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En octobre 1970, le premier tirage au sort de la loterie Sportloto a été diffusé à la télévision. Les Soviétiques vérifiaient leurs numéros de billets des étoiles dans les yeux. L'air crépitait d’espoir, d'anxiété et d'excitation. Au départ, seuls les Moscovites avaient la chance de participer à la loterie. Pourtant, 1,5 million de billets ont été vendus en une semaine. La popularité du jeu s'est ensuite répandue comme une traînée de poudre dans le reste de l'URSS. Bakou (capitale de la RSS d'Azerbaïdjan) est devenue la deuxième ville où les billets de loterie ont commencé à être vendus, suivie d'Erevan (capitale de la RSS d'Arménie), Odessa (ville portuaire ukeainienne sur la mer Noire), Kiev (capitale de la RSS d'Ukraine) et d'autres grandes villes. Les revenus de la loterie fournissaient jusqu'à 80% des rentrées du budget de l'État destiné au sport.
Quelques années plus tard, des millions de personnes de tous les coins du pays (environ les trois quarts de la population) jouaient à loterie. La comédie Sportloto-82 de Leonid Gaïdaï est devenue le film le plus rentable d’URSS au cours de l’année en question. Dans les années 80, le réseau de vente de loteries en Union soviétique était le plus important au monde.
La popularité du jeu s'est répandue comme une traînée de poudre à travers l'URSS.
Iouri Sadovnikov/МАММ/МDFLorsque George Orwell a décrit le phénomène de la loterie dans son classique 1984, il semblait avoir vu la version soviétique de ce jeu de ses propres yeux. « La loterie, avec son versement hebdomadaire d'énormes prix, était le seul événement public auquel les prolétaires accordaient une grande attention. C'était leur joie, leur folie, leur bol d’air frais, leur stimulant intellectuel », écrit-il.
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Mais en Union soviétique, le jeu de hasard n’était pas dénué de sens. Pour la majorité des citoyens, gagner à la loterie était la seule chance d’obtenir la liberté financière.
Jusqu'aux trois quarts de la population se sont impliqués dans la loterie.
Studio photo à Zaretchni / Archives de TchernichevSportloto est une idée originale de Viktor Ivonine, vice-président du comité des Sports soviétique. Le plus grand défi consistait à écarter les critiques potentielles selon lesquelles l'idée même du jeu d'argent serait en contradiction avec la nature socialiste de l'Union soviétique. Les autorités ont donc trouvé un compromis. Il a été décidé que la moitié des recettes de toutes les ventes de billets serait consacrée au développement du sport dans le pays.
La première loterie, en 1970, s’appelait « 6 sur 49 ». L'heureux gagnant devait choisir entre trois et six numéros gagnants. Lioudmila Morozova, une ingénieure de 35 ans originaire de Moscou, a décroché le jackpot. Elle a gagné 5 000 roubles.
Image tirée du film «À la recherche du soleil»
SputnikComme souvent pour les bonnes choses, c'est arrivé tout à fait par hasard. La femme rentrait du travail, fatiguée et affamée, lorsqu'elle s'est arrêtée à un kiosque près du métro. Lioudmila pensait qu'elle n'avait rien à perdre (en effet, un billet ne coûtait que 30 kopecks), alors elle en a pris deux : un pour elle, l'autre pour sa fille de 11 ans. Sa fille a décidé de tenter sa chance avec beaucoup de sérieux. Fan du jeu de bingo, elle a attrapé un sac en tissu rempli de belles boules en bois avec des numéros découpés imprimés dessus, a secoué le sac avec un enthousiasme juvénile et en a sorti six balles au hasard. C’étaient les bons numéros ! En récompense pour ses efforts prophétiques, la jeune fille a modestement demandé à sa mère de lui acheter un vélo.
À une époque où le salaire mensuel moyen n'était que de 90 à 115 roubles, 5000 roubles représentaient une somme énorme. On pouvait acheter un énorme ensemble de meubles fabriqués en Yougoslavie pour son salon, un tapis avec des cygnes à épingler au mur, un piano et un canapé-lit, ou simplement mettre de l'argent de côté pour les mauvais jours.
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Gagner à la loterie donnait à n'importe qui une chance de vivre mieux. En 1972, la mère du futur président Vladimir Poutine a remporté une voiture Zaporojets.
« À la cantine, au lieu qu’on lui rende la monnaie, on lui donnait, je crois, quelques billets ou juste un billet. Cela coûtait 30 kopecks... Nous vivions dans une pièce, dans un appartement communautaire, au dernier étage, au quatrième. Nous n’avions même pas de douche. Et [vivant] dans de telles conditions, ma mère a gagné cette voiture, a rappelé le président russe en 2018. Je me souviens parfaitement d'une réunion de famille où maman et papa se sont assis à la table et ont réfléchi à ce qu’il fallait en faire. Et puis soudain, ma mère a dit : Nous prendrons la voiture pour que notre fils conduise. Pouvez-vous imaginer ce que cela signifiait pour mes parents ? ».
Bien que les gains les plus élevés possibles à Sportloto eussent été plafonnés à 5 000 roubles, les gens pouvaient gagner des sommes plus importantes. Par exemple, un serrurier de Tallinn (capitale de la RSS d'Estonie) a gagné près de 35 000 roubles. Pour augmenter leurs gains, les amateurs de loterie achetaient non pas un mais des dizaines de billets, jusqu'à un millier.
«Sportloto-82» est devenu le film le plus rentable d’URSS en 1982.
Leonid Gaïdaï/Mosfilm, 1982En 1978, la limite de gain pour un billet a été augmentée à 10 000 roubles, ce qui a renforcé la popularité du jeu. Et pourtant, beaucoup jouaient à la loterie sans se rendre compte à quel point il était difficile de gagner.
Pour la majorité des citoyens, gagner à la loterie était leur seule chance de réaliser leur liberté financière.
TASSEn 1985, Sergueï Mikhaïlov, un électricien de Douchanbé (capitale de la RSS du Tadjikistan), a remporté le plus grand prix de loterie de l'histoire soviétique - 60 680 roubles (il aurait dû travailler pendant quatre décennies pour gagner une telle somme). Un journal soviétique a même publié un article consacré au lauréat de 38 ans. Sportloto effectuait des tirages au sort tous les 10 jours et Sergueï n'a pas manqué une seule occasion. Il a rempli chaque billet qu'il achetait avec les mêmes numéros : 1 ; 5 ; 10 ; 21 ; 25. Cependant, il gagnait rarement plus de dix roubles. Selon le journal, l'heureux gagnant a fait don de 1 000 roubles au Fonds soviétique pour la paix.
Beaucoup de Soviétiques ont joué à la loterie sans savoir à quel point il était difficile de gagner.
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Au départ, pour décrocher le jackpot, le joueur devait proposer 6 numéros sur 49. Plus tard, il a été décidé de simplifier le défi. Il fallait faire correspondre 6 numéros sur 45.
En 1976, le Samedi Sportloto a été introduit en utilisant la formule « 5 sur 36 ». Il était basé sur le jeu de Keno, originaire de la Chine ancienne. La légende raconte qu'avec les fonds récoltés par l'ancienne loterie, l'empereur a financé la construction de la Grande muraille de Chine. En URSS, la loterie a fourni plus d'un quart du budget des Jeux olympiques d'été de 1980 à Moscou - environ 532 millions de roubles.
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