Opération Monopoly: quand le FBI creusait un tunnel d’espion sous l’ambassade d’URSS à Washington

Russia Beyond (Photo: Legion Media)
L’«Opération Monopoly» a sans doute été l’un des projets d’espionnage les plus audacieux entrepris pendant la guerre froide.

Suivez Russia Beyond sur Telegram ! Pour recevoir nos articles directement sur votre appareil mobile, abonnez-vous gratuitement sur https://t.me/russiabeyond_fr

Les États-Unis et l’URSS se sont livrés à un jeu d’espionnage du type « chat et souris » pendant toute l’histoire de la guerre froide. Et certaines de leurs tentatives d’espionnage réciproque se sont vraiment distinguées. Sous le nom de code « Opération Monopoly », ce projet classifié a placé la barre très haut, mais a finalement échoué de façon spectaculaire.

La maison de l’autre côté de la rue

En 1977, de mystérieux habitants ont emménagé dans une maison de trois chambres à coucher sur la Wisconsin Avenue à Washington D.C. L’emplacement de la maison était la principale raison pour laquelle les nouveaux propriétaires ont acheté cette propriété. Ses fenêtres offraient une vue imprenable sur un chantier de construction situé de l’autre côté de la rue.

Or, c’est la construction de la nouvelle ambassade soviétique aux États-Unis qui était en cours. L’emplacement de la nouvelle institution était stratégique, c’est le moins que l’on puisse dire. Le nouveau complexe était situé sur une colline, le deuxième point le plus élevé de la capitale américaine. En contrebas, à cinq kilomètres, se trouvait la Maison Blanche ; le Capitole un kilomètre plus loin.

Étonnamment, le Département d’État américain n’avait pas consulté la communauté du renseignement lorsqu’il avait approuvé l’attribution du terrain aux Soviétiques, prenant le contre-espionnage américain par surprise.

« Nous étions absolument hors de nous. [Le département d’État] n’a jamais pris la peine de consulter la communauté du renseignement, le FBI ou la NSA », aurait déclaré Dick Alu, ancien agent du FBI, dans un livre consacré à cet incident.

La principale préoccupation des services de sécurité américains était que l’emplacement de la nouvelle ambassade permettrait à ses occupants d’intercepter les micro-ondes et d’écouter les communications radio, ce qui signifiait que leur rival de la guerre froide pourrait théoriquement être en mesure d’écouter les communications secrètes entre la Maison Blanche, le Département d’État, le Pentagone et la CIA.

Pour éliminer ce danger menaçant, le FBI, en collaboration avec la NSA, a entrepris un projet d’espionnage audacieux : l’« Opération Monopoly ».

Le KGB en état d’alerte

Les services de renseignements américains avaient besoin de mettre sur écoute la nouvelle ambassade soviétique. Cependant, cela s’avérait plus facile à dire qu’à faire. Les Soviétiques avaient perfectionné leurs compétences en matière de contre-espionnage au cours de la longue rivalité de la guerre froide. Ils inventaient constamment de nouvelles méthodes qui leur permettaient d’espionner les diplomates américains en Union soviétique. Par exemple, lors de la construction de l’ambassade américaine à Moscou à la fin des années 1970, le KGB l’a truffée de mouchards dès la phase de maçonnerie. En outre, le KGB a fait de Moscou la destination la plus difficile à travailler pour les agents de la CIA dans le monde entier.

Partant du principe que le même scénario serait appliqué contre eux aux États-Unis, les Soviétiques ont pris des mesures de précaution approfondies pour empêcher que cela ne se produise. Chaque cadre de fenêtre était démonté, inspecté à la recherche de mouchards, puis remonté avant d’être approuvé pour installation ; les dalles de marbre utilisées pour le revêtement étaient spécifiquement sélectionnées de manière à ne pas comporter de cavités dans lesquelles des mouchards pourraient être insérés ; en outre, le KGB radiographiait chaque centimètre de matériau de construction la nuit précédant sa mise en place par les ouvriers.

