Les cinq principales révolutions de palais de l’histoire russe

Catherine II près du cercueil d'Élisabeth Ire

Catherine II près du cercueil d'Élisabeth Ire

Nikolaï Gay
Les échos d’un acte terrible commis par le premier empereur russe ont résonné tout au long du XVIIIe siècle, lorsque la Russie a connu cinq changements violents de souverains.

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Pierre le Grand aimait son État plus que son propre fils. Contrairement à Ivan le Terrible, dont l’implication dans la mort de son héritier est mise en doute, le tsar Pierre a personnellement ordonné la torture de son fils, le tsarévitch Alexis, pour haute trahison et sa tentative de fuite en Europe. Sous la torture, Alexis est probablement mort. « Pour ma patrie et mon peuple, je n’ai pas épargné ma vie, alors comment pourrais-je avoir pitié de toi, créature obscène », a écrit Pierre à son fils.

Le tsar lui-même a été si choqué par la trahison de son fils que, quelques années après la mort de celui-ci, il a promulgué l’infâme loi de 1722 sur la succession au trône. Le décret abolissait l’ancienne coutume de la succession masculine au trône et ordonné au monarque de désigner un héritier de son choix. À sa mort, Pierre n’a cependant jamais désigné d’héritier.

Catherine Ire

Catherine Ire

Il est dit que l’empereur Pierre, mourant, aurait écrit ou prononcé : « Donnez tout... » et qu’à ce moment-là, son discours aurait été interrompu. Aucune preuve véritable n’a néanmoins été conservée. Après sa mort, son seul héritier mâle était son petit-fils et homonyme, Pierre, le futur Pierre II.

En 1724, Pierre le Grand avait couronné sa femme Catherine comme impératrice de Russie. Cependant, elle n’était non seulement pas issue de la famille Romanov, mais provenait de la simple population. Cependant, Catherine avait de son côté le bras droit de Pierre, Alexandre Menchikov, et le chef de la politique étrangère du pays, Andreï Osterman. Catherine elle-même était inconsolable après la mort de son mari et n’a pratiquement pris aucune part à la décision sur son propre sort.

Dans la nuit du 28 janvier 1725, alors que l’empereur était à l’article de la mort, Alexandre Menchikov a convoqué une réunion spéciale à laquelle ont assisté tous les grands dignitaires de l’Empire. Une vive dispute a alors opposé les partisans de Catherine à la vieille aristocratie, qui soutenait Pierre II. Au milieu de la discorde, les gardes impériaux des régiments Preobrajenski et Semionovski ont fait irruption dans la salle d’audience. Ils étaient du côté du titulaire en la personne de Menchikov. Les gardes ont ainsi exigé l’intronisation de l’impératrice Catherine.

En guise de compromis avec les partisans de Pierre II, celui-ci a toutefois été déclaré suivant dans l’ordre d’accession au trône, ce qui a ensuite été inscrit dans le testament de Catherine Ire. Lorsqu’elle est décédée en 1727, toujours en deuil de son mari, il n’y a pas eu de coup d’État – Pierre II a succédé au trône.

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Anna Ivanovna

Anna Ivanovna

Pierre II n’a pas régné longtemps, il est mort de la variole en janvier 1730. Or, il n’a pas laissé de testament et n’a pas déclaré d’héritier. Avec sa mort, la dynastie Romanov a été interrompue en ligne masculine directe. Des descendants du premier empereur, Pierre, il n’en restait que deux. Il s’agissait du petit-fils de l’empereur, Karl Peter, fils de sa fille Anna et du duc Charles-Frédéric de Holstein-Gottorp, et de sa propre fille, Élisabeth.

Cependant, les « verkhovniki », membres du Haut conseil secret, qui gouvernaient alors la Russie – les princes Golitsyne et Dolgoroukov, issus de la vieille aristocratie moscovite, ont présenté leur candidature. Du point de vue des aristocrates, Élisabeth (1709-1762) était née en dehors du mariage légitime de ses parents, et le prince Karl était protestant. Il a donc été décidé d’introniser les héritiers du frère et codirigeant de Pierre le Grand, Ivan V. Sa fille, Anna Ivanovna avait, en 1710, épousé Friedrich Wilhelm, duc de Courlande, et était devenue régente du trône de Courlande après sa mort.

Anna a donc été invitée à monter sur le trône si tant est qu’elle acceptait de signer les « Conditions », un document rédigé par les membres du Haut conseil secret. Selon ses termes, Anna n’avait pas le droit de gérer le budget de manière indépendante, de déclarer la guerre, de nommer un héritier – en fait, elle devait devenir un souverain fantoche.

Cependant, en arrivant pour son couronnement à Moscou, Anna s’est rendue compte que la société et la noblesse étaient de son côté. De plus, l’impératrice a profité de l’aide de la garde. Comme l’a décrit l’ambassadeur espagnol de Liria, « Les officiers de la garde et d’autres, qui étaient en grand nombre, en présence de la tsarine, ont commencé à crier qu’ils ne voulaient pas que quelqu’un prescrive les lois de leur souveraine, qui devait être la même autocrate que ses prédécesseurs ». En conséquence, Anna, en présence de tous les dignitaires, a déchiré les malheureuses « Conditions » et commencé à gouverner de manière indépendante.

