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« Elle ravissait tout le monde, du monarque à son dernier sujet, avec une beauté typiquement russe et l’éclat du talent », c'est ainsi que l'artiste Alexander Benois a parlé de Nadejda Plevitskaïa, l'une des chanteuses les plus populaires et les plus en vue de l'Empire russe du début du XXe siècle.
Profitant de la vie de bohème, de l'amour et de l'admiration d’une armée de fans, parmi lesquels se trouvait l'empereur Nicolas II lui-même, elle ne pouvait même pas imaginer qu'un jour, elle devrait collecter des informations secrètes et même participer à un enlèvement.
« Rossignol de Koursk »
Née dans une famille paysanne de la province de Koursk, Nadejda Plevitskaïa (née Vinnikova) s’est hissée sur les meilleures scènes de théâtre du pays grâce à son talent exceptionnel et à son travail acharné. La marque de fabrique de la chanteuse était les chansons folkloriques russes interprétées avec son incroyable voix de mezzo-soprano.
Le critique de théâtre Alexander Kouguel, qui a assisté au concert de Nadejda à Kislovodsk, a ainsi décrit les émotions qui l'ont alors envahi : « Quand Plevitskaïa a commencé à chanter, tout est soudainement devenu frais, le vent a soufflé sur les champs, l'odeur du seigle mûr s’est élevée, les bleuets ont pris un bleu intense et il semblait que la terre respirait profondément... En écoutant, j'avais envie de pleurer ».
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Sur invitation spéciale, la chanteuse s'est produite devant la famille du tsar. Après le concert, Nicolas II s'est approché d'elle et lui a dit : « Je vous ai écoutée aujourd'hui avec grand plaisir. On m'a dit que vous n’aviez jamais étudié le chant. Ne l'étudiez jamais. Restez comme vous êtes. J'ai entendu beaucoup de rossignols savants, mais ils chantaient pour l'oreille, et vous pour le cœur. Appuyant sa main sur son cœur, le monarque ajouta : « La chanson la plus simple interprétée par vous devient significative et pénètre ici ».
Pendant la Première Guerre mondiale, le « rossignol de Koursk » (comme l’avait surnommée l'empereur) est allé sur le front, où elle a servi comme infirmière à l'hôpital, et a également soutenu le moral des soldats en donnant devant eux des concerts caritatifs. Pour son travail désintéressé, Plevitskaïa a reçu l'Ordre de Sainte-Anne.
L’émigration
Le tourbillon de la guerre civile qui s'est abattu sur la Russie n'a pas épargné la célèbre cantatrice. Au départ, Plevitskaïa est restée sur le territoire soviétique et se produisait devant les soldats de l'Armée rouge ; mais par hasard, elle s'est retrouvée dans le camp des Blancs, où elle a trouvé un nouvel amour - le jeune général Nikolaï Skobline.
Avec lui, elle a quitté la Russie après la victoire des bolcheviks. Le couple a déménagé en France, et a beaucoup voyagé en Europe et aux États-Unis, où Nadejda a donné avec succès des concerts pour les émigrés russes nostalgiques de leur patrie perdue.
Cependant, son audience était très limitée et le public étranger n'était pas du tout intéressé par les chansons folkloriques russes. En conséquence, les difficultés financières ont commencé à s'accumuler. C'est alors que les agents du renseignement soviétique sont apparus à l'horizon.
« Rossignol » rouge
L'ancêtre du KGB, la Direction politique d’État unifiée auprès du Conseil des commissaires du peuple de l'URSS (OGPOu), lorgnait sur Nikolaï Skobline et sa femme depuis un certain temps. Le fait est que le général occupait l'un des postes clés de l’Union générale des combattants russes (ROVS) - la plus grande organisation d'émigrés blancs impliquée dans la lutte contre l'Union soviétique.
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Le 2 septembre 1930, le collègue de Skobline, Piotr Kovalski, qui avait autrefois combattu pour les Blancs pendant la guerre civile et qui travaillait maintenant à l’OGPOu sous le pseudonyme de « Silvestrov », a rendu visite aux époux. Il a recruté le couple désespéré, leur promettant une amnistie et la possibilité de retourner en URSS à l’avenir, où les attendait une bonne position dans l'Armée rouge pour l’un, et une brillante carrière de chanteuse pour l’autre.
Recevant une rémunération généreuse de leurs nouveaux supérieurs, le général et son épouse, connus à Moscou sous les pseudonymes de « fermier » et « fermière », ont fourni à l'Union soviétique de précieuses informations sur les activités du ROVS pendant sept ans. Grâce à eux, les tchékistes ont pu, entre autres, neutraliser 17 agents de l'organisation en URSS et identifier 11 cellules dans des appartements à Moscou, Leningrad (Saint-Pétersbourg) et en Transcaucasie.
Le cas le plus important dans lequel étaient impliqués les « fermiers » était leur participation à l'enlèvement du chef du ROVS, le général Evgueny Miller, qui a été emmené à Moscou et exécuté peu après. C'est Skobline qui, le 22 septembre 1937, a emmené son patron à une rencontre fatale avec deux employés de l'ambassade d'Allemagne (les émigrants avaient décidé de se rapprocher du IIIe Reich, ce qui a obligé l'URSS à agir plus activement à leur égard), qui se sont avérés être des agents soviétiques.
Miller soupçonnait son entourage d’avoir de mauvaises intentions et a laissé une note sur la table avant de partir, où, après avoir indiqué le lieu et l'heure de la rencontre, il précisait : « La rencontre est organisée à l'initiative de Skobline. C'est peut-être un piège ».
Après la disparition du général, les employés du ROVS sont venus chercher le coupable le plus probable de ce qui s'est passé, mais il a réussi à s'échapper sous leur nez. Avec l'aide de l'Union soviétique, Nikolaï Skobline a été transféré en Espagne, où il a bientôt mystérieusement disparu sans laisser de trace dans le chaos de la guerre civile.
Le « rossignol de Koursk » a été punie pour les deux. Le 24 septembre, elle est arrêtée par la police française. Malgré le fait qu'une table de chiffrement ait été trouvée dans sa bible personnelle lors de la perquisition, elle a plaidé non coupable.
Nadejda Plevitskaïa a été accusée de « complicité dans l'enlèvement du général Miller et de violence à son encontre », ainsi que d'espionnage pour le compte de l'Union soviétique. Elle a été condamnée à 20 ans de prison, le président Albert Lebrun ayant refusé de la gracier.
La chanteuse purgeait sa peine à la prison de Rennes lorsque la France a été occupée par les troupes allemandes. Le 1er octobre 1940, elle est morte subitement à l'âge de 56 ans. Les nazis, qui avaient attentivement étudié son dossier personnel, n’étaient peut-être pas étrangers à son décès.
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