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À la fin du XIXe siècle, l’empire des Qing n’était plus qu’un pâle reflet de sa puissance d’antan. Il s’est progressivement transformé en une sorte de semi-colonie des puissances européennes, des États-Unis et du Japon, qui l’exploitaient sans pitié. Incapable d’opposer une quelconque résistance aux pressions étrangères, l’élite politique s’intéressait uniquement à la manière de conserver le pouvoir et de tirer un quelconque avantage de cette situation, sans se préoccuper du reste de la population chinoise qui s’est donc rapidement appauvrie.
Le mécontentement des Chinois vis-à-vis de la domination étrangère a mené à la création de nombreuses sociétés secrètes, et notamment à celle des Yìhétuán Qiyi, connue en Occident sous le nom de Boxeurs car ses membres pratiquaient un art martial, où les poings sont utilisés.
En 1899, les Boxeurs se sont soulevés en masse contre les « diables étrangers », comme ils les appelaient et qui, selon eux, introduisaient des pratiques étrangères et dangereuses dans leur pays, troublant les fondements traditionnels séculaires de la société chinoise. Les Boxeurs tuaient les étrangers, y compris les prêtres chrétiens et leurs compatriotes convertis au christianisme. « Les Boxeurs ne se contentaient pas de détruire et d’incendier les églises et les monastères, mais tuaient aussi les orthodoxes et les chrétiens albanisiens (descendants des Cosaques russes installés en Chine au XVIIe siècle, ndlr), dans la mission elle-même comme dans ses environs. Les cadavres des chrétiens étaient jetés dans un puits, et les vivants étaient parfois jetés avec les morts... Les Boxeurs ont même coupé les arbres et détruit le cimetière russe derrière les murs de la ville, ils ont brisé les pierres tombales et jeté les os des corps enterrés », se souvient Ivan Korostovets, diplomate et témoin de la destruction de la mission spirituelle russe à Beiguan.
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Le gouvernement de l’impératrice Cixi n’était pas capable de réprimer la rébellion et n’a pas tardé à se joindre au mouvement. Une intervention à grande échelle de l’Alliance des huit nations, composée de la Russie, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la France, des États-Unis, du Japon, de l’Autriche-Hongrie et de l’Italie a suivi. De leur côté, en juin 1900 les Chinois ont attaqué le Chemin de fer de l'Est du pays, en Mandchourie, appartenant à l’Empire russe, et assiégé le quartier des ambassades, à Pékin, où les diplomates étrangers et leurs familles se sont réfugiés sous la protection de quelques centaines de soldats. « Le plus dur et le plus incertain, pendant ces deux mois de siège, étaient les trois premières semaines. Le matin, nous ne savions pas si nous serions toujours vivants le soir et le soir, nous ne savions pas si nous verrions la lumière du jour suivant », racontait le médecin Vladimir Korsakov, qui se trouvait sur les lieux.
Malgré l’avantage du nombre, les troupes de l’empire Qing et les Boxeurs étaient nettement moins bonnes au combat que celles des forces Alliées. « Le soldat chinois n’est pas lâche, mais il n’est pas formé à être courageux, à se contrôler, à être un soldat comme le sont les Européens », notait Korsakov. Après la prise des forts de Taku, sur le fleuve Hai He, et de Tianjin, les troupes de l’Alliance espéraient prendre la capitale. Les 30 000 soldats défendant Pékin se sont retrouvés face à 9 000 Japonais, 5 000 Russes, 2 000 Américains et 800 soldats français ainsi que 3 000 Cipayes, des soldats indiens envoyés par la Grande-Bretagne.
Ce sont les soldats russes qui ont attaqué en premier. La nuit du 14 août, le régiment du capitaine en second Iaroslav Gorski a mené une attaque surprise et égorgé le soldat gardant les portes de Dongbianmen, qui ont plus tard été détruites par l’artillerie russe. Les soldats ont réussi à rentrer et à hisser le drapeau russe sur les murs. « Le tonnerre et la foudre des canons, les tirs brusques de nos artilleurs, la riposte désordonnée des Chinois et le grondement terrible des mitrailleuses russes, les attaques, au clair de Lune, des portes noircies par les siècles et des murs de cette cité millénaire... C’était la première attaque de Pékin, menée par les Russes », écrivait le journaliste Dmitri Iantchevetski, qui se trouvait sur place.
Le reste des troupes de l’Alliance n’a attaqué qu’au matin. Toute la journée, les forces japonaises ont mené une bataille acharnée pour les portes de Dongbianmen, et ont même demandé le soutien de l’artillerie russe. Les Américains sont les derniers à avoir pris part à la bataille. Quand les Britanniques et les Français sont ensuite entrés dans la ville, ils n’ont presque pas croisé d’ennemis. Les troupes de l’Alliance ont ensuite ouvert le quartier des ambassades. À la fin de la journée, la ville était sous leur contrôle. Ce sont les Russes et les Japonais qui ont subi le plus de pertes lors de l’opération : environ 60 morts et près de 200 blessés.
Le 15 août, après un rapide bombardement, l’artillerie américaine a pris le palais de la Cité interdite, d’où l’impératrice Cixi s’était déjà enfuie. Dans les jours qui ont suivi, les forces de l’Alliance ont dévasté et pillé la ville, tuant les Boxeurs, les soldats et la population civile. Ce n’est que longtemps après ces événements que ces puissances se sont accusées mutuellement de ces crimes, chacune rejetant la faute sur ses alliés d’alors.
Après la prise de Pékin, les Russes ont écrasé leurs adversaires en Mandchourie, contrôlant la région en un rien de temps, et ont commencé à reconstruire le Chemin de fer de l'Est chinois. En septembre 1900, l’impératrice Cixi a changé de camp et a ordonné à ses soldats de tuer tous les Boxeurs du pays. Un an plus tard, la révolte des Boxeurs était totalement écrasée et les alliés ont contraint la Chine à signer le « Protocole de paix Boxer ». En accord avec ce protocole, l’Empire du Milieu avait, entre autres, l’obligation de payer des impôts aux alliés, l’interdiction d’importer des armes ou des munitions pendant deux ans, devait détruire de fort de Taku et donner aux forces européennes, américaines et japonaises un certain nombre de places fortes entre la côte et la capitale.
« Pékin a été prise dans le sang et la sueur par deux alliés fidèles, la Russie et le Japon. Pour la première fois, sous le feu et les balles, nous étions des frères d’armes », écrivait Iantchevetski. Les relations alliées entre ces deux nations n’ont cependant pas duré longtemps : quelques années plus tard, ces deux empires se déclaraient la guerre, qui s’est terminée en véritable catastrophe pour la Russie et qui a sérieusement ébranlé sa position en Extrême-Orient.
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