Comment a été construit, puis reconstruit, le Kremlin de Moscou?

Russia Beyond (Sergueï Ginak/Getty Images; Musées de Moscou)
Tous ceux qui ont visité la place Rouge au moins une fois se souviennent de ses célèbres pavés, des bulbes de la cathédrale Basile-le-Bienheureux et des imposants remparts du Kremlin. Ces derniers sont devenus à eux seuls un symbole à part de la Russie et de sa capitale. Comment et par qui ces majestueux murs et tours ont-ils été construits?

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La première forteresse de Moscou et ses remparts ont été un exemple type de l’architecture de fortification slave, en terre et en bois. Les forts en pierre ne sont apparus en Russie que plus tard, principalement en raison de l’abondance de bois.

Le Kremlin de Moscou sous Ivan Kalita, Apollinaire Vasnetsov, 1921

Les toutes premières constructions défensives de Moscou ont demeuré jusqu’en 1177, avant qu’elles ne soient brûlées lors de troubles dynastiques. Puis, de nouvelles fortifications sont apparues – un rempart en terre (qui a été récupéré après le creusage des douves) avec une palissade en bois en son sein. Les douves faisaient jusqu’à 18 mètres de large et environ 5 de profondeur. Le rempart en lui-même était de 7 mètres de haut. Cet aspect des murailles de Moscou a existé jusqu’en 1238, avant qu’elles ne soient détruites par les Mongols.

Plus tard, les remparts de la ville changeront plusieurs fois, mais les plus tenaces resteront ceux d’Ivan Ier, dotés de tours et réalisés en rondin de bois épais. Cependant, ils ne résisteront pas non plus au feu – lors de l’incendie de Tous les saints de 1365, le feu a englouti le Kremlin, ce qui a finalement mené à la décision de réaliser des fortifications en pierre.

Moscou de pierre blanche

Le premier Kremlin en pierre, remplaçant la forteresse en bois, a été construit sous Dimitri Ier Donskoï en 1366-1367. Il a été bâti en calcaire – une roche blanche, ce qui a demandé plus de 100 000 tonnes de pierre. C’est à ce kremlin que Moscou doit son surnom de ville « de pierre blanche ». À l’époque déjà, la longueur des murs mesurait presque deux kilomètres, et le périmètre de la forteresse est devenu très semblable à celui que l’on connaît aujourd’hui. Les remparts ont alors adopté huit ou neuf tours – surtout du côté qui ne joint pas la rivière.

Une vue probable du Kremlin en pierre blanche de l'époque de Dmitri Donskoï. Fin du XIVe siècle

En plus de cent ans d’existence, le mur s’est fortement détérioré – le calcaire est très sensible à l’humidité. Par conséquent, à partir du XVe siècle, les réparations s'enchaînent quasiment sans arrêt.

En 1485, Ivan III engage finalement le plus grand chantier de Russie à l’époque – comme l’exigeait le prestige et l’importance militaire de Moscou. Une nouvelle citadelle est apparue à la place du kremlin de Dimitri Ier.

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Le kremlin d’Ivan III

Sur ordre d’Ivan III, les parties délabrées des murs ont été démolies et les meilleurs ingénieurs italiens ont été invités pour la construction du nouveau kremlin. Pour simplifier, les Moscovites les appelaient « friaz » ou « friazine » – c’est-à-dire des Italiens. Alors, le Milanais Pietro Antonio Solari est devenu Piotr Friazine, Antonio Gislardi de Vicence – Anton Friazine, Marco Ruffo – Mark Friazine et ainsi de suite.

Ivan III le Grand et Aristote Fioravanti

Ridolfo Fioravant de Bologne, en revanche, était surnommé Aristote à Moscou pour souligner son exceptionnalité et son immense talent. Il a été invité dans la capitale par Ivan III pour la construction du plus important lieu de culte du kremlin – la cathédrale de la Dormition. C’est Aristote qui a été à l’origine de la technique de fabrication des briques, qui composent les tours et les murs du Kremlin.  

La nouvelle forteresse a été construite étape par étape, afin de ne pas laisser le cœur de Moscou sans défense. Les fondations du mur de pierre blanche (et parfois des restes entiers du mur de Dimitri Ier) ont été jugées sûres et ont servi de base aux nouvelles murailles.

