La mode «voyou» des années crapuleuses

Les années 90 ont envahi le monde sous le slogan « be yourself ». Crédit : Itar-Tass

Les années 90 ont envahi le monde sous le slogan « be yourself ». Crédit : Itar-Tass

En Russie, les années 90 sont associées à l’épithète « voyou ». La chute de l’URSS et l’avènement d’une démocratie balbutiante n’ont pas seulement apporté la liberté de vote et l’abondance de la consommation, mais également le crime organisé et un sens du business sauvage. A cette époque, la mode se dote elle aussi de son côté « voyou ».

Les années 90 ont envahi le monde sous le slogan « be yourself ». En Russie, cette aspiration à l’auto-réalisation est renforcée par les grandes transformations économiques. Le pays assiste à l’inondation du marché par des marchandises en provenance de Turquie et d’Asie du Sud-Est, dont la qualité et l’élégance sont loin d’être au rendez-vous. Pour les fashionistas en revanche, c’est l’occasion de s’habiller comme on l’entend, au gré de l’humeur et de l’imagination du moment, et non plus comme avant, avec les moyens du bord.

Queue de cheval négligée, T-shirt oversized aux imprimés rigolos et jeans délavés : ce sont les basics portés par les jeunes filles de l’époque. Ensuite, viennent toutes les variations possibles de la mode. Les T-shirts aux couleurs fluo étaient par exemple très populaires. On découpait des franges sur 10-15 cm que l’on décorait ensuite de clips de couleur en plastique.

T-shirt oversized aux imprimés rigolos et jeans délavés : ce sont les basics portés par les jeunes filles de l’époque. Crédit : Itar-Tass

A ce propos, les « délavés », en russe « varenki » (bouillis), tirent leur nom pas tant de la couleur que du procédé, permettant de déteindre à la maison ses blue jeans en les faisant bouillir. L’alternative aux jeans sont ces horribles leggings élastiques pourtant très à la mode, à paillettes et aux couleurs chimériques: du turquoise uni, rose ou vert néon aux motifs léopard ou « arc-en-ciel ». D’autant qu’ils se suffisent à eux seuls: avec un pull-over ou une veste, avec mini-jupe ou sans, ou juste avec un top court, les leggings sont portés sans aucun complexe.

Une scène du film Interdevotchka. Crédit : service de presse

A cette époque, les jeunes filles cherchent ouvertement à ressembler aux stars d’Interdevotchka (film soviétique sur la vie difficile de prostituées). Le style de la rue rappelle celui des discothèques. Les mini-jupes s’accompagnent hardiment de collants résille, de vestes à épaulettes et de bottines bordées de fourrure. Tous les éléments possèdent au moins une touche de fluo et un imprimé, des paillettes ou des strass, et du cuir pour les finitions : de la veste perfecto jusqu’aux bracelets.

Les jeunes hommes portent aussi des joggings et d’autres éléments provenant des vêtements de sport. Crédit : Itar-Tass

femmes d’âge mur s’habillent avec plus d’élégance. Mais elles ne peuvent renoncer aux indispensables, comme par exemples les jeans de fabrication turque parsemés de strass et de broderies. Plus que tout, ces dames privilégient les matières vives et synthétiques. Dans les magasins (et pas seulement), on les entend s’extasier : « J’adore le synthétique ! C’est à la fois confortable et esthétique ! ». A l’époque, les usines soviétiques privilégient pour la fabrication des vêtements des tissus naturels qui, malgré tous leurs avantages, se déforment plus rapidement et proposent une gamme de couleur beaucoup plus restreinte. Et puis, leur coupe sied bien moins à la silhouette. Mais le coton est alors bien plus accessible.

Autre caractéristique de la mode de la rue post-soviétique, cet intérêt exacerbé pour les vêtements moulants. Excédées par l’interdiction de la sexualité, de nombreuses femmes prennent ainsi plaisir à mélanger avec audace une blouse stretch et des jeans moulants. Ce détail est sans doute le préféré de la garde-robe soviétique. Aujourd’hui beaucoup mamies et ados portent des jeans sans complexes, mais il ne faut pas oublier qu’avant les années 1990, ils étaient la prérogative de la jeunesse. L’ancienne génération se contentait de porter des robes, des jupes et des pantalons classiques.

Autre caractéristique de la mode de la rue post-soviétique, cet intérêt exacerbé pour les vêtements moulants. Crédit : Itar-Tass

Les jeunes hommes, comme les filles, aiment les jeans délavés, les T-shirts et les vestes en cuir. Mais ils portent aussi des joggings et d’autres éléments provenant des vêtements de sport. L’homme d’âge mûr, lui, préfère porter des jeans bleus foncés ou des pantalons de survêtement, le tout avec des chaussures de villes classiques ou des sandales, selon la saison. En haut, c’est chemise, gilet de chasseur avec d’innombrables poches et banane ou petite sacoche pour ranger ses affaires personnelles : porte-monnaie, tickets de transport, clés et autres indispensables. Une veste en cuir ou en peau de mouton vient à l’époque compléter le tableau.

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