Ivan VI (Anna Leopoldovna)

Ivan VI Antonovitch

Anna Ivanovna a fait tout son possible pour que le trône de Russie ne quitte pas la lignée d’Ivan V. Quelques jours avant sa mort, elle a désigné le mineur Ivan Antonovitch, son petit-neveu, comme héritier. Ivan était le petit-fils de sa sœur aînée Catherine. Catherine avait épousé Charles Léopold de Mecklembourg-Schwerin et donné naissance à sa fille Anna Leopoldovna. Était ensuite venu au monde son fils par mariage avec Anton Ulrich de Braunschweig, Ivan Antonovitch.

Intronisé sous le nom d’Ivan VI, il a été déclaré empereur en 1740 sous la régence d’Ernst Biron – un favori de feu Anna. Après seulement deux semaines, les gardes ont cependant arrêté ce dernier et proclamé Anna Leopoldovna régente du trône. Toutefois, après un an de ce règne, le pouvoir a été pris par Élisabeth Ire. La « famille Braunschweig » – Anna Leopoldovna, Anton Ulrich, leur fils héritier et d’autres enfants – a été exilée dans le Nord de la Russie, puis Ivan VI a été séparé de ses parents et placé en isolement à Chlisselbourg, où il a été assassiné en tentant de s’échapper en 1764.

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Élisabeth Ire

Portrait idéalisé de parade d'Élisabeth Ire

Une partie de la société russe avait été indignée lorsque le trône est passé au mineur Ivan Antonovitch après Anna Ivanovna – après tout, la propre fille de Pierre le Grand, Élisabeth, s’avérait bien vivante. Depuis sa jeunesse, elle avait été écartée de la cour impériale par Anna Ivanovna, qui craignait qu’Élisabeth ne lui ravisse son trône. Étant donné que sous Anna, le pays était principalement dirigé par ses amis allemands – Ernst Biron, le maréchal Burckhardt Münnich, le chancelier Andreï Osterman – Élisabeth était également soutenue comme étant « véritablement Russe ».

Élisabeth avait des relations amicales avec les gardes des régiments Preobrajenski et Semionovski établis par son père. Elle visitait les casernes, participait aux festivités des Gardes, et baptisait même leurs enfants.

Dans la nuit du 25 novembre 1741, Élisabeth est par conséquent apparue à la caserne du régiment Preobrajenski à Saint-Pétersbourg et a prononcé ses célèbres mots : « Les gars ! Vous savez de qui je suis la fille, suivez-moi ! ». De la caserne, elle s’est rendue avec les gardes directement au Palais d’Hiver, où Anna Leopoldovna et son mari Anton Ulrich ont été arrêtés. Lorsque l’on a apporté à la tsarine le bébé Ivan VI, Élisabeth l’a pris dans ses bras en lui disant : « Petit, tu n’es coupable de rien ! ». Ce qui ne l’a pas empêchée de condamner rapidement le « petit » à la prison à vie.

Catherine II

Catherine II

Élisabeth souhaitait laisser le trône à la lignée de Pierre le Grand et a désigné de son vivant comme successeur le prince de Holstein Karl Peter, le futur empereur Pierre III, qui depuis 1742 vivait en Russie avec son épouse Sophie Frédérique, la future Catherine II.

Pierre a régné pendant un peu plus de six mois – de décembre 1761 à juin 1762, date à laquelle il a été renversé par sa propre femme. Pendant son règne, il a réussi à monter contre lui les militaires (en faisant la paix avec la Prusse) et le clergé (en annonçant la sécularisation des terres de l’Église). En 1762, Catherine s’est ouvertement opposée à son mari et a rassemblé un cercle de sympathisants autour d’elle. Elle avait non seulement des dignitaires de haut rang à ses côtés, mais aussi la Garde – les régiments Preobrajenski et Izmaïlovski (ce dernier dirigé par Kirill Razoumovski, proche de Catherine).

Le coup d’État a eu lieu le 28 juin 1762 : l’empereur Pierre III était hors de la ville pour célébrer sa fête patronale, tandis qu’à Saint-Pétersbourg, les gardes, puis les fonctionnaires du Sénat et du Synode ont prêté serment à Catherine en tant que nouvelle impératrice. Pierre a appris son renversement par le fait – et après quelques semaines d’agitation et de tentatives léthargiques de reprendre le pouvoir, il a signé son abdication. Cela s’est produit le 12 juillet 1762, et du 16 au 17 juillet, l’empereur est mort dans des circonstances peu claires. L’on ne sait pas si Catherine était au courant de la conspiration contre la vie de son mari.

Le manifeste de son accession au trône indiquait que la raison du renversement de Pierre était sa tentative de changer la religion d’État et la paix avec la Prusse. Pour justifier ses propres droits au trône (en évitant l’héritier, Paul), Catherine s’est référée au « désir de tous nos fidèles sujets, manifeste et sans hypocrisie ». En octobre 1762, elle a été couronnée à Moscou.

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