Kremlin de Moscou sous Ivan III, Apollinaire Vasnetsov, 1921

Le mur de la grandiose forteresse d’Ivan III a atteint la longueur d’environ 2,25 kilomètres. Sa largeur jusqu’à ce jour varie entre 3,5 et 5,5 mètres avec une hauteur de 5 à 19 mètres. Le mur d’Ivan III pouvait se vanter de ses 18 tours, dont plusieurs faisant office de portes. Il a quasiment gardé la même apparence jusqu’au XVIIe siècle. Puis, toutes les tours du Kremlin, qui sont maintenant des symboles de Moscou, ont été ornées de miradors décoratifs, et la plupart des embrasures ont été bouchées. La quantité de tours a aussi augmenté – jusqu’à 20.

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Le Kremlin avait aussi trois tours-tireuses (ce que l’on appelle « barbacanes »), dont une seule a été préservée jusqu’à nos jours, et fortement modifiée – la tour Koutafia.  

 Tour Koutafia

Les murs du Kremlin ne sont renforcés de brique qu’à l’extérieur – à l’intérieur, ils consistent des restes des murs de Dimitri Ier, et sont couverts de solution calcaire pour une meilleure résistance. En tout, plus de 100 millions de briques ont été utilisées lors de la construction, un matériau encore nouveau en Russie. L’on utilisait ce que l’on appelle des briques « à deux mains » de 8-9 kilogrammes. Elles étaient appelées ainsi parce qu’il fallait utiliser ses deux mains pour les lever.

Les murs du Kremlin n’ont pas toujours été rouges, au moins à partir de 1680 ils étaient blanchis à la chaux. Gérard de la Barthe, Vue de Moscou depuis le balcon du Palais du Kremlin vers le pont Moskvoretski, 1797.

Le Kremlin avait un potentiel de défense incroyable pour son époque. Des arches en demi-cercle ont été créées depuis l’intérieur, ce qui a permis de placer des meurtrières sur un niveau inférieur, dédiées autant aux canons qu’aux armes à feu. Les murs conservaient tout de même leur imposante largeur.

Un socle renforcé (le talus) protégeait les murs des tours offensives, des échelles et des tunnels. Au-dessus, la muraille est couronnée de 1 045 créneaux (merlons) en forme de M, que l’on appelle populairement « queue d’hirondelle ». Chaque merlon a demandé 600 briques. En combat, comme dans les forteresses européennes, les espaces entre les créneaux étaient rebouchés par des « boucliers » en bois, et les murs – recouverts d’une toiture en bois.

Apollinaire Vasnetsov, « Librairies sur le pont Spassky », 1916

La douve protégeait également la forteresse – du côté du sol, sur la place Rouge directement. Elle a été nommée la « douve Alevis » d’après l’architecte Alevis « Novi » (le Jeune) Friazine, qui l’a conçue. Elle a existé jusqu’en 1814, avant d’être rebouchée.

Mur du Kremlin et douve sur l'icône de Simon Ouchakov « Louange à Notre-Dame de Vladimir. L’arbre de l’État de Moscou », 1668.

Les forteresses en Russie étaient souvent dotées de cachettes – des galeries souterraines, qui permettaient aux défenseurs assiégés de conserver un accès à l’eau potable, que ce soit un puits ou une sortie vers une douve remplie d’eau.

Cependant, il existait des cachettes avec des sorties au-delà des murs des forteresses – par exemple, pour les contre-attaques. Un tel élément existe au Kremlin – lors de la construction de la tour Taïnitskaïa, un puits caché et une sortie vers la rivière Moskova ont été prévus. Et entre la tour Nabatnaïa et la tour Konstantino-Ieleninskaïa existait une galerie souterraine remplie de boulets de canons.

Au long de son existence, le mur du Kremlin a été endommagé et réparé de nombreuses fois – il recevra des dommages particulièrement importants en 1812 durant la campagne napoléonienne, la restauration ne finira qu’en 1822. En 1917, l’artillerie a attaqué ses murailles, et lors de la Seconde Guerre mondiale, malgré un camouflage ingénieux, des dizaines de bombes ont atteint le Kremlin.

La création des ingénieurs italiens et des constructeurs russes nous est parvenue dans une forme très modifiée, perdant son apparence initiale. Néanmoins, les différentes périodes de l’histoire russe ont laissé leur marque sur le Kremlin et ses célèbres remparts, l’élevant au rang de monument incontournable.

Dans cet autre article, nous vous contions l’histoire de l’apparition de la place Rouge. 

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