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Des personnes portant les masques des anciens dirigeants soviétiques Boris Eltsine, à gauche, et Mikhaïl Gorbatchev dans un marché de rue à Moscou, quelques jours avant l'effondrement de l'Union soviétique, le 28 octobre 1991.
Getty ImagesVous souvenez-vous d'une époque antérieure aux iPhones et aux réseaux sociaux ? Dans la Russie des années 90, la période de mon enfance, nous trouvions de la joie dans d'autres choses (comme une nouvelle Barbie, un jeu Tetris sur console portable ou un chewing-gum) et nous nous connections avec nos amis dans la vraie vie, pas par le biais de WhatsApp ou de Telegram.
Les unités militaires ayant pris le parti du Parlement russe devant le bâtiment du Soviet suprême de la RSFSR
Sergueï Gouneïev/SputnikLa période 1991-1999 a été une période passionnante pour grandir. Les Russes ont été témoins de beaucoup de choses : la tentative de coup d'État de 1991, l'effondrement de l'URSS et la nouvelle Constitution de 1993, ouvrant la porte aux libertés démocratiques, les premières élections libres, la privatisation des biens de l'État, deux guerres en Tchétchénie, la chute (et la montée, et la chute encore) du rouble – la liste est longue ! Dans la conscience collective russe, cette période s'est ancrée comme « les années 90 sauvages ». Voyons cela de plus près.
Des punks russes vivant dans un bâtiment abandonné près de la place Pouchkine, où ils survivent grâce aux poubelles de Pizza Hut et de McDonald's, ainsi qu'en mendiant.
Getty ImagesBeaucoup rêvaient que la chute de l'Union soviétique apporte instantanément au pays des jeans et d'autres produits occidentaux, mais la réalité s'est vite imposée. Les magasins se sont vidés et l'argent a perdu de sa valeur. Ceux qui travaillaient dans des institutions gérées par l'État ou qui dépendaient de l'État sont ceux ayant le plus souffert, tandis que les individus doués pour les affaires ont vu de nouvelles opportunités à saisir.
Des enfants russes buvant du Pepsi.
Getty ImagesD'une part, la chute du régime précédent a anéanti tout espoir de stabilité qu'il avait promis à ceux qui le servaient : chacun savait auparavant qu'il obtiendrait un emploi après avoir décroché son diplôme, et qu'il pourrait subvenir aux besoins de sa famille avec un salaire décent – et même se détendre occasionnellement dans les stations balnéaires soviétiques. Mais, d'un autre côté, la nouvelle voie démocratique a permis aux gens ordinaires d'accéder aux voyages internationaux (pas à l'argent, bien sûr) ainsi qu'à des choses comme la liberté accrue des médias, qui sont devenus une véritable force dans la Russie des années 90.
Un garçon des rues, 1993
Valeri Bouchoukhine/TASSLa loi et l’ordre ont temporairement cessé de signifier quoi que ce soit avec l'effondrement du pays. L'anarchie totale et le chaos ont pris le dessus. Certains hommes d'affaires russes se souviennent encore aujourd'hui des risques encourus dans les années 90 : soit vous étiez tué, kidnappé et torturé, soit vous deviez vous soucier de la sécurité de votre famille et de vos proches.
Les forces spéciales de police de Moscou (OMON) arrêtent un voleur présumé de voitures issu de la mafia .
Getty Images« Dans les années 90, tout a basculé. Le pays s’était divisé en deux camps : les chasseurs et les proies, se souvient Valeri Loktionov, champion d'Europe de bodybuilding. Les hommes d'affaires étaient les proies et les gangsters étaient les chasseurs. Comme la loi ne fonctionnait pas, ce sont les chefs criminels qui étaient la principale source de pouvoir. Les gens venaient vers eux de leur plein gré pour demander de l'aide et les hommes d'affaires aussi, pour se protéger. Si vous obteniez la protection d'un bon gang, vous n'aviez pas beaucoup à vous inquiéter ».