Pour contourner le mur d’espionnage apparemment impénétrable des Soviétiques, le FBI a par conséquent dû sortir des sentiers battus. Il a rapidement trouvé une idée non conventionnelle et outrageusement coûteuse.

Le tunnel

Les services de renseignements américains ont en réalité décidé d’acheter la maison en face du chantier de construction, d’y creuser un tunnel qui mènerait directement à l’ambassade soviétique, puis d’installer du matériel d’écoute juste en dessous.

En cas de succès, l’équipement dans le tunnel devait permettre aux services de renseignement américains d’écouter les communications soviétiques se déroulant dans la nouvelle ambassade, révélant ainsi si les Soviétiques avaient eu accès à des communications gouvernementales sécurisées ou non.

Le FBI a commencé à creuser le tunnel alors que l’ambassade soviétique était en construction. Les travaux devaient être exécutés avec une extrême prudence afin de ne pas alerter le KGB qui cherchait constamment les moyens par lesquels aurait pu être compromise la nouvelle ambassade. Le projet a donc été tenu secret et la terre et les déblais secrètement transportés hors du site sous le voile de la nuit.

La construction de la nouvelle ambassade soviétique a duré plus d’une décennie, tout comme celle du tunnel d’espionnage. Au total, l’« Opération Monopoly » a coûté des centaines de millions de dollars au budget américain.

À un moment donné, certains hauts responsables du FBI ont remis en question le projet, en raison de la somme d’argent qu’il nécessitait. En cas d’exposition, ils craignaient que des millions de dollars ne soient gaspillés.

En outre, le FBI ne disposait pas d’un schéma précis du nouveau bâtiment de l’ambassade.

« Le problème était que vous ne saviez pas où vous alliez débarquer. Nous avions les plans, mais vous ne savez pas à quoi sert une pièce. Cela peut finir par être une salle de photocopie ou une salle de stockage. Ce que vous voulez, c’est une salle de café où les gens parlent. Ou une pièce sécurisée où ils pensent que personne ne peut les entendre », aurait déclaré un ancien agent du FBI.

Néanmoins, la principale préoccupation de la communauté du renseignement américaine était que les micros d’espionnage avancés qu’ils avaient insérés dans le tunnel après son achèvement n’ont donné aucun résultat. Une explication possible était que les Soviétiques les avaient repérés et neutralisés. Aussi douloureux que cela puisse être, les services de renseignement américains devaient supposer qu’une taupe se trouvait dans leurs rangs.

L’agent double

Les pires craintes du FBI ne sont devenues réalité qu’en 2001, lorsque l’existence du tunnel a été révélée publiquement après l’arrestation de l’agent du FBI Robert Hanssen, accusé d’espionnage dix ans après l’effondrement de l’URSS.

Il s’est avéré que l’agent double avait trahi le projet auprès du KGB dès 1989 et qu’il avait continué à travailler pour les Russes après la disparition de l’Union soviétique. Pendant toutes ces années, les services de renseignement soviétiques – puis russes – avaient été au courant des tentatives du FBI d’écouter des conversations secrètes dans l’ambassade de Russie sur Wisconsin Avenue à l’aide du tunnel d’espionnage secret.

Après son arrestation et la révélation qui s’est ensuivie, Robert Hanssen a été condamné à 15 peines consécutives de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle à ADX Florence, une prison fédérale de très haute sécurité située près de Florence, dans le Colorado.

N’ayant pas de meilleure option, le FBI a décidé de sceller le tunnel depuis le côté de la maison sur Wisconsin Avenue.

Comme l’a dit un agent du FBI : « Bien sûr, vous voulez le sceller... Comment aimeriez-vous vivre dans la maison et que les Russes entrent soudainement ? ».

Dans cet autre article, découvrez comment le KGB a recruté de célèbres acteurs soviétiques.

Chers lecteurs,

Notre site web et nos comptes sur les réseaux sociaux sont menacés de restriction ou d'interdiction, en raison des circonstances actuelles. Par conséquent, afin de rester informés de nos derniers contenus, il vous est possible de :

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

À ne pas manquer

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies