenta de redresser l’appareil. Iaroslavl Koudrinski prit les commandes à distance. À cause de l’accélération (G), Eldar ne parvenait pas à s’extraire du siège du commandant et essayait d’exécuter les ordres que lui donnait son père. Mais l’avion continuait de perdre de l’altitude tellement vite que les pilotes ne comprenaient pas où il se trouvait.

« Vire à gauche ! À gauche ! À droite ! À gauche ! Le sol ! Eldar, pousse-toi ! Sors ! Eldar ! Sors ! Sors ! Sors ! Sors ! Je te dis de sortir ! Pleins gaz ! », furent les derniers mots des pilotes que l’une des boîtes noires enregistra avant que l’avion ne s’écrase.

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Le « Glinka » écima des arbres qui poussaient sur les contreforts de l’Alataou. L’appareil se désagrégea, un incendie détruisit ce qu’il en restait. Il n’y eut aucun survivant.

Un éclair dans le ciel

À terre, on comprit vite qu’il s’était passé quelque chose de grave. Après que l’avion avait survolé Novokouznetsk, l’équipage n’avait plus repris contact avec les contrôleurs aériens. Une patrouille de policiers de la route vit un avion en feu au-dessus de la ville. Quelques instants plus tard, dans la colonie pénitentiaire de Maly Maïzac, on remarqua un éclair dans le ciel. On envoya des hommes en reconnaissance. Cette région de Sibérie occidentale est difficile d’accès : elle est couverte de forêts et de marais. En plus, en mars, la température moyenne était encore alors de – 20°C.

Les sauveteurs n’arrivèrent sur les lieux de la catastrophe que vers six heures du matin. Ils furent profondément traumatisés par ce qu’ils découvrirent : des morceaux de la carlingue tordus, carbonisés et recouverts de neige durcie par le kérosène, des arbres abattus, des affaires et des cadavres déchiquetés épars. Les restes de l’appareil continuèrent de brûler pendant quatre jours.

 Le dernier «Glinka»

Les enregistrements des boîtes noires furent déchiffrés en France. Ils permirent de reconstituer la chronologie des événements qui conduisirent à la tragédie et de comprendre comment cela avait pu arriver à un des avions les plus sûrs au monde. L’enquête dura un an et conclut à un concours de circonstances fatal. Les enfants n’auraient jamais dû être autorisés à entrer dans la cabine de pilotage. Non seulement on lesy laissa entrer mais on les installa aux commandes. Les pilotes ne coordonnèrent pas leurs décisions et actions. Ils firent preuve d’inattention et ne remarquèrent pas que le signal lumineux du désenclenchement du pilote automatique s’était allumé. L’équipage était mal préparé aux situations d’urgence. La séquence modélisée sur ordinateur montra que si les pilotes ne pouvaient pas eux-mêmes reprendre le contrôle de la trajectoire, le pilote automatique, lui, aurait pu redresser l’appareil.

Trente ans se sont écoulés depuis la survenue de cette catastrophe aérienne. Airbus a ajouté dans ses instructions que le pilote automatique des A310 peut se désenclencher dans certaines conditions. Depuis, Aeroflot n’a plus jamais donné le nom de Mikhaïl Glinka à aucun appareil.

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