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À la fin de sa carrière militaire en 1804, l'amiral Fiodor Ouchakov, revenant sur son long service dans la marine russe, écrivit : « Grâce à Dieu, dans toutes les batailles susmentionnées avec l'ennemi et dans toute (l’histoire de) la flotte sous mon commandement en mer, avec la préservation de Sa Très Haute Bonté, pas un seul navire n'a été perdu et pas un seul de nos hommes n'a été fait prisonnier par l'ennemi ». Ces mots n'étaient absolument pas exagérés - Ouchakov est vraiment sorti victorieux de toutes les petites et grandes batailles navales auxquelles il a participées.
Dans les batailles navales du XVIIIe siècle, les adversaires adhéraient généralement à des tactiques linéaires : les navires des camps opposés s'alignaient uniformément les uns en face des autres et s’engageaient lentement dans de longues heures de bataille. Il était extrêmement difficile de créer une supériorité de forces pour l'attaque l'une ou l'autre partie de la flotte ennemie dans ces conditions sans briser la formation. Ouchakov, d'autre part, était l'un des rares commandants navals qui n'avait pas peur de prendre des risques et d'agir hors des schémas établis. Il a audacieusement bouleversé, si nécessaire, la formation de combat, improvisé, divisé les forces, manœuvré, créant un avantage dans la direction d’attaque principale, qui visait généralement les vaisseaux amiraux ennemis. La destruction de ces derniers semait nécessairement la confusion et le chaos dans les rangs de l'ennemi.
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Dans le même temps, le vaisseau amiral de Fiodor Ouchakov lui-même, contrairement aux canons établis, n'était le plus souvent pas situé au centre de la formation de combat, mais était invariablement présent dans les secteurs décisifs de la bataille, au plus près de l'ennemi. Les équipages des navires admiraient la fermeté de caractère, le courage personnel et la volonté inflexible de leur commandant. « Ouchakov a toujours pris en compte l'importance de maintenir un moral élevé chez ses subordonnés. Il a su inspirer les marins et les officiers à surmonter toutes les difficultés et à les faire tendre vers un objectif commun - la victoire sur l'ennemi », a déclaré Iouri Rall, vice-amiral de la marine soviétique.
L’heure de gloire d'Ouchakov a été la guerre russo-turque de 1787-1791, au cours de laquelle il a réussi à infliger un certain nombre de défaites douloureuses aux Turcs. Le succès a souvent été obtenu malgré la supériorité numérique de l'ennemi, en raison de la surprise créée par les attaques de la flotte russe et l'utilisation, par le commandant, de tactiques qui n'étaient pas courantes à l'époque, comme le fait de s'approcher de la flotte ennemie à courte distance sans reconstruire la formation de combat et l’utilisation efficace de « l'escadron du drapeau-Kaiser » - une réserve de navires permettant d’obtenir le succès sur l’axe principal de l’attaque.
La principale victoire d'Ouchakov et de toute la flotte russe dans cette guerre a été remportée lors de la bataille du cap Kaliakra, le 11 août 1791. La flotte turco-algérienne était ancrée en mer et défendue par des batteries côtières, lorsqu'une escadre russe est soudainement apparue dans l'espace la séparant du rivage, semant le chaos et la confusion dans les rangs de l'ennemi. Les tentatives de la flotte turque, subissant de lourdes pertes, de s'aligner en ordre de bataille n'aboutirent à rien, et les batteries côtières durent cesser le feu de peur de toucher les leurs. La défaite subie à Kaliakra a forcé l'Empire ottoman à rechercher d'urgence la paix avec la Russie.
Fait paradoxal, Fiodor Ouchakov, qui a tant combattu avec succès contre les Turcs, les avait lui-même menés au combat en 1798. Au cours de la deuxième coalition anti-française, la Russie et l'Empire ottoman étaient alliés, et le commandant de la marine était à la tête d’une escadre unie opérant en Méditerranée. L'une des tâches principales était la libération des îles Ioniennes à l'ouest de la Grèce.
L'île la plus grande et la plus importante de l'archipel était Corfou, qui abritait la ville bien fortifiée du même nom avec une garnison de trois mille hommes. 500 autres Français se trouvaient dans des bastions sur la petite île de Vido, que le commandant naval russe a décrit avec précision comme la « clé » de la ville. Ouchakov avait un peu moins de huit mille soldats à sa disposition, la plupart étant des Turcs et des miliciens grecs.
Après plusieurs mois de siège, le 1er mars 1799, le commandant de la Marine russe décide de lancer l'assaut. Pendant quatre heures, l'escadre alliée tire sur les fortifications françaises de Vido. La canonnade n'était pas encore terminée qu’Ouchakov donne l'ordre de commencer le débarquement de deux mille hommes. Dans le même temps, le vaisseau amiral du commandant a attaqué avec audace les batteries côtières ennemies. « Des tirs continus et terribles et le vacarme des gros canons faisaient trembler dans tous les environs... Vido, pourrait-on dire, a été complètement soufflée par la chevrotine, et pas seulement les tranchées... il ne restait plus aucun arbre qui n’eût été endommagé par cette terrible grêle de fer... », a rappelé un témoin oculaire de la bataille.
La prise de Vido a permis à l'artillerie russe de bombarder Corfou depuis ses collines en toute sécurité. Finalement, la garnison ennemie a capitulé. Grâce à l'intervention de l'amiral, les Français capturés ont été sauvés du massacre que les troupes turques voulaient leur infliger. « Hourra ! À la flotte russe !... Je me dis maintenant : pourquoi n'étais-je pas à Corfou, au moins à titre de maître principal ! », a déclaré un autre chef militaire célèbre, Alexandre Souvorov, qui admirait le succès d'Ouchakov.
La campagne méditerranéenne a été la dernière grande campagne militaire de la vie de Fiodor Ouchakov. En 1807, il prend sa retraite et se rend dans son village d’Alexeïevka, dans la province de Tambov. L'amiral a consacré les dix dernières années de sa vie à la religion, à la prière et à la charité. Il fréquentait régulièrement le monastère voisin de Sanaksar et se rendait à tous les services : malgré son âge avancé (il avait déjà plus de 60 ans), il était aussi assidu que les frères monastiques. Pendant le carême, le commandant de la marine vivait dans un monastère, dans une cellule spécialement prévue pour lui.
La vie pieuse de Fiodor Ouchakov a incité l'Église orthodoxe russe à classer en 2000 l'amiral comme saint vénéré localement du diocèse de Saransk, et en 2004, comme saint à l’échelle nationale en tant que guerrier juste. L'acte de sa canonisation disait : « La force de son esprit chrétien s'est manifestée non seulement par de glorieuses victoires dans les batailles pour la Patrie, mais aussi par une grande miséricorde, qui étonnait même l'ennemi qu'il avait vaincu... la miséricorde de l'amiral Fiodor Ouchakov s’étendait sur tout le monde ».
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