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Marché de Loujniki, 1996
Valeri Khristoforov/TASSLes années 90 ont été une période où de nombreux milliardaires d'aujourd'hui ont accumulé leur richesse – certains ont encaissé des fonds en localisant des logiciels étrangers ou en créant la première bourse, tandis que d'autres, comme Roman Abramovitch, ont commencé par vendre des poupées en caoutchouc ou par proposer des services d'encaissement avec une commission énorme, à l’instar de l'exilé Mikhaïl Khodorkovski. Certains ont même réussi à profiter de la situation pour acheter des marques russes de renommée internationale à un prix inférieur à leur valeur marchande. Prenez la vodka Stolitchnaïa, par exemple. Yuri Scheffler, qui a acheté la marque dans les années 90, a gagné entre 500 et 680 millions de dollars par an, selon diverses estimations.
Imaginez le nombre de niches ouvertes aux Russes dans les années 90. Du vinyle et des pièces automobiles aux vestes en cuir et à l'alcool – les négociants et revendeurs pouvaient faire fortune à l'époque. Par exemple, il existe une histoire sur un type qui a réussi à obtenir de France un million de sacs en plastique défectueux (gratuitement ou à bas prix). Tous les Soviétiques rêvaient d'avoir un tel sac, surtout avec une inscription étrangère dessus. Cet homme les a donc tous vendus à Moscou pour 5 roubles chacun – 5 millions au total !
Une femme et un homme portant des vêtements de style occidental près d'une collection de souvenirs soviétiques et russes sur la rue Arbat, à Moscou, en 1991.
Getty ImagesDe plus, il y avait une chance de toucher le gros lot grâce à l'inflation et aux fluctuations du rouble. Vitali, 69 ans, originaire de Riazan (200 km au sud-est de Moscou), se rappelle qu'à la fin des années 90, il avait des économies pour sa retraite sur son compte en banque. « J'avais entendu des rumeurs selon lesquelles il allait y avoir une inflation. Ma femme m'a recommandé d'échanger mes économies contre des dollars américains – j'ai donc acheté d'abord 1 000 dollars, puis 500 de plus, au taux de 1 dollar = 6 roubles. Et puis le rouble a effectivement baissé, et le dollar a fortement augmenté », témoigne-t-il, ajoutant qu'il a ainsi réussi à acheter une nouvelle voiture avec la somme qu'il avait gagnée.
Le bureau de change de la 2e rue Brestskaïa, en mars 1996.
Valeri Khristoforov/TASS« Les années 90 ont été très difficiles, assure Larissa, 64 ans, de Moscou. Nous avons cessé d'être payés, l'inflation était colossale, toutes les économies avaient pratiquement disparu. Ma tante avait économisé pour acheter une voiture, et quand elle a vu ce qui se passait, elle a retiré tout l'argent de son compte en banque en une fois et a acheté un nouveau manteau d'hiver ». Il y a beaucoup d'autres histoires de ce genre, avec des gens qui non seulement ont perdu leur stabilité financière, mais ont aussi été les victimes de systèmes pyramidaux (comme les MMM) et de spéculateurs sur les devises.
Des citoyens vendent leurs biens sur un marché installé le long d'une rue boueuse de Moscou.
Getty Images« Avez-vous oublié comment les gens avaient l'habitude de prendre les choses les plus précieuses de leur maison (pour les vendre) ? Je connais une femme qui s'est coupé les cheveux et les a vendus pour acheter du lait pour ses enfants, se souvient Ivan, un homme d'affaires de Rostov. Et quand certains disent que c'était une époque de liberté – je suppose que c'était le cas, mais c'était une mauvaise sorte de liberté, sauvage et sanglante. Je ne voudrais pas y retourner ».
Maria et sa fille Maria, âgée de 4 ans, mendient dans un passage souterrain de Moscou. De nombreuses personnes originaires des anciennes républiques soviétiques ont afflué à Moscou à la recherche d'un emploi mais se sont retrouvées à la rue.
Getty ImagesEt de nombreux Russes seraient d'accord avec cette opinion. En 2016, 56 % d'entre eux ont déclaré que l’ère de Boris Eltsine, le premier président de la Fédération de Russie nouvellement établie, avait apporté plus de mal que de bien au pays.
En Russie, les marchés en plein air étaient le reflet des changements survenus dans le pays au cours de cette tumultueuse décennie, comme en témoignent les photographies dans cet autre article.
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