Quel pays a été l’ennemi juré de la Russie des tsars au cours de l’histoire?

Guerre russo-turque de 1877-1878

Guerre russo-turque de 1877-1878

Viktor Mazourovski
Très souvent au cours de son histoire, la Russie a combattu militairement la Turquie. Et les Russes sont presque toujours sortis vainqueurs de ces conflits.

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Pendant quatre siècles, la Russie et l'Empire ottoman se sont livré une lutte sanglante pour dominer la côte de la mer Noire, les Balkans et le Caucase. Les pays ont connu plus de dix guerres et conflits armés depuis le milieu du XVIe siècle jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. En moyenne, moins de 25 ans s’écoulaient avant que les soldats des puissances adverses ne s’entrechoquent à nouveau sur le champ de bataille.

Le premier affrontement militaire entre les Russes et les Turcs de l'histoire remonte à 1541. À l’époque, le khan du Khanat de Crimée, qui dépendait politiquement de l'Empire ottoman, Sahib I Giray, entreprit une campagne contre Moscou, demandant l'aide du sultan sous la forme d'un détachement de janissaires et de systèmes d’artillerie. Les troupes russes ont remporté une victoire écrasante : « Les braves soldats du tsar ont battu de nombreux Tatars et détruit de nombreux canons turcs ». 

Les Vainqueurs 1878-1879

L'expansion du tsarat russe vers le sud, avec la conquête des khanats de Kazan (1552) et d'Astrakhan (1556) inquiétèrent sérieusement le sultan Selim II. La Sublime Porte comprit qu'il fallait au plus vite repousser les Russes loin des frontières de l'Empire ottoman et de la Crimée, qui dépendait des Turcs. Les succès militaires, cependant, tournèrent le dos à ces derniers. En 1569, leur tentative de prendre Astrakhan s'est soldée par un échec et en 1572, lors de la bataille de Molodi, à 50 km de Moscou, menée avec l'armée du khan de Crimée Devlet Giray, jusqu'à sept mille janissaires sont morts.

Giray s'enfuit de Moscou

Les guerres de la fin du XVIIe siècle et du début du XVIIIe siècle, dans l'ensemble, ont été favorables à l'État russe : ce dernier a pu arrêter l'expansion de l'Empire ottoman sur les terres ukrainiennes, sécurisant Kiev et les territoires sur la rive gauche du Dniepr, s'emparer en 1696 de la forteresse turque d'Azov sur la rive de la mer homonyme, et commencer à y créer la première marine régulière.

Sélim II

Une douche froide pour les Russes, cependant, fut la campagne du Prut de 1711, au cours de laquelle l'armée de 80 000 hommes de Pierre Ier fut encerclée en Moldavie par deux cent mille Turcs et Tatars de Crimée. Quoique le tsar ait réussi à faire la paix avec l'ennemi et à sauver son armée, Azov a été perdue pendant près d'un quart de siècle.

Flottille russe d'Azov

L'une des guerres les plus importantes de l'histoire des affrontements russo-turcs a été la guerre de 1768-1774. En juillet 1770, une escadre russe anéantit complètement la flotte turque dans la baie de Tchesmé, en mer Égée, ce qui lui permit d’obtenir une domination complète en Méditerranée orientale. « L'eau, mêlée de sang et de cendres, offrait un tableau effrayant. Les cadavres brûlés des hommes flottaient sur les vagues, et le port en était rempli de sorte qu'il était difficile de circuler en bateau », a rappelé le prince Iouri Dolgoroukov, qui a participé à la bataille. 

Bataille de Tchesmé

Le triomphe maritime fut suivi de succès sur terre : les armées turques furent défaites à Larga, Cahul et Kozluca. Pendant un certain temps, les troupes russes ont tenu l'un des ports les plus importants de l'Empire ottoman - Beyrouth. À la suite de la guerre, la Crimée est déclarée indépendante mais laissée sous l'autorité du sultan (la péninsule sera annexée à l'Empire russe en 1783). Dans le même temps, la Russie recevait le droit de déployer en mer Noire une marine qui pouvait librement traverser le Bosphore et les Dardanelles.

Bataille de Kagul

Au cours des conflits militaires ultérieurs jusqu'au milieu du XIXe siècle, la Russie a réussi à refouler l’Empire ottoman, affaibli, du nord de la mer Noire, du Caucase et des Balkans. La guerre de Crimée de 1853-1856 a également bien commencé pour les troupes russes. Lors de la bataille de Sinope, le 30 novembre 1853, la flotte russe a largement vaincu les Turcs : 15 navires ont été coulés, plus de trois mille marins ont été tués et le commandant de la flotte turque, le vice-amiral Osman Pacha, a été capturé. « C'est avec une joie sincère que je vous prie de dire à NOS braves marins que je les remercie pour l'exploit accompli pour la gloire de la Russie et pour l'honneur du drapeau russe. Je suis heureux de voir que Tchesmé n'est pas oublié dans la flotte russe, que les arrière-petits-enfants sont dignes de leurs arrière-grands-pères », a écrit l'empereur Nicolas Ier au ministre de la Marine Alexandre Menchikov. 

