Pourquoi la Russie n’a-t-elle pas riposté à l’attaque de son ambassade à Téhéran?

Sergey Vinokurov/Aurora company
150 ans avant que l'ambassade américaine à Téhéran ne soit attaquée par une foule iranienne, l'ambassade de Russie a subi le même sort. Contrairement aux Américains, l’ensemble du personnel russe a été assassiné au cours du processus. Pourtant, aucune réponse appropriée n'a suivi.

Le 11 février 1829 au petit matin (30 janvier selon le calendrier julien), une immense horde de près de 100 000 Perses, armés de couteaux, de pierres et de bâtons, entoura l'ambassade de Russie à Téhéran. La foule en colère criait avec frénésie et réclamait le sang des Russes barricadés à l'intérieur.

Les diplomates et 35 gardes cosaques n’avaient aucune chance contre une telle foule, mais tinrent bon jusqu'au bout. Les Perses déchiquetèrent littéralement les Russes, parmi lesquels se trouvait l'ambassadeur et grand poète russe, Alexandre Griboïedov.

Une telle insulte ne pouvait pas rester sans réponse. Cependant, ce fut le cas. Pour plusieurs raisons, l'Empire russe évita la guerre et ferma les yeux sur le massacre.

Pourquoi les Perses ont-ils attaqué?

Alexandre Griboïedov fut envoyé en Perse en 1828, un an avant son assassinat. Le pays avait récemment perdu une guerre contre la Russie et était obligé de payer de lourdes réparations, qui pesaient sur les épaules du peuple. La colère nationale n’attendait donc qu’une étincelle pour se déclarer.

Alexandre Griboïedov

La noblesse perse avait par ailleurs ses propres revendications contre les Russes. Depuis que l'Arménie était devenue partie intégrante de l'Empire, de nombreux Arméniens locaux avaient cherché refuge à l'ambassade de Russie dans l'espoir de quitter la Perse pour leur patrie historique.

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Un des Arméniens venus voir Griboïedov en quête d'un abri et d'une protection constitua cependant une menace réelle pour les dirigeants persans. Jakub Markaryan Mirza, eunuque du harem du Shah, qui était également le trésorier principal et gardien des bijoux du Shah, connaissait en effet trop de secrets pour pouvoir fuir vers l’État ennemi.

Griboïedov refusa toutes les demandes persanes de leur renvoyer Markaryan Mirza. Alors, le Shah décida de faire pression sur les Russes. Des provocateurs commencèrent à exciter les sentiments antirusses au sein de la population. Bientôt, des milliers d’habitants de Téhéran étaient prêts à incendier l’ambassade de Russie.

Le Shah voulait des manifestations antirusses, mais pas un conflit ouvert. Cependant, une foule de plusieurs milliers de personnes était déjà incontrôlable. Le massacre était inévitable.

Le massacre

Alexandre Griboïedov participa personnellement à la défense de l'ambassade dans le combat inégal mené contre la foule effrénée. Les Persans prirent d'assaut la porte, essayèrent de passer par les fenêtres et tentèrent même de démonter le toit pour entrer. Enfin, ils tuèrent tous les Cosaques, les diplomates restants et Jakub Markaryan Mirza.

Le corps meurtri de Griboïedov fut extrait de l'édifice et exposé dans toute la ville. Ce n’est qu’après, sur ordre direct du Shah, qu'il en fut enlevé.

Le secrétaire à l'ambassade, Ivan Maltsev, qui avait réussit à se cacher lors de l'attaque, fut le seul à survivre au massacre de Téhéran. Parmi les Perses, 19 personnes furent tuées.

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Réponse de la Russie

Le scandale diplomatique opposant les deux États aurait certainement conduit à une guerre dans d'autres circonstances, mais pas en 1829. La Russie était en réalité aux prises avec une guerre d'usure contre l'Empire ottoman et ne pouvait se permettre d'être entraînée dans un nouveau conflit.

Le Shah envoya son petit-fils, Khozrev Mirza, voir le tsar Nicolas Ier muni d'une lettre d’excuses et de l’énorme Diamant Shah, qui est aujourd’hui considéré comme l’un des principaux trésors nationaux de la Russie.

Le dirigeant russe accepta les excuses du Shah et déclara : « J'ai laissé cet incident malheureux à Téhéran sombrer dans l'oubli ». En conséquence, les Perses ont atteint leurs objectifs : Jakub Markaryan Mirza était mort et, sur ordre de Nicolas Ier, les réparations furent réduites tandis que le paiement fut reporté de cinq ans.

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