Comment la Russie a aidé l’Iran à créer ses troupes cosaques

Histoire
BORIS EGOROV
Le shah de Perse a été à tel point impressionné par la posture et les qualités de combat des cosaques, qu’il a demandé à l’empereur russe de créer des troupes similaires dans son propre pays. Une occasion pour les Russes de se forger une influence colossale en Iran.

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L’Europe toute entière redoutait ces cavaliers barbus, armés de lances et de sabres. Connus pour leur tempérament impétueux et leurs excellentes qualités de combat, ils sont devenus une partie indissociable de l’image de la Russie à l’étranger.

La cavalerie irrégulière cosaque a suscité l’envie et l'admiration de nombreux pays, qui rêvaient de posséder de telles formations dans leurs armées. L'un d’entre eux s'est même tourné vers la Russie pour lui demander de l'aider à créer ses propres troupes cosaques. Une telle volonté a été exprimée par l'Iran, largement connu à l’époque sous le nom de Perse.

Facteur de l’influence russe en Iran

C’est lors de sa visite à Erevan, en 1878, que Nassereddine Chah a vu pour la première fois des cosaques. Il a été impressionné par la maîtrise d’armes et le maintien des cosaques du Terek, habitant le Caucase.

Animé par l’idée de créer quelque chose de similaire dans son pays, le shah s’est adressé aux autorités locales, leur demandant de lui envoyer des officiers, et ce, pour créer une division de cavalerie. Sa demande est parvenue jusqu’aux oreilles de l’empereur Alexandre II, qui a alors immédiatement répondu par l’affirmative.   

En effet, l’empereur russe n’avait pas besoin de trop réfléchir sur la décision : depuis de longues années, la Russie et le Royaume-Uni menaient le « Grand jeu » pour la sphère d’influence en Asie, où l’importance de la Perse n’était pas à sous-estimer. La demande du shah offrait donc aux Russes la possibilité de consolider leur position dans le pays, offre qu’ils ne pouvaient rejeter.

Le lieutenant-colonel Alexeï Domontovitch y a donc été envoyé en compagnie de trois officiers et cinq sous-officiers des troupes du Terek.

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La brigade cosaque perse

Formée en 1880 et comprenant des Perses, la Brigade de sa majesté le shah comptait au début quelque 200 hommes qui portaient les uniformes des troupes cosaques du Terek et du Kouban.

À sa tête se trouvait un officier de l’état-major russe, conseiller proche du shah qui n’obéissait qu’à lui et au premier ministre du pays. Il a reçu le titre de « sardar », considéré plus important que celui de général. Le shah l’a décoré de l’ordre honorifique du Lion et du Soleil et du « Timsal » - portrait du souverain décoré de diamants et porté sur la poitrine. Le dirigeant ne s’ingérera jamais dans les affaires de la brigade, comptant entièrement sur l’avis du commandant.

Au fur et à mesure, la brigade est devenue plus nombreuse et sa structure plus compliquée – un bataillon d’infanterie et une batterie d’artillerie. Devenus une force apte au combat, les cosaques perses assuraient la sécurité du shah, de l’élite du pays, mais aussi des ministères, des banques, ainsi que des missions diplomatiques étrangères, et écrasaient toute sorte de troubles.

Au cours de son histoire, la brigade a connu des hautes et des bas. Tantôt les shahs perdaient tout intérêt pour elle et envisageaient même de la dissoudre, tantôt lui offraient toute sorte de privilèges. Une partie du financement venait de Russie.

Au début du XXe siècle, la brigade apparaissait comme l’unité la plus apte au combat de l’armée iranienne et recevait donc ce qui se faisait de mieux. « Lorsque je suis arrivé à la brigade en 1914, j’y ai trouvé de bonnes constructions munies de tout ce qui était nécessaire, une très bonne maison réservée pour le chef de la brigade et de bons appartements destinés aux instructeurs russes, bien équipés et proposant toutes les commodités », se souvenait le capitaine en second Léonid Vyssotski, envoyé en Perse en tant qu’instructeur de cavalerie.

Un corps de cadets a même été créé auprès de cette brigade, où l’enseignement était dispensé principalement en russe, mais comptait plusieurs disciplines en farsi, dont la littérature persane. Une fois promus, les cadets, parlant bien le russe et, ayant reçu l’éducation appropriée, étaient élevés au grade d’officier.

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Cosaques perses – succès des renseignements russes

Comme l’estime le journaliste militaire et historien spécialisé dans les services spéciaux Mikhaïl Boltounov, la mise en place d’une brigade de cosaques dirigée par des officiers russes en Perse, a été l’une des opérations spéciales les plus fructueuses et réussies du renseignement militaire russe de la seconde moitié du XIXe siècle.

Ainsi, pendant la période de sa direction de la brigade (1894-1903), Vladimir Kossogovski a envoyé à l’état-major une quantité énorme de données de renseignement d’importance stratégique, économique et militaire. Occupant son poste, il était bien au courant de toutes les péripéties de la politique iranienne.

C’est dans les détails les plus précis qu’il a décrit le possible itinéraire de l’armée russe vers l’Inde et passant par l’Iran : tous les détails du chemin, les lieux convenant le plus au forçage des rivières et beaucoup d’autre informations importantes étaient répertoriés.

Dans ses rapports envoyés à Saint-Pétersbourg, il mentionnait même la technologie de l’élevage des vers à soie ainsi que les systèmes d’alimentation en eau et de canalisations de la capitale persane.

Une fin infâme

Au début du XXe siècle, la brigade cosaque perse prenait part à tous les combats et événements cruciaux pour le pays, restant un pilier fidèle du régime au pouvoir. C’est uniquement grâce à elle que, lors de la Révolution constitutionnelle persane de 1908, Mohammad Ali Chah a pu rester en vie et préserver le pouvoir, sortant victorieux du conflit avec le majlis.

En 1916, une division a été créée sur la base de cette brigade, mais, comme le montrera le temps, les cosaques n’avaient que très peu d’avenir devant eux. La Révolution russe de 1917 a mis fin à tous leurs liens avec la Russie.

Pendant une certaine période, la division a servi pour prévenir l’intrusion soviétique en Iran du Nord, mais en 1921, les 120 officiers russes ont été licenciés et la division dissoute. Toutefois, les cosaques perses formés par des spécialistes russes ont continué à être considérés comme une élite militaire du pays et ont pendant longtemps servi de colonne vertébrale de la nouvelle armée que le pays a créée.

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