Bataille de Sinope

Le « bain de sang de Sinope », comme la bataille a été surnommée dans la presse anglaise, a précipité l'entrée en guerre aux côtés des Turcs de la Grande-Bretagne, de la France et du Royaume de Sardaigne. Profitant du retard technique de l'armée russe, les Alliés ont finalement triomphé. L'une des conditions les plus dures du traité de paix de Paris, qui a mis fin à la guerre, était la perte par la Russie du droit de posséder une marine sur la mer Noire (la restriction a été levée en 1871).

Cuirassé russe pendant la bataille de Sinope

Après que les Turcs eurent brutalement réprimé les soulèvements de la population chrétienne en Bulgarie et en Bosnie en 1876 et 1877, une vague d'indignation parcourut toute l'Europe. Le 24 avril 1877, la Russie déclare la guerre à l'Empire ottoman, son but étant la libération des peuples des Balkans. Malgré des difficultés temporaires, la campagne militaire de l'armée russe s’est déroulée avec succès et en janvier de l'année suivante, elle était aux abords d'Istanbul. Aux termes du traité de paix conclu à San Stefano, l'indépendance de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro (de facto depuis longtemps sortis du contrôle du sultan) a été officiellement proclamée, les Turcs ont cédé une partie des territoires du Caucase et des Balkans aux Russes, et ont également accordé l'autonomie à la Bosnie-Herzégovine. Mais le principal résultat de la paix fut le rétablissement de l'État bulgare, qui comprenait de vastes territoires allant de la mer Noire à la mer Égée. Pendant les premières années, la Bulgarie devait être placée sous contrôle russe direct.

Bataille de Chipka

Un tel renforcement des positions de l'Empire russe dans les Balkans ne manqua pas de préoccuper sérieusement les puissances occidentales. À la suite d’un assaut diplomatique de leur part, les conditions de la paix de San Stefano ont été révisées au Congrès pour la paix de Berlin à l'été 1878. L'indépendance de la Roumanie, de la Serbie et du Monténégro a été confirmée, mais la Bosnie-Herzégovine, au lieu de l'autonomie, a obtenu une occupation « temporaire » par les troupes austro-hongroises (moins de 20 ans plus tard, la région était officiellement tombée sous la domination de Vienne). Au lieu de la « Grande Bulgarie », une principauté vassale avec pour capitale Sofia et une province autonome de l'Empire ottoman, la Roumélie orientale, ont été établies. « L'Europe ne nous a donné que le droit de battre les Turcs, de verser le sang russe et de dépenser de l'argent russe, mais en aucun cas d’en tirer un profit ni pour nous-mêmes ni pour nos coreligionnaires à notre discrétion », a déploré l'ambassadeur de Russie à Istanbul Nikolaï Ignatiev. 

Carte satirique de l'Europe, 1877

Le dernier conflit armé dans l'histoire de la rivalité entre les deux empires fut la Première Guerre mondiale. L'armée russe a réussi non seulement à contrecarrer les plans des Turcs visant à s'emparer de la Transcaucasie russe, mais aussi à lancer une contre-offensive à grande échelle. Ainsi, au début de 1916, les troupes du général Nikolaï Youdenitch ont vaincu la 3e armée turque et capturé la ville stratégiquement importante d'Erzurum, derrière laquelle s'ouvrait la voie vers l'intérieur des territoires ottomans.

Canon turc capturé par l'armée russe, 1916

Les troupes russes, cependant, n’écraseraient pas les Turcs cette fois. La Révolution de février 1917 a conduit non seulement à la chute de la monarchie en Russie, mais aussi à l'effondrement rapide de l'armée russe. Les troupes turques ont réussi à reprendre toute l'Anatolie orientale sous leur contrôle et même à capturer les régions russes de Batoumi et de Kars. Malgré cela, l'issue du conflit mondial était déjà écrite pour l'Empire ottoman, et les jours de la Sublime Porte étaient comptés.

Tranchées russes dans les forêts de Sarıkamış

Après la fin de la Première Guerre mondiale, une période inhabituelle dans les relations bilatérales a commencé pour les ennemis implacables d’hier. Les bolcheviks ont soutenu le Mouvement national de Kemal Atatürk dans sa lutte contre l'intervention étrangère. En conséquence, la Russie soviétique et la République turque, établie en 1923 sur les ruines de l'Empire ottoman, sont même devenues des alliées, même si cette amitié a été de courte durée.

Kliment Vorochilov et Atatürk en 1933

Comment l’Empire russe a-t-il vu le jour ? Trouvez la réponse dans cette autre publication.

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